- Des études ont montré que, dans certains cas, les forêts riches en dioxyde de carbone contribuent à une grande biodiversité.
- Cependant, une étude récente s’est intéressée à une importante variété de groupes d’espèces et a prouvé que les forêts secondaires pouvaient abriter un nombre plus élevé de représentants de certains groupes d’espèces.
- Ces découvertes confortent l’idée que les forêts secondaires devraient être prises en compte dans les politiques de conservation au même titre que les forêts vierges.
Les forêts tropicales sont des atouts non négligeables dans la lutte contre le changement climatique. En effet, elles séquestrent près de 25 % du dioxyde de carbone mondial dans leur canopée, leur tronc et leur sol. En fait, leur rôle est si capital qu’on leur a accordé une place prépondérante dans l’accord de Paris sur le climat, signé en 2015.
Des scientifiques ont aussi montré que les forêts dont le taux de CO2 est élevé peuvent permettre le développement d’écosystèmes plus riches, ce qui représente un atout non seulement pour l’atténuation des changements climatiques, mais aussi pour la conservation de la faune et de la flore.
Cependant, d’après une récente étude publiée dans la revue Science Advances, les richesses des stocks de carbone forestiers ne sont pas partagées équitablement entre les espèces qu’abritent les forêts. En effet, les forêts qui sont en train de repousser (par exemple, après avoir été abattues pour en faire du bois de charpente) semblent présenter les conditions idéales pour le développement de nouvelles espèces qu’on ne trouve pas dans les forêts vierges.
« En ce qui concerne les myxomycètes, notre hypothèse est que l’environnement moins humide des forêts secondaires est plus optimal pour leur prolifération », a expliqué Frederik Van de Perre, biologiste et doctorant à l’Université d’Anvers, en Belgique et, en outre, auteur principal de l’article.
De précédentes études avaient établi une corrélation positive entre la biodiversité et le stockage hors-sol de CO2. Cependant, l’une d’entre elles n’avait mis en lumière cet effet positif qu’en se focalisant sur une zone relativement petite de 0,1 hectares. Un article publié en 2017 dans la revue Scientific Reports par l’écologue Martin Sullivan et ses collègues de l’Université de Leeds au Royaume-Uni, avait indiqué que, si l’on considère une échelle pertinente en matière de politiques de conservation, on ignore pour l’instant tout de la relation qui unit la biodiversité et le dioxyde de carbone.
Sullivan a d’ailleurs critiqué une autre étude majeure dans le domaine, qui avait établi une relation positive entre la biodiversité et le CO2, suggérant que les auteurs n’avaient pas correctement contrôlé les variations de l’environnement, telles que l’altitude, la température et les précipitations.
« La protection de la biodiversité doit être étudiée parallèlement au ralentissement du changement climatique, plutôt qu’en supposant que les bénéfices sont mutuels », a déclaré Sullivan à Mongabay en 2017.
Pour leur part, Van de Perre et ses collègues ont décidé d’aborder cette question très controversée sous un tout autre angle d’approche.
« Dans la littérature [sur le sujet], de nombreux chercheurs indiquent que [leurs recherches] portent sur les liens qui existent entre la biodiversité et le stockage du dioxyde de carbone », a expliqué Van de Perre. « Mais, dans les faits, lorsqu’on lit leurs articles dans le détail, on s’aperçoit qu’il est en réalité question de la diversité des arbres. D’après moi, dans ce cas, on ne peut pas parler de biodiversité. »
Au contraire, l’étude de Van de Perre et de ses collègues portait au total sur une dizaine de groupes d’organismes différents.
« Nous avons tout au moins tenté d’avoir un échantillon représentatif de ce qu’est la biodiversité dans son ensemble », a expliqué Van de Perre.
Les chercheurs ont travaillé dans la Réserve de biosphère de Yangambi, en République démocratique du Congo. Ils se sont servis de forêts vierges (aussi dites « primaires ») et de forêts secondaires pour représenter respectivement des environnements riches et pauvres en carbone. Les 10 groupes d’espèces qu’ils ont analysés incluaient, entre autres, les musaraignes, les fourmis, les arbres, les lichens foliacés et les myxomycètes.
Auparavant, des chercheurs s’étaient déjà intéressés aux relations entre les mammifères et le stockage du carbone dans les forêts tropicales, mais, selon Van de Perre, l’étude menée par son équipe est celle qui prend en compte « la plus grande variété de groupes d’espèces ».
Il s’agit également de « la première [étude] à comparer les arbres avec d’autres types d’espèces », a-t-il ajouté.
Or, si leurs résultats ont effectivement montré une corrélation positive entre la biodiversité et le stockage de carbone hors-sol, ce lien concerne uniquement les arbres et les lichens foliacés. La corrélation constatée entre cette variable et les huit autres groupes d’organismes oscille entre aléatoire, linéaire et négative.
Van de Perre a suggéré que les corrélations aléatoires pouvaient découler d’un phénomène que les scientifiques nomment « renouvellement », c’est-à-dire que certaines espèces appartenant au même groupe d’organismes en auraient remplacé d’autres à mesure que le stock de carbone augmentait, plutôt que de se développer en parallèle.
« Nous savons que certaines espèces de fourmis vivent spécifiquement près des arbres qu’on trouve dans les forêts secondaires », a expliqué Van de Perre. « Et il y a sans nul doute [d’autres] espèces [de fourmis] que l’on trouve exclusivement dans les forêts vierges ».
Quant aux musaraignes, les résultats ont montré une corrélation linéaire, ce qui suggère que toutes les espèces de ce groupe convenaient aussi bien aux forêts riches en carbone qu’à celles pauvres en CO2.
Les myxomycètes, en revanche, constitue le seul groupe d’organismes pour lesquels les chercheurs ont constaté une corrélation négative significative. En pratique, cela signifie que toutes les espèces de myxomycètes colonisent uniquement les forêts qui ont repoussé (forêts secondaires). Dès lors, exclure ce type de forêts des initiatives liées à la conservation serait néfaste à ce groupe d’organismes.
Ces résultats apportent donc un éclairage supplémentaire qui relance le débat sur la protection des forêts et de la biodiversité.
« En somme, les forêts vierges sont importantes car elles sont irremplaçables [et] les forêts secondaires car elles ont une valeur ajoutée », a déclaré Van de Perre. « Mais, dans les faits, créer et régénérer des forêts secondaires contribuera [à la fois] à la biodiversité et au stockage du dioxyde de carbone. »
Une étude publiée en 2016 a montré qu’en pratique, les forêts secondaires séquestrent le CO2 onze fois plus vite que les forêts primaires. Cependant, en termes de biodiversité, le rôle que jouent les jeunes forêts dépend très probablement de leur proximité avec des forêts vierges, qui facilite le recrutement d’espèces. D’après Van de Perre, c’est en tout cas un phénomène que lui et son équipe ont observé dans les parcelles de forêts où ils ont mené leurs recherches.
« Régénérer les forêts aura [donc] un effet bénéfique sur la biodiversité des forêts, de manière directe, en fournissant un habitat aux espèces adaptées aux premières étapes de la repousse, mais aussi indirecte, en augmentant les liens entre les forêts et en réduisant [leur] fragmentation », a-t-il expliqué.
Bandeau : un myxomycète, photo de Myriam de Haan/Jardin botanique Meise.
Joshua Parfitt est stagiaire chez Mongabay à La Haye, aux Pays-Bas. Retrouvez-le sur Twitter: @jjparfitt
Références
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