Nouvelles de l'environnement

Des pesticides possiblement dangereux pour les abeilles interdits par l’Union européenne

  • L’Union européenne (UE) s’apprête à interdire trois pesticides couramment utilisés afin de protéger les populations d’abeilles d’ici la fin de l’année.
  • Un comité a adopté majoritairement la mesure après qu’une recherche sortie plus tôt cette année eut démontré que chacun des composés représentait un risque pour les abeilles sauvages (les apoïdes) et les abeilles domestiques (Apis mellifera), pollinisateurs indispensables à la culture agricole.
  • Des groupes de consommateurs et d’environnementalistes ont applaudi cette décision.
  • Plusieurs groupes représentant les agriculteurs ont cependant exprimé leurs inquiétudes à propos de cette mesure, sur son efficacité à améliorer la santé des abeilles domestiques de même que sur la difficulté que son adoption pose aux agriculteurs qui dépendent de l’utilisation de ces pesticides.

Les États membres de l’Union européenne ont voté le 27 avril dernier pour adopter la proposition d’interdire trois pesticides couramment utilisés afin de protéger les populations d’abeilles.

« La santé des abeilles revêt une importance capitale pour moi puisqu’il s’agit de biodiversité, de production alimentaire et d’environnement », affirmait Vytenis Andriukaitis, commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire dans une déclaration de l’UE. Andriukaitis ajoutait que la proposition de la Commission européenne d’interdire la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame découle des recherches récentes qui démontrent que chacun des composés pose un risque pour les abeilles sauvages (apoïdes) de même que pour les abeilles domestiques (Apis mellifera) qui sont des pollinisateurs essentiels aux cultures agricoles.

Abeille mellifère européenne (Apis mellifera). Image par Andreas Trepte via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.5).

Les scientifiques n’ont pas été en mesure d’identifier une cause unique au problème de mort subite chez les abeilles du monde entier, et ce, depuis que les apiculteurs ont manifesté leurs premières inquiétudes, au milieu des années 2000. Après plusieurs années de recherches, ils ont plutôt conclu qu’une combinaison de facteurs porte le blâme, incluant les parasites, les maladies et l’utilisation de pesticides et de médicaments vétérinaires. L’UE a voté en 2013 pour l’interdiction d’utiliser ces trois membres de la famille des pesticides néonicotinoïdes pour les cultures en fleurs susceptibles d’attirer les abeilles. Mais en février 2018, une étude de l’UE confirmait qu’il existe un plus grand risque pour les abeilles domestiques, les abeilles solitaires et les bourdons, soutient Jose Tarazona, qui dirige l’unité de l’EFSA (European Food Safety Authority) dédiée aux pesticides.

« Les résultats sont variables, en raison des différents facteurs comme les espèces d’abeilles, l’utilisation prévue des pesticides et la voie d’exposition », rapportait Tarazona dans une déclaration de l’EFSA. « De faibles risques ont été identifiés, mais en général, le danger est bel et bien présent chez les trois types d’abeilles étudiées. »

Les recherches révèlent que les pesticides pourraient affecter le système nerveux de différentes espèces d’abeilles, par de multiples avenues. Par exemple, l’imidaclopride devient une grande menace pour les abeilles domestiques lorsque le vent transporte la poudre appliquée sur les champs cultivés. Ce même pesticide se retrouve également dans le nectar et le pollen des plantes traitées, mettant ainsi en danger les bourdons.

Une étude récente publiée dans la revue scientifique Environmental Health Perspectives avance que l’imidaclopride pourrait aussi affecter la production d’œstrogène dans le corps humain.

La seule exception à l’interdiction s’applique aux serres fermées inaccessibles aux abeilles, qui pourront continuer à utiliser ces pesticides.

Bourdon terrestre (Bombus terrestris). Image par Alvesgaspar via Wikimedia Commons (GFDL ou CC BY-SA 3.0).

La Commission européenne disait vouloir adopter la nouvelle réglementation bientôt et ainsi appliquer l’interdiction avant la fin de 2018.

Plusieurs organisations qui ont mené une série de campagnes afin de restreindre l’utilisation de pesticides dans l’Union européenne ont applaudi l’issue du vote.

« Cette action est essentielle pour la protection des abeilles et autres pollinisateurs », disait Wiebke Schröder, chargée de campagnes pour SumOfUs dans une déclaration faite à la presse. SumOfUs, un groupe pour la défense des consommateurs, affirmait avoir recueilli plus de 633 000 signatures pour une pétition mise en circulation à la suite des résultats publiés d’une nouvelle recherche sur les néonicotinoïdes, plus tôt cette année.

« [Nous] espérons que cette interdiction encouragera les gouvernements du monde entier à emboîter le pas », ajoute Schröder.

Des groupes représentant les agriculteurs ont exprimé leur opposition à l’interdiction, puisque celle-ci pourrait compromettre la production alimentaire.

Graeme Taylor, de l’European Crop Protection Association déclarait au journal The Guardian que « l’agriculture européenne allait souffrir des conséquences de cette décision » et que « peut-être pas aujourd’hui, ni demain, mais en temps venu, les décideurs verront clairement l’impact causé par le retrait d’un outil vital des mains des agriculteurs.»

Guy Smith, représentant pour la National Farmer’s Union, au Royaume-Uni, remet en question les conclusions tirées des récentes recherches.

« Il est fort possible que ces restrictions n’améliorent en rien la santé des abeilles, tout en compromettant toutefois l’efficacité de la protection des cultures », renchérit Smith.

Une abeille solitaire (Anthidium florentinum), se nourrissant à même une fleur. Image par Alvesgaspar via Wikimedia Commons (GFDL ou CC BY-SA 3.0).

De son côté, Greenpeace lançait l’avertissement selon lequel l’interdiction de l’utilisation de la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame n’était pas assez sévère.

Franziska Achterberg, chargée des politiques alimentaires pour Greenpeace au Royaume-Uni, affirmait que les gouvernements de l’UE doivent comprendre « que ces trois néonicotinoïdes ne sont que la pointe de l’iceberg. »

« L’utilisation de quatre autres néonicotinoïdes et d’autres insecticides causant des effets similaires sur les abeilles ne font l’objet d’aucune restriction en Europe, » disait Achterberg dans une déclaration du 26 avril dernier juste avant le vote. « Une approche qui consiste à isoler chacun des composés chimiques ne peut désormais plus garantir la protection de l’environnement ni celle de la santé. »

En bannière, photo d’abeilles par John C. Cannon/Mongabay.

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