Nouvelles de l'environnement

Une tortue à la fois : Q&R avec le vétérinaire de zoo Justin Rosenberg

  • En avril, les autorités ont découverts environ 10 000 tortues étoilées de Madagascar, possiblement destinées au trafic animal asiatique, dans une maison abandonnée au sud-ouest de Madagascar.
  • La Turtle Survival Alliance (TSA) a amené les animaux à son centre de sauvetage à Ifaty, et bientôt les vétérinaires et les gardiens du monde entier voyageront à Madagascar pour aider ces animaux.
  • Présentement, entre 9 000 et 10 000 tortues sont vivantes et une centaine sont toujours en attente de soins intensifs.
  • Mongabay s’est entretenu avec un vétérinaire, ayant passé plusieurs semaines à l’établissement de la TSA; à propos des efforts continus.

Un effort de calibre international est en cours à Madagascar pour sauver un millier de tortues menacées qui furent découvertes dans une maison abandonnée dans la ville de Toliara en avril dernier.

Les premières descriptions de la saisie sont choquantes – des piles de tortues grosses comme des assiettes à thé sont empilées les unes sur les autres à travers leur propre excrément, l’odeur desquels a probablement dévoilé la présence des tortues aux passants. Les autorités croient que les tortues étoilés (Astrochelys radiata), une espèce menacée sur la liste de UICN vivant uniquement sur l’île de Madagascar, a été arrachée à la vie sauvage et transportée à la maison sur la route d’un marché animalier, probablement en Asie.

L’ONG Turtle Survival Alliance (TSA) a transporté les tortues affamées et déshydratées à l’établissement du Centre de sauvetage, le Village des Tortues, dans la ville de Ifaty, mais le nombre d’animaux a vite surchargé les employés et les ressources du Centre.

« Je ne crois pas que le mot accablant peut décrire convenablement la situation à laquelle la Turtle Survival Alliance fait face ici, » mentionne le président de la TSA Rick Hudson dans un communiqué.

Des milliers de tortues étoilées menacées ont été retrouvées dans une maison vide dans le sud-ouest de Madagascar en avril. Image fournie par la Turtle Survival Alliance.

Depuis ce temps, les gardiens de zoo, les préposés aux animaux et les vétérinaires de Madagascar et du monde entier ont voyagés vers Ifaty pour venir en aide aux tortues. En premier, ils ont procédé au triage des tortues survivantes et identifié celles qui avaient besoin de soins plus pressants. Maintenant, la plupart des survivantes sont hors de danger, dit Justin Rosenberg, un vétérinaire à la White Oak Conservation, un centre de la faune à Yulee, en Floride.

Rosenberg a passé plusieurs semaines à travailler avec les tortues à Madagascar, et pendant son séjour là-bas, il s’est entretenu avec Mongabay pour expliquer les défis que les tortues, et leurs gardiens, font face à tous les jours.

Les responsables croient que les tortues étaient destinées au trafic animal en Asie. Image fournie par la White Oak Conservation.

Comment allez-vous ? Comment est-ce que tout se déroule ?

Assez bien. Il a un gros groupe international de gens qui sont arrivés et ils ont vraiment été à la base de la cohérence durant la totalité du processus. La Turtle Survival Alliance a accompli un travail phénoménal pour récupérer ces animaux, travailler à leur réhabilitation et surveiller la totalité du processus. Mais il est vraiment plaisant de voir comment la communauté internationale s’est rassemblée, et à Madagascar il n’existe pas de meilleur endroit où je me verrais travailler sur un défi d’une telle envergure.

Combien d’animaux avez-vous maintenant ?

La saisie originale se situait entre 10 000 et 11 000, et quand on fait face à un nombre si élevé d’animaux, il est difficile d’obtenir un chiffre spécifique. Je crois que situer ce nombre entre 9 000 et 10 000 animaux en ce moment est assez précis.

Il y a eu plusieurs groupes de volontaires pour vous venir en aide. Est-ce exact ?

Oui. Je suis dans la cinquième vague à venir aider ici. La première et deuxième vague a fait face à beaucoup plus de mortalité. Maintenant, je dois gérer un nombre élevé de conditions chroniques associé à ce type de braconnage, c’est-à-dire la malnutrition et la déshydratation. Et ce sont des reptiles, donc ils sont lents à accomplir n’importe quoi.

Ils sont maintenus sous de bons soins médicaux dans le moment. Ils ont une bonne diète et de bons traitements. Il faut juste un certain à leur corps pour s’ajuster et passer par-dessus cet épreuve.

Avec autant d’animaux, comment voyez-vous leur chance de survie ?

C’est une excellente question. C’est multidimensionnel. Pour l’instant, il a moins de 100 animaux directement sous des soins médicaux. Le reste des animaux sont évalués par une équipe médicale. Ils ont eu leur congés et ont été déclarés en bonne santé, ils sont donc essentiellement seulement sous protection. Mais avec la centaine d’animaux restants, je dirais que 10 souffrent d’une condition médicale critique. Pour les autres, nous faisons face à des problèmes chroniques, en essayant de leur faire absorber des nutriments et de les réhydrater. Je crois qu’ils ont de bonne chance.

Les quatre premiers groupes de volontaires ont eu du pain sur la planche, examinant physiquement chaque animal, tandis que le travail que j’effectue maintenant est plus comme une approche de type hospitalière pour les 100 qui sont malades. Peu importe quand les gardiens ou les éleveurs s’aperçoivent qu’un des animaux a un problème dans un des enclos principaux, ils le prennent et me l’apportent aussitôt. Une fois que l’animal va mieux, il retourne parmi les autres.

L’effort initial a été mis sur le triage des tortues saisies pour identifier celles qui avaient le plus grand besoin de soins. L’image est fournie par la White Oak Conservation.

Cela va sans dire qu’avec ce type d’animal menacé, chaque individu est important n’est-ce pas ?

Absolument, et un bon nombre de la population sont de jeunes animaux. La tortue étoilée peut devenir assez massive. J’estime l’âge de la plupart de ceux que nous avons ici être entre 3 et 6 ans.

Comment est-ce que le centre s’adapte ?

Cela a mis une pression sur tout; c’est mon opinion personnelle. Le TSA était à pleine capacité et c’est plus que le double que nous recevons. Donc, ils ont trouvés des méthodes pour compenser, faire face et créer des infrastructures pour supporter un tel effort.

Est-ce que le TSA a des vétérinaires parmi ses employés ?

Je ne peux pas parler à la place de l’entière organisation, mais j’ai travaillé avec deux vétérinaires malgaches. Un était impliqué dans la saisie d’origine et a depuis déplacé ses opérations dans la capitale Antananarivo; il est impliqué à distance. Le second vient tout juste d’arriver avec les tortues.

Je suis curieux face à votre parcours. Avez-vous déjà été témoin de quelque chose dans ce genre ?

Personnellement non. J’ai gradué de l’école vétérinaire depuis 5 ans maintenant et je suis dans un programme pour devenir un expert en médecine zoologique.

Personnellement, je ne pensais pas avoir l’opportunité d’effectuer un travail international avec un tel message de conservation si tôt dans ma carrière. Mais c’est directement en lien avec les raisons qui m’ont poussé dans ce milieu, j’en suis donc excité. Par contre, d’un autre côté, je déteste qu’à cause du braconnage et du trafic illégal d’animaux, nous disposons de ces opportunités. L’envers de la médaille est que je peux venir ici. Je dirige une équipe et cette équipe procède à la réhabilitation de ces animaux.

La malnutrition et la déshydratation sont des problèmes auxquels sont toujours confrontés plus de 100 tortues secourues. L’image est fournie par la Turtle Survival Alliance.

Quelles sont les perceptives à partir de maintenant ?

Il y a toujours un besoin d’aider ces animaux, mais de ce que je comprends le but est de former les gens locaux. La TSA dispose de vétérinaires, donc nous essayons d’aider les employés du centre à se mettre à niveau, pour que le tout devienne une opération de nature autonome. Mais pour le moment, avec l’immensité débordement d’animaux en un seul évènement, on les pousse à pleine capacité mais ils ont toujours besoin d’aide. Ils sont toujours ouverts si des gens de l’extérieur venaient offrir leur aide.

Il me semble qu’il y ait toujours un énorme travail à effectuer.

Absolument. De la perspective vétérinaire et d’éleveurs, il y a encore beaucoup à faire.

Est-ce qu’il y a une condition ou une maladie particulière parmi les tortues qui est plus commune ?

Heureusement, ce n’est pas contagieux, nous ne voyons pas de bactéries ou de champignons ou de maladies virales. Ce que nous voyons est la conséquence de la malnutrition et de d’avoir été placé dans une situation surpeuplée. Nous avons des animaux qui sont très mince, sans aucun gras sur eux et qui sont également très déshydraté. Le plus gros problème a été une pauvre organisation – de la part des braconniers-, si l’on considère le nombre de la saisie, il est impossible que les animaux aient reçus suffisamment de nourriture et d’eau sur une base régulière. Nous faisons face à des amaigrissements, de la malnutrition et de la déshydratation.

De votre expérience, est-ce que les reptiles ou plus précisément les tortues sont sensibles aux infections ?

Les reptiles sont des animaux fascinants en terme de physiopathologique et de mécanisme de défense. Ils ne sont pas plus ou moins enclin à certain pathogène comparé à d’autres taxons. Par contre, à cause de leur lent métabolisme, plusieurs maladies se présentent de manière différente. Il y a plusieurs bactéries, champignons ou infections virales qui peuvent affecter un reptile. Les premières vagues de volontaires se sont vus confiés le triage de la population animale. Du point de vue de maladie infectieuse, nous étions inquiets quant à la faiblesse de l’élevage, ce qui inclut l’environnement, la nutrition et la lumière naturelle- étant donné la saisie massive, les animaux souffrir d’un déficit immunitaire sévère et ainsi être plus susceptible aux maladies. Heureusement, nous n’avons pas de preuve de maladie contagieuse jusqu’à maintenant.

Le vétérinaire Justin Rosenberg tient une des tortues au Centre de la Turtle Survival Alliance à Ifaty, Madagascar. L’image est fournie par la White Oak Conservation.

De quelle façon soignez-vous la déshydratation et la famine chez un reptile ?

C’est ça qui est fantastique. Avec ce que je peux accomplir comme vétérinaire de zoo, une place où nous pouvons traiter toutes les espèces, toutes les espèces sont différentes. Nous devons commencer avec une réhydratation. La meilleure méthode est l’administration par voie orale, donc si elles mangent, si elles boivent, c’est merveilleux.

Mais plusieurs de ces animaux étaient trop faibles pour cela, donc nous avons dû nous tourner vers une méthode de gavage, ou introduire un tube directement dans l’estomac, à travers duquel nous pouvons donner de petit volume d’eau et de nourriture. Nous pouvons faire des injections, mais le défi avec cela est que ces animaux sont habituellement retrouvés dans le désert, donc ils ne peuvent pas gérer une grosse quantité de nourriture à la fois. Nous devons être très prudents par rapport à la quantité que nous leur donnons. Encore une fois, il s’agit de reptile, le temps qu’il leur faut pour faire voyager la nourriture du début jusqu’à la fin de leur système digestif peut varier entre des jours et des semaines. Nous devons vraiment y aller à leur rythme et nous adapter à la physiologie de l’espèce.

C’est un défi amusant.

Donc, il s’agit un peu d’un couteau à double tranchant car ces animaux ont besoin de nourriture, ils ont besoin d’eau, mais vous ne pouvez rien faire trop rapidement parce que cela peut bouleverser leur système. Est-ce exact ?

Absolument. C’est précisément ça. Nous devons évaluer leur besoin à long terme mais sur une base plus courte, on ne peut pas juste les gaver de nourriture et penser : «Oh, ils vont mieux maintenant.» Quand vous donnez un repas à un chien ou un chat, vous pouvez voir très rapidement si tout va bien. Avec les tortues, ça peut prendre des jours ou même des semaines.

Est-ce que les tortues ont une sorte de personnalité ? Comment c’est de les manipuler et de travailler avec elles ?

Elles ont une personnalité, qui varie selon leur santé. Celles qui sont très malades sont souvent trop faibles, elles ne peuvent pas se rétracter dans leur carapace. Mais la façon dont elles fonctionnent naturellement est que dès qu’elles nous voient s’approcher, où qu’elles voient une ombre près d’elles, elles se retirent dans leur carapace et cachent la totalité de leur principales structures. Elles rentrent leur tête et leur queue donc vous ne pouvez pas vraiment les approcher.

C’est vraiment intéressant de constater la différence entre celles qui sont en santé et celles qui sont malades, parce que celles qui sont malades sont simplement allongées sur place. Elles ne peuvent pas vraiment bouger. Elles sont beaucoup plus lentes, tandis que celles en santé se promènent dans la cour à la recherche de nourriture. Certaines personnes peuvent dire : «Oh, c’est une tortue. Elle ne se déplace pas rapidement de toute façon.» Mais il y a un changement de personnalité, c’est le jour et la nuit entre les tortues malades et celles en santé.

Le nombre de tortues étoilées a drastiquement descendu à l’état sauvage dans les dernières décennies à cause du braconnage et de la destruction de leur habitat. L’image est fournie par la White Oak Conservation.

Est-ce qu’il y a quelque chose que nous ne comprenons pas à propos de la situation là-bas ?

Le premier point est que ces animaux sont destinés soit pour le commerce alimentaire ou le marché d’animaux illégal. C’est une espèce qui est certainement à risque dû à la destruction de leur habitat et au changement climatique, donc il s’agit certainement d’un plus gros problème.

Une des choses que nous avons discuté longuement ici avec des gens ayant vécu des expériences différentes – comment nous arrivons à sensibiliser quelqu’un de la Floride centrale du nord à propos des tortues à Madagascar. Ou comment on arrive à amener quelqu’un dans le fond des bois du Tennessee à se soucier des animaux qui sont ici ? Cela semble presque être une tâche impossible. Mais l’enjeu principal est la protection et rester bienveillant envers l’environnement pour que ces animaux aient une chance d’avancer vers le futur.

L’image en bannière d’une tortue étoilée de Madagascar est fournie par la White Oak Conservation.

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