- Fin juillet, des bandits armés ont attaqué un village en lisière du parc national de Ranomafana situé dans le sud-est de Madagascar.
- Ils ont dévalisé les résidents et tué un technicien de l’institut de recherche du Centre Valbio.
- L’incident s’inscrit dans une tendance croissante au banditisme, tant dans la région de Ranomafana que sur l'ensemble de Madagascar, où l’instabilité s’est accrue en amont des élections présidentielles prévues avant la fin de l’année.
Fin juillet, des bandits armés ont attaqué un village en lisière du parc national de Ranomafana situé dans le sud-est de Madagascar. Ils ont dévalisé les résidents et tué Jean-François-Xavier Razafindraibe, un employé de l’institut de recherche du Centre Valbio (CVB), âgé de 40 ans et père de deux enfants.
L’incident s’inscrit dans une tendance croissante au banditisme, tant dans la région de Ranomafana que sur l’ensemble de Madagascar, où l’instabilité s’est accrue en amont des élections présidentielles prévues avant la fin de l’année. De nombreux défenseurs de l’environnement et opérateurs touristiques sont frustrés que le gouvernement n’ait pas maintenu l’ordre public et n’ait pas réussi à éradiquer la corruption dans les rangs de la police et de la gendarmerie.
« Mes pensées accompagnent tous les habitants d’Ambatolahy » a annoncé Patricia Wright, fondatrice du CVB, dans un e-mail adressé immédiatement après l’incident aux supporters de l’institut. « Quelle tristesse. »
« Nous essayons d’exercer une pression sur le gouvernement pour empêcher ce non-respect de la loi », a-t-elle par la suite déclaré à Mongabay. « Tel est le rôle d’un gouvernement. »
Le 31 juillet, en fin d’après-midi, des bandits ont fait irruption à Ambatolahy, un village ne présentant a priori aucun danger, situé sur la route très fréquentée reliant le CVB à la ville touristique de Ranomafana. La plupart des villageois ont immédiatement fui vers la forêt. Xavier Razafindraibe, un technicien du CVB, fut plus lent à émerger car il sortait d’une sieste. Il a échangé quelques mots avec les attaquants avant de se faire abattre à bout portant, a expliqué Pascal Rabeson, directeur national du CVB, dans une interview accordée à Mongabay. Paradoxalement, Xavier Razafindraibe avait dû rentrer précipitamment d’une mission au sein du parc national d’Isalo, dans le sud-ouest du pays, en raison du signalement d’actes de banditisme dans cette région.
Les bandits, entre huit et vingt selon les dires, se sont divisés en groupes avant de mettre à sac maisons et magasins pour y dérober de l’argent liquide. Au total, c’est autour de 3,6 millions d’ariary qu’ils ont récupérés, l’équivalent d’environ 1 100 $, dont plus de la moitié provenait du père de Xavier Razafindraibe, lui aussi technicien chez CVB.
Les gendarmes sont arrivés environ 45 minutes après le début de l’attaque, et des tirs de feu ont été échangés avec les bandits. Si l’on en croit Pascal Rabeson et Patricia Wright, la fusillade était audible depuis le bureau du CVB, à tout juste un kilomètre de là, où les employés et les chercheurs se sont mis en état d’urgence improvisé. Les gendarmes ont été surpassés en nombre et n’ont attrapé aucun bandit ; ces derniers ont réussi à s’enfuir dans la forêt. À ce jour, personne n’a été interpelé pour ces crimes.
Le parc national de Ranomafana, établi en 1991, est l’une des destinations les plus populaires du pays. Aux dires de Patricia Wright, le tourisme rapporte annuellement plus de 3 millions de dollars à la région, et bon nombre de locaux travaillent dans le parc ou pour le CVB. Un certain nombre de résidents d’Ambatolahy travaillent pour le CVB ; c’est peut-être d’ailleurs ce qui a attiré les bandits dans le village, car les employés venaient de recevoir leur paye mensuelle en liquide.
« Ils travaillent pour le Centre Valbio et les gangsters croient qu’ils ont de l’argent » a indiqué à Mongabay Jonah Ratsimbazafy, primatologue malgache.
Selon Patricia Wright, le CVB a ouvert des comptes en banque à ses employés après l’attaque.
Dans une interview accordée à Mongabay, Russell Mittermeier éminent écologiste au sein de l’ONG texane Global Wildlife Conservation, qui œuvre dans le pays depuis des décennies, a ainsi commenté l’attaque : « ceci porte un coup terrible à l’image de Madagascar. Tout le monde se concentre sur les élections et les bandits ont carte blanche. »
Planifier des projets de conservation dans le climat d’instabilité actuelle de Madagascar n’est pas chose aisée. Daniel Whyner, directeur pour Madagascar du Environment and Climate Change Office d’USAID (bureau pour l’environnement et le changement climatique) a déclaré que les défis de sécurité étaient présents dans de nombreuses zones du pays. Le bureau de Daniel Whyner est en train de lancer deux projets d’envergure, qui avaient volé en éclat en 2009 en raison d’un coup d’état.
« Nous sommes inquiets du bien-être, non seulement des communautés auxquelles nous sommes associés, mais aussi de toutes celles confrontées au problème de non-respect croissant de la loi » a expliqué Daniel Whyner dans un e-mail adressé à Mongabay.
Le gouvernement de Madagascar a envoyé des unités militaires et policières pour combattre le banditisme en milieu rural. Au mois de décembre, Olivier Mahafaly Solonandrasana, premier ministre de l’époque, a annoncé que 30 pour cent du budget gouvernemental 2018 serait consacré à la lutte contre l’insécurité, soit un triplement du budget. Au mois de juin, sur un fond d’agitation politique, M. Solonandrasana a été remplacé par un nouveau premier ministre. Le bureau du premier ministre n’a pas répondu à notre demande de commenter cet article.
Les groupes de tourisme déclarent que l’augmentation de la criminalité, ainsi que d’autres facteurs tels qu’une météo médiocre et une récente épidémie de peste, font déjà obstacle à leur activité. Cette année a été marquée par une baisse significative du nombre de touristes visitant la région de Morondava sur la côte ouest de Madagascar, destination habituellement très prisée. Un nouveau lobby touristique a récemment plaidé auprès du président de Madagascar en faveur de la résolution du problème de criminalité.
Toutefois, Madagascar a très longtemps été un pays calme et sûr à visiter. Le pays ne dispose pas de suffisamment de statistiques fiables indiquant si ceci a changé. Mais les défenseurs de l’environnement craignent que la médiatisation de ce genre d’incidents, comme celui du mois dernier à Ranomafana, ne fassent fuir de Madagascar les touristes et les bailleurs de fonds. Le tourisme, l’une des principales sources de devises étrangères du pays, a rapporté environ 700 millions de dollars en 2016. De nombreuses communautés, telles que celles des alentours de Ranomafana, dépendent désormais de ce revenu.
Au-delà des répercussions économiques, la récente attaque a par ailleurs ébranlé le sentiment de sécurité des populations locales. Les gens de Ranomafana sont sur leurs gardes depuis cet incident.
Selon Pascal Rabeson, « Ranomafana était auparavant un endroit très, très sûr. Nous ne sommes pas habitués à ce genre de situation. Depuis le 31 juillet, le moindre bruit ou incident nous fait peur. »
Image de la bannière : pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus), source de vinblastine et vincristine, composés utilisés pour traiter la maladie de Hodgkin. Image Rhett A. Butler/Mongabay. L’image d’en-tête d’origine représentait des orchidées non indigènes photographiées à Madagascar, probablement de l’espèce Vanda tricolor.
Note de l’éditeur : Rhett Butler, fondateur et PDG de Mongabay, est membre du conseil consultatif du Centre Valbio.