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Une analyse de données montre que le Royaume-Uni est le plus grand exportateur mondial d’ivoire légal

  • Le Royaume-Uni a exporté légalement plus de 36 000 objets en ivoire entre 2010 et 2015, soit 370 % de plus que les États-Unis, deuxième plus grand pays exportateur.
  • Sur la même période, le Royaume-Uni a été un fournisseur majeur pour les marchés en Chine et à Hong Kong.
  • L’EIA et d’autres organisations environnementales craignent que le commerce d’ivoire légal n’encourage le braconnage encore persistant des éléphants en perpétuant la demande et en masquant le commerce d’ivoire illégal.

Le Royaume-Uni envoie plus d’ivoire légal au-delà de ses frontières que n’importe quel autre pays, selon une analyse publiée aujourd’hui par l’Environmental Investigation Agency (EIA), une ONG basée à Londres.

L’annonce survient deux jours avant la journée mondiale des éléphants , ce samedi. À l’échelle mondiale, le nombre d’éléphants diminue puisqu’il a baissé de 30 % entre 2007 et 2014. Ce déclin est largement dû au braconnage mené pour mettre la main sur les précieuses défenses des éléphants.

Le Royaume-Uni joue un rôle « relativement mineur » dans le commerce illégal de l’ivoire, affirme Shruti Suresh, militante à l’EIA. Mais les données de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) indiquent qu’entre 2010 et 2015, le Royaume-Uni a exporté plus de 3,5 fois le nombre d’objets en ivoire exportées par les États-Unis, le deuxième plus grand fournisseur.

En 2013, les États-Unis ont été un acteur beaucoup plus proéminent. Mais les régulations du gouvernement américain visant à s’attaquer au problème du commerce national et international d’ivoire ont considérablement réduit les flux vers Hong Kong et la Chine pour descendre jusqu’à 17 pièces en 2015. Le Royaume-Uni a rempli ce vide en grande partie avec ce qui est mentionné comme étant des antiquités en ivoire qui a été vraisemblablement pris d’éléphants tués il y a des années, avant que la CITES ne commence à contrôler le commerce international.

Le Royaume-Uni exporte principalement des antiquités en ivoire, comme ces défenses taillées datant du XIe siècle. Photographie du domaine public, via Wikimedia Commons

« Ce qui a été le plus surprenant a été la destination de l’ivoire », déclare Suresh lors d’un entretien. L’EIA a découvert que depuis 2014 le Royaume-Uni est le premier fournisseur en Chine et à Hong Kong, qui sont sans doute les plus grands marchés d’ivoire, aussi bien légal qu’illégal.

« Le fait que le Royaume-Uni continue d’approvisionner un grand marché et que de l’ivoire soit envoyé à ces marchés en Asie est un grave problème », déclare Suresh. Entre 2010 et 2015, le nombre d’objets en ivoire envoyées en Asie a été 70 % plus élevé que ce qui a été envoyé en Italie, deuxième pays du classement.

La Chine autorise actuellement la vente d’ivoire obtenu légalement ainsi que des produits en ivoire, tels que des sculptures détaillées qui peuvent atteindre des dizaines de milliers de dollars la pièce.

Mais des organisations telles que l’EIA craignent que ce commerce légal masque un trafic illégal qui continue d’alimenter la chasse aux éléphants. Des scientifiques estiment que toutes les 15 minutes, un éléphant meurt tué par un braconnier en Afrique.

« Il est extrêmement difficile de distinguer l’ivoire légal de l’illégal », affirme Suresh.

« Un certain nombre d’organisations ont signalé que le système juridique de certificats permettant le commerce de l’ivoire [en Chine] est rempli de vides juridiques », ajoute-t-elle, « et l’ivoire légal et illégal sont vendus côte à côte dans certaines boutiques ».

Face à la pression internationale, la Chine a annoncé en 2016 qu’elle interdirait le commerce légal de l’ivoire en 2017. Hong Kong, qui est, comme l’a indiqué Suresh, un grand fournisseur d’ivoire illégal pour la Chine a également accepté d’interdire la vente de l’ivoire, même si les vendeurs ont jusqu’à 2021 pour se débarrasser de leurs stocks.

Un éléphant en Afrique du Sud. Photo de Rhett A. Butler / Mongabay

En 2016, lors d’une réunion de la CITES à Johannesburg, en Afrique du Sud, 182 pays ont signé une résolution pour mettre fin aux marchés légaux d’ivoire. Mais le Royaume-Uni ne s’est pas encore intéressé au rôle qu’il joue dans ce commerce mondial, déclare Suresh, permettant ainsi à son marché légal de continuer.

« On considère que ce que fait actuellement le Royaume-Uni sabote potentiellement l’annonce de la Chine », ajoute-t-elle.

Les membres de l’EIA ont également fait part de leurs inquiétudes concernant un potentiel vide juridique dans la loi chinoise qui pourrait permettre la vente aux enchères de « reliques culturelles ».

« L’industrie des antiquités au Royaume-Uni a interprété l’annonce de la mesure comme une autorisation pour continuer leur commerce avec la Chine », affirme Suresh.

L’inquiétude est que même sous cette forme, ce commerce exercerait tout de même une pression sur les populations d’éléphants et sur ceux qui œuvrent à leur protection.

« On reconnaît de plus en plus que toute demande pour l’ivoire stimule le braconnage, qu’elle est un problème pour l’application de la loi et qu’elle encourage d’avantage de demande pour l’ivoire », déclare-t-elle.

Des personnalités politiques au Royaume-Uni ont promis d’organiser une consultation publique sur un changement de la politique sur le commerce de l’ivoire mais pour l’instant, l’EIA et les autres organisations attendent depuis au moins six mois de voir sa mise en œuvre.

« Ce n’est pas un engagement nouveau », affirme Suresh, « Il est désormais temps pour le gouvernement anglais de faire preuve de leadership concernant ce problème et d’annoncer le changement de la loi pour que l’ivoire ne puisse plus être vendu sur le marché anglais et qu’il ne puisse plus être exporté depuis le Royaume-Uni. »

Image de la bannière : éléphants en Namibie par Rhett A. Butler.

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