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Une nouvelle étude montre que les lémuriens se voient privés de leur nourriture préférée à cause du changement climatique

  • Le Grand Hapalémur à tendance à se nourrir de pousses de bambou, en passant par le tronc ligneux de la plante en guise de substitution seulement pendant la saison sèche.
  • Selon une nouvelle étude, une saison sèche plus longue en raison du changement climatique pourrait les obliger à subsister avec cette source alimentaire bien loin d’être optimale pendant une plus grande partie de l’année, poussant potentiellement cette espèce gravement menacée vers l’extinction.
  • Cette découverte pourrait avoir des conséquences pour d’autres espèces menacées, comme le panda géant, qui ne dépendent que d’une seule sorte de nourriture.

Une nouvelle étude montre que les lémuriens mangeurs de bambou de Madagascar pourraient lentement mourir de faim alors qu’un changement climatique réduit la disponibilité de leur partie préférée de la plante.

« Pour les spécialistes de l’alimentation dans des conditions extrêmes comme le Grand Hapalémur, le changement climatique peut devenir un tueur dissimulé », explique la co-auteure de l’étude Patricia Wright, une primatologue à l’Université Stony Brook, dans un communiqué (en anglais).

Un Grand Hapalémur bébé, né au début de la saison des pluies. Photo par Jukka Jernvall.

Une évaluation de 2014 (en anglais) par l’UICN sur le primate sérieusement menacé (en anglais) a montré que le nombre total d’animaux a chuté de 80 pour cent au cours des trois dernières décennies seulement, déclin causé par la déforestation et la destruction de l’habitat pour l’agriculture et les exploitations forestière et minière. Mais Wright et ses collègues ont constaté que le changement de régime alimentaire du Grand Hapalémur pourrait aussi jouer un rôle, ce qui indique que d’autres animaux avec un palais tout aussi difficile pourraient également être confrontés à des conditions plus dures à l’avenir. Ils communiquent leurs résultats dans la revue Current Biology.

Dans le parc national Ranomafana à Madagascar, où l’équipe a observé quelques 2 000 repas de lémuriens pendant plus de 18 mois, ils ont remarqué que les animaux ne recherchaient que les troncs ligneux du bambou au cours des quatre mois de la saison sèche. Le reste de l’année, cette espèce de lémurien semblait préférer les succulentes pousses de bambou qui sont à la fois plus nutritives et plus facile à arracher.

Un examen du registre fossile a montré que le Grand Hapalémur occupait autrefois une bien plus grande partie de l’île. Aujourd’hui, cependant, ils sont confinés là où les saisons sèches sont les plus courtes, ce qui suggère que leur source de nourriture disponible à cet endroit est essentielle à leur survie. Mais même à cet endroit-là, les modèles de changement climatique indiquent des saisons sèches plus longues. Cela signifie que les lémuriens pourraient dépendre encore plus de troncs pauvres en nutriments, ce qui abîme aussi leurs dents plus rapidement que les pousses de la saison des pluies. Cela pourrait aussi nuire à leur reproduction, étant donné que la plupart des jeunes lémuriens naissent pendant la saison des pluies, lorsque les ressources sont abondantes.

Un Grand Hapalémur mange le tronc ligneux du bambou, ce qu’ils ne font normalement que pendant la saison sèche. Photo par Jukka Jernvall.

« Laisser les lémuriens dépendre d’une partie sous-optimale de leur nourriture, même si c’est seulement pour un peu plus longtemps, cela peut suffire pour faire pencher la balance de leur existence à l’extinction », explique Wright.

Et les primates uniques de Madagascar ne sont peut-être pas les seuls.

« En étudiant des spécialistes comme le Grand Hapalémur, on peut identifier les différentes manières par lesquelles le changement climatique peut causer l’extinction d’une espèce », explique la co-auteure et biologiste de l’évolution Jernvall, de l’Université d’Helsinki dans la déclaration.

Le panda géant (Ailuropoda melanoleuca), une espèce menacée de la liste rouge de l’UICN, est le seul autre mammifère connu par les scientifiques qui mange le tronc ligneux du bambou. Comme le Grand Hapalémur, le panda possède des dents spéciales à cet effet. Son habitat se rétrécit également, et aujourd’hui, cette nouvelle information montre qu’il risquerait aussi de faire face à la famine des suites du changement climatique.

« [Si] nous n’étudions pas ces espèces menacées maintenant », explique Jernvall, « elles pourraient disparaître avant que nous ne connaissions toutes les raisons de leur extinction, et nous serons moins en mesure de protéger celles qui subsistent. »

Les lémuriens Grand Hapalémur sont des spécialistes du bambou, qui ne se nourrissent que d’une seule variété de la plante, que les spécialistes les ont observés manger 95 pour cent des fois. Photo par Jukka Jernvall.

CITATION

Eronen, J. T., Zohdy, S., Evans, A. R., Tecot, S. R., Wright, P. C., & Jernvall, J. (2017). Feeding Ecology and Morphology Make a Bamboo Specialist Vulnerable to Climate Change Report. Current Biology, 27, 1–6. https://doi.org/10.1016/j.cub.2017.09.050

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