- Au début des années 2000, des villageois du groupe ethnique Diola en Casamance, région du Sénégal, ont remarqué un déclin local des stocks de poissons et de la superficie de la forêt, ainsi qu’une hausse de la salinité de l’eau. Tout cela menaçait leur approvisionnement en nourriture et leur façon de vivre.
- Ils ont donc créé en 2006 une association des pêcheurs qui s’est agrandie et est devenue en 2010 un groupe de conservation communautaire élargi, appelé APAC Kawawana. Depuis, leur situation désastreuse a été inversée puisqu’ils ont faire revivre la pêche et les méthodes forestières traditionnelles.
- Dans la foulée, l’APAC Kawawana a constitué une équipe pour vérifier l’état de la rivière et de la forêt en comptant les poissons, crocodiles, loutres et dauphins - dont la présence indique des stocks de poissons sains - et en surveillant les précipitations et la salinité de la rivière.
- Bassirou Sambou, un pêcheur professionnel de 53 ans, est à la tête de cette communauté. Mongabay l’a interviewé dans le cadre d’un plus grand projet de reportage sur l’APAC Kawawana.
Senegal: After reviving fish and forests, Jola villages tackle new threats
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MANGAGOULAK, Sénégal – Bassirou Sabou est à la tête du département de surveillance pour la biodiversité de l’APAC Kawawana, une communauté regroupant 12 000 habitants de huit villages en Casamance, région du Sénégal. Cette communauté a réussi à repeupler les stocks de poissons dans sa rivière, à lutter contre la déforestation et à attirer la faune et la flore dans sa région.
Au début des années 2000, les villageois ont commencé à remarquer que les bras de la Rivière Casamance étaient presque vides de poissons et que la déforestation contribuait à la salinité de l’eau, menaçant la terre cultivable disponible.
Ils ont créé une association des pêcheurs en 2006, qui est devenue un groupe de conservation communautaire élargi en 2010. Depuis, ils ont inversé leur situation désastreuse grâce à leurs familles. Dans de nombreux cas, leurs méthodes permettent de revenir à la façon dont leurs ancêtres géraient la terre, comme le fait de marquer les zones protégées avec des fétiches pour indiquer que certaines activités sont interdites. D’après la coutume locale, ignorer ces fétiches peut réveiller les mauvais esprits et porter malheur.
Dans la langue Diola (langue parlée par les groupes ethniques de Kawawana), Kawawana signifie « notre patrimoine local doit être préservé par nous tous ». L’APAC est un quasi acronyme qui reflète les terres traditionnelles conservées par les indigènes et les groupes communautaires locaux.
En 2009, L’APAC Kawawana a créé un département pour la biodiversité afin de surveiller l’état environnemental de la rivière et de la forêt. Sambou, âgé de 53 ans, gère plusieurs fois par an les équipes du département. Ces équipes sont chargées de compter et d’observer les poissons, crocodiles, loutres et dauphins dont la présence indique la santé des stocks de poissons.
Au cours des 3 premières années de travail du département, son équipe a remarqué que la moyenne des stocks avait augmenté, passant de 1 kg à 4 kg par heure. Au cours de cette même période, les niveaux de salinité ont diminué de 20 %.
Mongabay a interviewé Sambou dans son village natal de Mangagoulack afin de comprendre comment cette communauté a réussi à arrêter le désastre écologique et économique sans presque aucune aide extérieure.
Mongabay : quel espèce animalière recherchez-vous, car elle indique que la population de poisson est en pleine santé ?
Bassirou Sambou : Certaines espèces, comme les loutres, se nourrissent de poissons. Quand on remarque qu’il y a un grand retour de ces animaux (depuis 2009), cela montre qu’ils ont quelque chose à manger. Autrement, ils iraient voir ailleurs..
Nous suivons également certaines espèces d’oiseaux, comme les cormorans (un piscivore), les pélicans, les alouettes et les aigrettes.
Il y a aussi les crocodiles dans les eaux froides qui maintenant se reproduisent. Nous les cherchons surtout la nuit à l’aide d’une lampe torche.
Comment faites-vous pour effectuer souvent l’inventaire ces animaux ?
Nous surveillons en groupe à différents moments de l’année, environ trois fois par an. Certains d’entre nous sortent en pirogues and nous comptons. Nous vérifions leur nombre et les espèces.
Cela fait maintenant 5 ans que nous le faisons, mais nous avons commencé à le faire bien avant, sans avoir toutes les bonnes techniques. Nous avons ensuite eu un formateur de Bordeaux qui nous a appris à surveiller systématiquement. Nous avons des représentants dans chacun des huit villages.
Au delà d’indiquer la présence de poissons, pourquoi ces espèces sont-elles importantes ?
Elles sont importantes pour l’(éventuel) écotourisme et pour que les générations futures puissent observer ces espèces ici. Autrement, les habitants les tueront toutes (notamment les crocodiles) et nous devrons aller plus loin pour les observer.
C’est mieux de les préserver. Ces espèces font parties du paysage maritime.
Comment êtes-vous perçus par votre communauté et comment atteignez-vous d’autres personnes en Casamance ?
Nous faisons tout en tant que volontaires, mais nous manquons d’argent.
Au début, nous étions perçus avec beaucoup de réticence car il y a des habitants qui mangent, par exemple, des crocodiles. Leur chair est très sucrée et tendre.
Nous avons organisé des programmes radios et les habitants appelaient pour poser des questions ou commenter. Cela aide les habitants de la région à comprendre que l’environnement est entrain d’être protégé.
À propos de la pêche, quel est votre principal objectif ?
Nous devons maintenir la pêche, mais de façon durable. Les habitants pêchaient avec des filets en monofilament mais lorsque nous avons commencé à lever des restrictions, ils ont arrêté. Nous utilisons maintenant (les filets) pour construire des enclos pour le bétail.
Nos ancêtres étaient dans la conservation et c’était des personnes qui n’étaient pas allées à l’école et n’avaient pas appris cela là-bas. Ils avaient l’idée que vous deviez pêcher petit à petit, de sorte à ce que cela reste pour les générations futures.
Partout dans le monde aujourd’hui, avec la surpêche, l’état des océans est de pire en pire. Il y a aussi des animaux qui ont besoin (de poissons) et avec le changement climatique nous avons peur que tout cela soit perdu.
Cette année, les pluies n’étaient pas du tout abondantes. À une douzaine de kilomètres d’ici, il n’a pas du tout plu. Lorsque nous manquons de pluie, le niveau de sel dans l’eau augmente. Nous contrôlons ce niveau de sel dans l’eau et, au cours des années passées où le sel était en excès, les mangroves étaient mourantes.
Lorsqu’il n’y a plus aucun petit poisson (lequel grandit dans les racines de la mangrove), il n’y a plus aucun gros poisson.
Au-delà de la surveillance, comment avez-vous contribué à la préservation de l’environnement ?
Nous avons également été impliqués dans la reforestation des mangroves, qui aident à lutter contre le changement climatique.
Les habitants les abattent. Ils viennent ici pour couper du bois vert et c’est quelque chose d’interdit par nos ancêtres. Nos ancêtres ne prenaient que le minimum pour construire le toit de leur maison car (les maisons) étaient également construites en paille.
Nous avons limité cette activité et ainsi vous ne pouvez pas ramasser (du jeune bois) en dehors du village. Les habitants de Ziguinchor (la capitale de la région) viendront et couperont du bois et ils le laisseront ensuite quelque part pendant un an pour le faire sécher. Ils le vendent ensuite. Nous avons ralenti cette pratique avec succès.
Pendant la saison des pluies, lorsque nous commençons à semer le riz, plus personne ne prend de bout de bois vert. Nous prenons quelqu’un du village où nous allons, pour voir si les arbres ont été coupés.
Y a-t-il quelque chose d’autre que vous contrôlez au sein des villages composant l’APAC Kawawana ?
Lorsqu’il pleut, nous ne ramassons pas d’huîtres. Les huîtres se reproduisent pendant la saison des pluies, donc personne n’y touche. Quand nous avons démarré ce projet de conservation, nous avons trouvé un créneau de février à juin et cela est devenu notre saison de récolte des huîtres. Cette année nous avons changé et nous le faisons uniquement en mars, avril et mai.
Il y a plusieurs années, cela était bien organisé et il y avait certaines zones où plus personne ne pêchait car les traditionnels fétiches étaient placés ici. Les habitants avaient peur que toute leur famille soit touchée.
Qu’est ce qui a changé ?
Lorsque les bateaux à moteur sont apparus (dans les années 80), les engins de pêche et les filets en monofilament, il y avait plus d’argent en circulation. Les pêcheurs venaient depuis le nord, et même de Guinée-Bissau, pour venir pêcher ici. Ils pensaient que l’approvisionnement était inépuisable. Cela ne l’était pas. Ils ont plombé nos rivières. Les espèces ont commencé à disparaître et nous nous sommes dit « cela doit cesser ».
C’est alors que nous avons commencé nos réunions avec d’autres villages et nous avons rencontré les autorités avec les anciens des villages. Nous avons commencé à établir des règles pour être en accord avec la législation en vigueur. Nous avons dû travailler avec des experts techniques au sein du gouvernement local. Nous avons introduit ces règles.
Ce n’était pas facile. Cela nous a pris près de quatre ans pour être reconnu comme une APAC.
Qu’est ce qui est important à Kawawana pour les communautés indigènes ?
Ce n‘est pas seulement le business des pêcheurs ; tout le monde est concerné.
Jennifer O’Mahony est une journaliste freelance travaillant en Afrique de l’ouest. Suivez-la sur Twitter : @jaomahony.
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