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La multiplication des conflits sahélo-sahariens responsable de la disparition de la faune locale

  • Une nouvelle étude montre que la recrudescence des conflits au Sahara et au Sahel, en Afrique, a une influence directe sur le déclin de la population animale.
  • Les auteurs de cette étude ont constaté que le nombre de conflits qui font rage sur le territoire a augmenté de 565 % depuis 2011.
  • Au cours de la même période, douze espèces de vertébrés se sont éteintes ou ont vu leur nombre s'amenuiser dangereusement en raison des affrontements qui sévissent dans cet endroit.

Selon les résultats d’une étude récemment publiée dans la revue Conservation Letters, l’augmentation du nombre de conflits armés dans le désert du Sahara et au Sahel, la bande de savane aride située au sud du désert, décime la faune locale

« L’augmentation du nombre de conflits armés représente une sérieuse menace de plus à laquelle doivent faire face les animaux sauvages, qui composent déjà avec le climat aride et inhospitalier de la région », indiquait Sarah Durant, biologiste à la Société zoologique de Londres (ZSL) et co-auteure de l’étude.

L’apparition de groupes tels que Boko Haram et Al-Qaïda au Maghreb islamique, également appelé AQMI, au cours de ces dernières années a instauré un climat instable au Cameroun, au Tchad, au Niger, au Nigéria et au Mali. Cette instabilité s’est renforcée par le fait que ces États comptent parmi les moins avancés et qu’ils se situent à proximité de pays qui, comme la Libye, connaissent depuis peu une vacance du pouvoir. Les auteurs rapportent que, au Sahel et au Sahara, le nombre de conflits a grimpé de 565 % depuis 2011. Autrement dit, un conflit sur cinq sur le continent africain survient dans cette région, et l’ensemble des combats sahélo-sahariens représente 5 % du nombre d’affrontements total dans le monde.

Des carcasses de gazelles tuées dans le Sahara. Image reproduite avec l’aimable autorisation de l’Université de Grenade.

Une autre étude publiée dans la revue Nature au début de l’année 2018 a démontré que le nombre d’animaux sauvages sur le continent africain a tendance à diminuer tandis que celui de conflits augmente. De leur côté, les auteurs de l’étude parue dans Conservation Letters ont souhaité comprendre ce que signifierait l’escalade de violence pour les populations animales uniques et en danger de cette région.

« Nous devons identifier les zones dans lesquelles la faune est dangereusement menacée par l’augmentation des conflits et mettre en place des mesures efficaces afin de réduire leurs répercussions sur la biodiversité », a déclaré José Carlos Brito, écologiste dans une communication de l’Université de Grenade. José Carlos Brito est l’auteur principal de l’article et travaille à l’Université de Porto au Portugal, l’une des vingt institutions qui ont participé au projet.

Les chercheurs ont recueilli des données sur les emplacements des divers combats, explosions et attaques qui ont déchiré la région, ainsi que sur les routes empruntées par les contrebandiers et par les personnes qui migrent à travers le Sahara et le Sahel. Ils ont ensuite comparé ces données avec les résultats d’enquêtes sur dix espèces vertébrées qui peuplent la région. Ils se sont concentrés sur trois espèces : l’addax ou antilope à nez tacheté (Addax nasomaculatus), la gazelle dorcas (Gazella dorcas) et l’éléphant de savane d’Afrique (Loxodonta africana).

Des gazelles au Tchad. Image reproduite avec l’aimable autorisation de l’Université de Grenade.

L’addax, une antilope qui vit principalement dans le nord du Niger, ne compte plus que quelques spécimens en raison du nombre croissant d’affrontements et de l’exploitation pétrolière qui drainent la région depuis plus de vingt ans. Peu après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en Libye en 2011, les braconniers se sont mis à tuer de plus en plus de gazelles dans ce pays majoritairement désertique. De même, le braconnage des éléphants au Mali est monté en flèche en 2015 à la suite de plusieurs années de violence et de processus de paix stériles.

Les scientifiques pensent que douze des quatorze espèces de grands animaux de la zone sahélo-saharienne se sont éteintes ou sont en danger critique d’extinction à cause des affrontements qui secouent la région.

Pour faire face à cette situation, l’équipe de chercheurs recommande d’inclure des mesures conservatoires dans les négociations de paix et de prévoir des sanctions pour les groupes ou les gouvernements qui ne les respecteraient pas. Elle suggère également que le fait de limiter le nombre d’armes qui transitent sur le territoire pourrait endiguer la disparition de la faune au Sahel et au Sahara.

« Le trafic d’armes, les conflits, la migration et le déclin de plusieurs espèces animales sont tous liés et créent un véritable cercle vicieux », ont ajouté les auteurs dans le communiqué de l’Université de Grenade.

Un addax femelle et son petit. Image du domaine public, diffusée par Wikimedia Commons.

Les chercheurs soutiennent que la reconnaissance de l’existence de ce cycle, ainsi que de l’importance de trouver un équilibre entre conservation et développement économique, doit s’inscrire dans la stratégie à long terme qui permettra de juguler le problème

D’ailleurs, il n’y a pas de temps à perdre : « Nous devons agir maintenant, avant que l’extraordinaire biodiversité du plus grand désert de la planète ne disparaisse », écrivent-ils dans leur article.

L’image d’en-tête représentant des gazelles au Tchad a été reproduite avec l’aimable autorisation de l’Université de Grenade.

Citations

Daskin, J. H., & Pringle, R. M. (2018). Warfare and wildlife declines in Africa’s protected areas. Nature.

Brito, J. C., Durant, S. M., Pettorelli, N., Newby, J., Canney, S., Algadafi, W., … & de Smet, K. (2018). Armed conflicts and wildlife decline: Challenges and recommendations for effective conservation policy in the Sahara‐Sahel. Conservation Letters, e12446.

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