Nouvelles de l'environnement

Nouvelle condamnation d’un militant luttant contre le commerce illicite à Madagascar

  • Christopher Magnenjika, un militant œuvrant contre la corruption et le commerce illicite des espèces sauvages dans le nord-est de Madagascar, a été jugé, reconnu coupable et condamné à une amende de 9 $, puis libéré plus tôt dans le mois.
  • M. Magnenjika a été mis en accusation pour « rébellion » et insulte à représentants de l’autorité.
  • Les soutiens de M. Magnenjika affirment que son arrestation et sa condamnation ne visaient qu’à ce qu’il cesse de s’exprimer sur le commerce illicite du bois de rose, une précieuse essence de bois feuillu tropical.
  • À l’instar de pas moins d’une dizaine de militants malgaches ces dernières années, M. Magnenjika a encouru une peine de prison.

Un militant engagé dans la lutte contre la corruption et le commerce illicite des espèces sauvages dans le nord-est de Madagascar a été condamné, puis immédiatement libéré plus tôt dans le mois. Cette tactique devenue commune dans ce pays insulaire est considérée comme un moyen de combattre le militantisme écologique.

Christopher Magnenjika a été mis en accusation pour « rébellion » et insulte à représentants de l’autorité. Il a passé plus de trois semaines en détention avant que, le 8 juin, un tribunal ne le reconnaisse coupable et ne le condamne à s’acquitter d’une amende.

M. Magnenjika assure bénévolement la coordination des communications pour Lampogno, une association locale qui lutte contre le trafic des ressources naturelles telles que le bois de rose (Dalbergia spp.), une précieuse essence de bois feuillu tropical qui pousse dans la région. Il dénonce la corruption non seulement dans le domaine du commerce illicite du bois de rose, mais aussi dans le système éducatif et dans les services de ferry de son village de Rantabe, au sud de la ville de Maroantsetra.

Christopher Magnenjika, a Malagasy activist who was tried, convicted, and released earlier this month. Image courtesy of Clovis Razafimalala.
Christopher Magnenjika, un militant malgache qui a été jugé, condamné et libéré plus tôt ce mois-ci. Crédit photo : Clovis Razafimalala.

Cette récente affaire fait de lui au moins le dixième militant malgache à être emprisonné alors que plusieurs autres ont subi des tentatives d’intimidation.

« La ressemblance est frappante entre le cas de Christopher et celui d’autres militants écologistes à Madagascar, eux aussi en butte à des accusations de ” rébellion “, qui sont un prétexte pour les réduire au silence », a indiqué Makmid Kamara, directeur adjoint des Thématiques mondiales à Amnesty International, dans un communiqué.

Le cas de M. Magnenjika comporte des similarités avec celui de Clovis Razafimalala, le président de l’association Lampogno, qui a été détenu dix mois avant d’être jugé coupable, condamné à payer une amende et remis en liberté conditionnelle en 2017. Plusieurs autres militants écologistes ont également été condamnés et immédiatement remis en liberté conditionnelle, à priori afin de les réduire au silence. Les membres de l’association Lampogno, qui est sise à Maroantsetra, l’un des foyers du trafic de bois de rose, sont confrontés à des difficultés majeures, allant des menaces de mort émises à leur encontre par les trafiquants aux pressions exercées par les représentants de l’autorité publique qui, pour certains, profitent de ce commerce illicite. Armand Marozafy, bénévole de l’association aux côtés de MM. Razafimalala et Magnenjika, a été reconnu coupable de diffamation en 2015 et a passé cinq mois en prison.

En revanche, aucunes poursuites n’ont été engagées à l’encontre des principaux magnats du bois ou des trafiquants, bien que le commerce du bois de rose contrevienne aux lois nationales et aux accords internationaux. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) interdit depuis 2013 le commerce du bois d’ébène (Diospyrosspp.) et du bois de rose malgaches. La Chine, où le bois de rose est utilisé dans la confection de mobilier haut de gamme, concentre l’essentiel de la demande. Le bois de rose est l’espèce sauvage dont le trafic est le plus répandu dans le monde.

Si l’on ignore toujours la raison première justifiant les poursuites engagées à l’encontre de M. Magnenjika, il s’avère toutefois qu’au moment de son arrestation il s’opposait aux autorités locales sur deux sujets. Il a mis en place un nouveau système de traversée de la rivière à Rantabe, alors que les autorités retiraient auparavant des bénéfices du système de ferries sur lequel elles avaient la main. Et, bien qu’il ait nié être impliqué de quelque manière que ce soit, les autorités l’ont blâmé pour les protestations villageoises nées à la suite d’un vol de vanille au cours duquel une personne a été tuée. Les habitants étaient mécontents de la manière dont la police avait traité l’affaire, selon M. Razafimalala.

A river crossing in Magnenjika’s home village of Rantabe. Image courtesy of Clovis Razafimalala.
Une traversée de la rivière à Rantabe, le village où réside M. Magnenjika. Crédit photo : Clovis Razafimalala.

Selon M. Razafimalala, ces faits ont servi de prétexte pour arrêter M. Magnenjika. Le chef de file de Lampogno indique à Mongabay que les autorités locales cherchent en réalité à faire taire M. Magnenjika s’agissant du commerce de bois de rose et à intimider les autres militants. D’après lui, les autorités et les trafiquants de bois de rose profitent de l’instabilité actuelle à Madagascar pour museler les militants. En effet, des désaccords politiques liés à l’élection présidentielle à venir ont été à l’origine de troubles ces derniers mois.

M. Magnenjika, âgé de 46 ans, est père de quatre enfants et professeur dans une école primaire publique, ce qui constitue une fonction très respectée dans les contrées rurales malgaches. Il a été placé en détention provisoire le 15 mai et son procès s’est tenu le 1er juin à Maroantsetra. Si une libération sous caution lui a été refusée ce jour-là, il a pourtant été libéré quand le verdict le prononçant coupable a été rendu une semaine plus tard. À la place d’une peine privative de liberté, il a été condamné à verser une amende d’un montant équivalant plus ou moins à 9 $.

Amnesty International a qualifié cette amende de ridicule et a souligné combien elle était disproportionnée compte tenu des sérieuses allégations, notamment de « rébellion », retenues à l’encontre de M. Magnenjika.

Sollicité, le bureau du Premier ministre n’a pas souhaité commenter cette affaire.

Magnenjika is a middle-school teacher as well as the volunteer communications coordinator for Lampogno, a group that fights against the trafficking of natural resources in northeastern Madagascar. The sign behind him reads “The world will not be destroyed by those who do evil but by those who watch and do nothing.” Image courtesy of Clovis Razafimalala.
M. Magnenjika est professeur de primaire ainsi que bénévole chargé de la coordination des communications chez Lampogno, une association qui lutte contre le commerce illicite des ressources naturelles dans le nord-est de Madagascar. Crédit photo : Clovis Razafimalala.

Image de la bannière : un caméléon panthère (Furcifer pardalis), originaire de la péninsule de Masoala dans le nord-est de Madagascar, où l’abattage illégal de bois de rose ravage les forêts. Photo de Rhett A. Butler.

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