Nouvelles de l'environnement

COP 23 : les Etats-Unis et les pays riches réduisent les aides financières accordées aux pays en voie de développement, victimes du réchauffement climatique

  • La délégation américaine, en nombre réduit, envoyée au sommet de la COP23 sur le climat à Bonn, par le Président Trump, a manifestement réussi à s'opposer au financement destiné aux pays en voie de développement pour qu'ils répondent à "l'adaptation" et aux "pertes et dommages", conséquences du changement climatique.
  • Au cours des deux semaines de conférence à Bonn, les Etats-Unis ont privilégié les pays développés, en particulier l'Australie producteur de charbon, le Canada producteur de sables asphaltiques et l'Union Européenne alors qu'ils réduisaient les aides financières destinées aux pays en voie de développement, entre autre les pays insulaires dont l'avenir est en jeu à cause de la montée des océans.
  • Une seule avancée : la délégation s'est mise d'accord sur un projet de texte en perspective des Ambitions pré-2020 qui exige la transparence des pays développés sur leur taux actuel d'émissions de gaz de serre et la liste des mesures volontaires qu'ils mettront en place avant l'échéance de 2020 pour les réduire davantage.
  • Une poignée de délégués espère finalement que le problème du financement de "l'adaptation" et "des pertes et des dommages", suite au changement climatique dans les pays en voie de développement soit à l'ordre du jour de la COP24 en Pologne en 2018.
Des pancartes de protestions sur le climat érigées sur le sol du campus des Nations Unies pendant la Cop 23 à Bonn en Allemagne Photo par Justin Catanoso

Bonn (Allemagne) – A l’ouverture du 23ème sommet annuel sur le climat des Nations Unies, un sentiment d’incertitude et d’inquiétude flottait dans l’air : quel rôle jouerait une délégation américaine réduite sous l’ère du Président Trump, sceptique sur le réchauffement climatique qui contraigne les Etats-Unis à devenir le seul pays au monde à rejeter l’accord de Paris sur le climat ?

Au moment où le rideau tombe pour conclure la fin de la Cop 23 le 17 Novembre dernier, la réponse à cette question est évidente pour tous : l’obstruction. Le pays le plus riche du monde et un des pires émetteurs de gaz de serre (au 2ème rang mondial) a tout bloqué. Au cours des deux semaines de conférence, la délégation américaine a manifestement tout fait pour refuser aux pays en voie de développement, fragiles et victimes du réchauffement climatique, l’accès à l’aide financière pour répondre à “l’adaptation” et aux “pertes et dommages.”

D’autres pays riches, soi-disant pays développés, luttant contre des difficultés économiques internes, des crises migratoires et des choix énergétiques controversés ont apparemment suivi et adopté la position américaine. Combler le fossé énorme entre les milliards réunis par les pays développés et les milliards dont les pays en voie de développement ont encore besoin pour faire face aux conséquences catastrophiques du réchauffement climatique, un tel enjeu ; environ 10.3 milliards de dollars en argent liquide ont déjà été récoltés avec l’objectif d’atteindre 100 milliards par an à partir de 2020, et la promesse d’accéder au fonds des banques mondiales.

Harjeet Singh, expert en changement climatique pour le compte d’Action Aid, basé à Londres, a déclaré à Mongabay : “les Etats-Unis ont systématiquement freiné les tentatives de rédaction d’un accord sur le financement de “l’adaptation” et des “pertes et dommages”. Nous avions espoir qu’ils soient plus compréhensifs ayant souffert des conséquences désastreuses des ouragans Harvey, Irma et Maria. Bien que la notion de “pertes et dommages” leur soit maintenant familière, les Etats-Unis n’ont pas fait preuve pour autant de plus de compréhension. Singh, un simple observateur, a déclaré que la délégation américaine avait traîné les pieds pour se rendre à la COP23.

Le 14 Novembre dernier, le Département d’Etat annonçait que Tom Shannonn, négociateur principal ne se déplacerait pas à Bonn. Trigg Talley, employé au Département d’Etat du climat, qui a servi sous les administrations républicaines et démocratiques est parti plus tôt. Leur influence a cependant pesé pour priver les pays les plus pauvres (c’est à dire les pays qui souffrent le plus du changement climatique) de recevoir l’aide des pays les plus riches de la planète.

Harjeet a ajouté : “aucun axe de travail définitif n’a été arrêté sur les questions financières, dont l’aide destinée aux victimes du changement climatique. Les Etats-Unis, à la tête du groupe de négociation ont systématiquement bloqué les actions. Quant à l’Union Européenne, le Canada et l’Australie, ils se sont refugiés derrière les Etats-Unis et n’ont pas cherché à intervenir.”

Harjeet Singh d’Action Aid Photo par Justin Catanoso

Adam Bandt, membre du parti écologique au parlement australien n’a pas voulu que les Etats-Unis soient tenus pour entièrement responsables. Il a insisté sur le fait que la priorité principale de son gouvernement était Carmichael, une mine gigantesque de charbon à ciel ouvert appartenant à la compagnie Adani et le projet ferroviaire du Queensland, qui permettront l’exportation de charbon vers des usines en Inde pour alimenter 100 millions de personnes. Bien que les australiens soient opposés à l’exploitation de la mine, le Premier Ministre Malcolm Turnbull est favorable à cette dernière et souhaite la financer avec l’argent des contribuables et un emprunt à la Chine. La mine de charbon pourrait produire 7.7 milliards environ de tonnes de gaz d’effet de serre; les défenseurs de l’environnement la perçoivent “comme une bombe climatique à retardement”.

Bandt a dit :”au cours du déroulement de la COP, l’Australie a été le chef de file en matière d’obstruction; elle s’est opposée à tous les niveaux : sur la perte et les dommages, sur l’adaptation et sur les Ambitions pré-2020 : elle a tout fait pour dissimuler la hausse annuelle de la pollution carbone dans notre pays. Elle a cherché par tous les moyens à se dégager de ses responsabilités et d’empêcher des actions futures. C’est très décevant.”

Les émissions mondiales à la hausse de nouveau

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Les optimistes de la COP23 (Conférence des parties) ont noté cependant que 49 pays, dont les Etats-Unis avaient plafonné leurs émissions carbone en adoptant une plus grande efficacité énergétique, en brûlant moins de charbon et en se tournant vers des énergies renouvelables. L’énergie solaire et éolienne sont maintenant sur un pied d’égalité avec le gaz naturel et moins onéreuses que le charbon; A cela s’ajoute un potentiel économique avec la création rapide de milliers d’emplois par de nombreux pays. La part du carbone responsable du réchauffement climatique mondial est encore trop importante pour faire pencher la balance en faveur des énergies renouvelables.

Un rapport du 13 Novembre dernier a révélé qu’après 3 ans de stabilité au niveau des émissions de carbone dans le monde, ces dernières étaient à leur niveau le plus élevé en 2017. Cette année va compter au rang des années les plus chaudes enregistrées. Antonio Guterres, secrétaire général aux Nations Unies a rappelé aux délégués que les émissions carbone doivent baisser de 25% à l’échéance de 2020 si on veut atteindre l’objectif fixé par l’Accord de Paris à savoir limiter la hausse de la température mondiale en-dessous de 2 degré Celsius (3.6 degré Fahrenheit); l’objectif de revoir à la hausse ce chiffre à l’échéance de 2100 paraît improbable étant donné l’attitude des pays développés pendant cette COP et l’insuffisance du dispositif facultatif NDCS (contributions déterminées au niveau national) mis en place par les pays dans le monde.

Adam Brandt, membre parlementaire du parti écologique discutant avec Anote Tong, ancien Président de Kiribati, archipel du Pacifique. Photo par Justin Catanoso.

Les participants de la COP ont remarqué les divisions omniprésentes et les tensions entre une douzaine de pays développés (les plus pollueurs en carbone) et le reste du monde. Anote Tong, ancien Président de Kiribati, archipel du Pacifique vit avec cette tension. Tong a déclaré à Mongabay : “nous continuons à orienter les débats sur les moyens pour s’assurer que les températures ne s’élèvent pas au-dessus de 1.5 degrés Celsius (2.7 degrés Fahrenheit). Les pays comme le mien ne sont plus vraiment concernés puisque les scientifiques ont prédit que quelle que soit la hausse des températures mondiales, même nulle, et même si les émissions de carbones sont réduites à néant, nous serons sous les eaux bien avant la fin du siècle.”

Tong a déclaré que les politiciens qui ne se projettent qu’à court terme et qui ne se préoccupent que de leurs réélections ne sont pas les mieux placés pour s’attaquer au défi coûteux, actuel et à venir du changement climatique. Il a souligné que si son pays est la victime principale de l’élévation des océans, il porte très peu de responsabilité en ce qui concerne l’émission des carburants fossiles responsables du réchauffement climatique. Il est vital qu’il reçoive une aide financière.

Tong a ajouté : “les changements dans mon pays doivent être radicaux, comme s’élever au-dessus du niveau de la mer.”Si vous me donnez 1 milliard, je peux peut-être encore survivre 10 ans. Par principe, notre réponse est de reconnaître l’injustice et d’y remédier. Oubliez que vous êtes un dirigeant politique. Agissez en tant que père, en tant que grand-père, en tant qu’être humain avec un sens de la moral et de la justice.”

Dans toutes les salles de réunions étaient affichés de larges posters représentants des îles du Pacifique parce que Fiji était le pays d’accueil de la COP23 à Bonn. Mais si on oublie ces cartes postales de rêve, les négociateurs du sommet, issus des pays développés ont traîné les pieds au moment d’aider financièrement et de manière significative les pays insulaires très fragiles. Photo par Justin Catanoso

Victoire pour les Ambitions pré-2020

On avait espoir que les négociateurs fassent preuve de plus de bienveillance et s’attaquent à la question de l’aide financière des pays en voie de développement avec plus de succès, Fidji, île vulnérable de l’Océan Pacifique, étant le pays d’accueil de la COP23. Un résultat notable peut-être souligné. Sous la pression énorme de la Chine et de l’Inde (les pires pollueurs et le 3ème pollueur de carbone), les délégués se sont mis d’accord pour un projet de rédaction le soi-disant Ambitions pré-2020 qui exige la transparence des pays développés sur leurs émissions de gaz et la liste des mesures volontaires qu’ils vont mettre en place avant l’échéance de 2020 pour réduire davantage leurs émissions de gaz de serre. La Chine et l’Inde ont toutes les deux beaucoup investi dans l’énergie solaire; la Chine est aussi sur le point de fermer ses centrales électriques au charbon, dans le but premier de faire face à la pollution vertigineuse de l’air. D’autres pays en voie de développement sont impatients que les riches pays industrialisés agissent au plus vite pour inverser la courbe des émissions; le projet de rédaction Ambitions pré-2020 est aussi un moyen de pression supplémentaire.

Singh d’Action Aid a ajouté : “l’accord était important pour plusieurs raisons. Nous avions besoin de rétablir une certaine confiance, qui avait été perdue entre les pays développés et ceux en voie de développement. En cause entre autre la menace par les Etats-Unis de quitter l’Accord de Paris.”

La France et l’Allemagne n’ont pas manqué elles-aussi de faire l’objet de critiques.

Le Président français Macron avec Guterres Secrétaire Général des Nations Unies. Photo prêtée par UNFCCC

Le Président français Emmanuel Macron et la Chancelière allemande Angela Merkel se sont adressés aux délégués dans la salle principale de réunion. Ils se sont tous les deux prononcés avec éloquence sur la réalité du changement climatique et la nécessité d’agir avec plus d’efficacité pour trouver des solutions. Mais ni l’un, ni l’autre n’ont indiqué qu’ils s’engageaient à réduire davantage leurs émissions carbone, et dans le cas particulier de l’Allemagne de réitérer sa promesse de supprimer le charbon d’ici 2030.

Jennifer Morga, Directrice Exécutrice de Greenpeace International a fait remarqué : “Madame Merkel n’avait qu’une seule chose à faire : venir à Bonn, montrer qu’elle avait entendu les souffrances des populations du Pacifique et à travers le monde et agir de manière responsable en mettant fin au charbon; ce n’est pas ce qu’elle a fait.”La crédibilité de la Chancelière comme leader en matière de politique climatique était déjà en jeu ; cette dernière attitude ne va pas pencher en sa faveur. Elle a évoqué la confiance et la fiabilité, mais qu’en est-elle de la sienne?”

Lucille Dufour, conseillère politique au nom du Réseau Action Climate en France a ajouté : “le poids politique de la France doit peser dans la balance pour faire progresser les problèmes-clés comme “l’adaptation” et “la perte et les dommages” si elle veut maintenir son rôle de garant des Accords de Paris.”

Dès l’ouverture de la COP23, l’Allemagne a eu au moins le mérite de s’engager à verser 50 millions d’euros en plus des 240 millions d’euros (environ 340 millions US dollars en totalité) déjà promis à l’ Adaptation Funds, devenant la plus large contributrice. L’Allemagne a aussi promis 50 millions d’euros (environ 58 millions de dollars US) au Developed Nations Fund. Mais la COP23 s’est principalement achevée par la querelle entre les pays développés et les pays en voie de développement, querelle aussi vieille que le protocole de Tokyo; ils se chamaillent comme chien et chat pour savoir qui va payer et combien. D’après de nombreux participants à la COP23, ce sont les Etats-Unis et les nations riches qui freinent à supporter le poids de leurs responsabilités.

Certains participants de la Cop gardent espoir que le problème du financement de “l’adaptation” et “des pertes et dommages” destiné aux pays en voie de développement soit finalement abordé à la Cop 24 en Pologne en décembre 2018.

Justin Catanoso est un contributeur régulier auprès de Mongabay et un professeur de journalisme à l’université Wake Forest en Caroline du Nord, USA. Suivez-le sur twitter@jcatanoso

Un rappel de ce qui est en jeu : une planète gonflable se dresse toute seule sur le campus des Nations Unies à la Cop 23 à Bonn. Certains participants espèrent voir des progrès majeurs à la Cop 24, dans un peu plus d’un an en Pologne. Photo par Justin Catanaso
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