“Les défis internes de l’acquéreur”

L’année dernière, TREM a été vendu et revendu au cours de transactions qui ont depuis été examinées par les organismes de contrôle. Une société privée enregistrée à Singapour appelée REO Magnetic a acheté TREM à TRE AG, puis a vendu une participation majoritaire à ISR Capital, une autre entreprise basée à Singapour.

Le prix des actions d’ISR a grimpé en flèche quand il s’est engagé à acquérir TREM, mais a dégringolé seulement quelques mois plus tard. ISR est en cours d’enquête pour une violation de la loi de Singapour sur les valeurs mobilières et les contrats à terme, qui couvre des crimes tels que les marchés de gré à gré et la manipulation des stocks. Les procureurs ont lié ISR au cerveau du scandale «penny stock » qui est considéré comme l’un des plus grands crimes financiers de l’histoire de Singapour; dans un dossier du tribunal, ils ont affirmé que le cerveau présumé «était intimement impliqué et exerçait son influence sur la gestion et les affaires d’ISR». Suite à cela, au moins quatre cadres d’ISR ont démissionné depuis novembre.

Jusqu’à présent, TRE AG gère toujours TREM, car ni la vente à REO ni la revente à ISR n’a été finalisée. TRE AG a transféré la direction à REO en septembre dernier, mais a dû reprendre le contrôle en mars en raison de ce que M. Kivimäki a appelé «les défis internes de l’acquéreur».

Néanmoins, pour les investisseurs et les contrôleurs, ISR Capital a exprimé sa conviction dans sa capacité à «accélérer» le projet. ISR n’a pas annoncé le fait que TREM n’a plus de permis actif de quelque nature que ce soit. Le permis d’exploration de TREM a expiré en janvier de cette année et la société n’a plus effectué d’échantillons depuis cette date. Pourtant, TREM possède encore deux complexes gardés et au moins un autre site clôturé à Ampasindava. Dans une correspondance par courrier électronique, M. Kivimäki, PDG de TRE AG, n’a pas répondu clairement aux questions selon lesquelles TREM y est encore présent. Il a déclaré que TREM a demandé un autre permis d’exploration.

En 2016, l’ONE (Office National pour l’Environnement) a autorisé TREM à effectuer l’étude d’impact environnemental de ses projets pilotes de production à Ampasindava. Cependant, plus d’un an plus tard, aucun résultat d’évaluation n’a été transmis à cette institution pour approbation, alors que la production pilote ne peut commencer qu’après la validation de l’évaluation.

L’opacité des transactions et les irrégularités éventuelles pourraient susciter des inquiétudes quant à savoir qui gère exactement ce projet important et potentiellement dangereux à Madagascar, pays où la corruption nuit souvent aux efforts de conservation. Mais il semble que personne parmi ceux qui participent au projet à Madagascar, en dehors des employés de TREM, n’est conscient des problèmes des sociétés parentes. Personne, parmi la douzaine d’employés d’ONG ou de scientifiques interviewés par Mongabay pour cette enquête, n’en a fait mention. Dans la même foulée, les fonctionnaires des ministères des deux gouvernements ont indiqué les ignorer.

«D’une manière générale, le ministère ne s’intéresse qu’à l’impact des activités», a déclaré à Mongabay Jean Romain Randrianarisoa, Directeur des Evaluations Environnementales du Ministère de l’Environnement, de l’Écologie et des Forêts. « Si le travail est effectué de façon légale et ordonnée, nous n’avons pas d’intérêt à connaitre qui est de l’autre côté de l’entreprise ».

 

Frustration locale

La présence de TREM à Ampasindava n’a pas été totalement indésirable. La société a facilité la construction de trois écoles, cinq ponts et une église en briques pour les communautés locales. Elle a également employé des locaux en tant que journaliers pendant des mois, généralement pour creuser des puits d’exploration. Le salaire est d’un peu plus de 2 $ par jour. Quelques personnes sont également employées à temps plein en tant que gardes.

Les habitants d’Ampasindava ont besoin de travail, car ils ont peu d’alternatives de sources de revenus. “La seule raison pour laquelle nous aimons l’entreprise est parce qu’il est difficile de trouver de l’argent dans la région, aussi nous ne pouvons qu’apprécier quand il y a du travail”, a déclaré à Mongabay un résident du village de Betaimboay, près de l’un des deux complexes de TREM. “Le salaire est bas, mais si vous n’avez pas d’argent, vous devez travailler. Ce n’est pas parce que vous aimez travailler avec eux. ”

Après plusieurs années d’exploration, les gens d’Ampasindava se sont lassés de TREM. Les femmes disent que TREM fait de la discrimination et n’a jamais embauché de femme comme ouvrier ou garde. “Ils disent que les femmes ne peuvent pas faire de travail comme le creusement des trous, alors ils ne prennent que des hommes”, a déclaré Catherine Soamalaza, présidente d’un groupement de femmes à Befitina.

Theogene, a local farmer, looks down at a TREM exploratory pit just behind his house. There are several thousand such pits in the concession area. Photo by Edward Carver for Mongabay.
Theogene, un agriculteur local, regarde un puits d’exploration de TREM juste derrière sa maison. Il y a plusieurs milliers de puits similaires dans la zone de concession. Photo par Edward Carver pour Mongabay.

Les gens sont également frustrés par le nombre de puits exploratoires que TREM a creusés: plusieurs milliers, la plupart d’entre eux à dix mètres de profondeur. Pire encore, ils disent que la société n’a pas réussi à combler correctement les trous, et les puits à découvert ont causé des préjudices à des zébus. Une fois blessé, le très coûteux zébu, une source majeure de richesse locale, doit être abattu. Mongabay a observé des douzaines de fosses non couvertes dans la région.

“Ils recouvrent juste les fosses aux bords des rues où le superviseur est sûr de passer,” a déclaré Theogene, un jeune agriculteur d’Ankintsopo, un village au centre de la concession. “Les puits plus éloignés ne sont pas couverts. C’est la vérité “.

En réponse aux questions de Mongabay, M. Kivimäki a écrit: “Le processus de ces fosses est le suivant : elles sont creusées, des échantillons sont prélevés, elles sont comblées et la zone est réhabilitée. Cela signifie que, contrairement à certaines allégations, TREM n’a laissé aucun espace ouvert durant les campagnes précédentes (2009 à 2015). Le processus de fermeture des puits creusés à partir de l’automne 2016 est en cours depuis juin et devrait bientôt être finalisé.”

Impact méconnu

Mais le problème des puits est un inconvénient mineur par rapport à ce qui pourrait arriver. Les impacts négatifs des mines de terres rares sur l’environnement et la santé peuvent être graves. “Il y a peu de compréhension à l’échelle internationale des vrais coûts humains de l’extraction des terres rares”, a écrit dans un essai de 2013 Julie Klinger, professeure de relations internationales à l’Université de Boston et auteure d’un livre à paraître sur les terres rares.

Les gisements du sud de la Chine, auxquels ISR Capital a comparé ceux d’Ampasindava, ont gravement contaminé les terres agricoles voisines. La population locale a des niveaux élevés d’éléments de terres rares dans leur sang et leurs cheveux, selon une étude. de 2013. On sait que les dépôts de terres rares contiennent des matières radioactives qui peuvent contaminer les terres et l’eau, bien que les dépôts d’argile comme celui d’Ampasindava présentent généralement de faibles niveaux de radioactivité. Un correspondant de la BBC s’étant rendu à Baotou, un centre d’extraction de terres rares en Chine, l’a décrit comme
« l’enfer sur terre » et les membres de l’Académie chinoise des sciences affirment que « l’exploitation irrationnelle des ressources des terres rares a causé de graves dommages aux écosystèmes locaux ».

Pourtant, jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’études d’impact environnemental sur la phase d’exploitation du projet de TREM.

L’ampleur des dommages environnementaux à Ampasindava dépendra en partie de la méthode d’extraction utilisée, du mode de séparation des éléments et du raffinage sur le site. Aucune décision n’a été prise par TREM, selon M. Kivimäki. TREM n’a pas l’intention de séparer, purifier ou affiner les éléments de terres rares à Ampasindava. M. Kivimäki a déclaré que de nombreuses installations de raffinage existent déjà en Chine, et TRE AG estime qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer de tels travaux à Madagascar.

Le volume moyen de matières premières à exporter d’Ampasindava, une zone rurale sans infrastructures ou ports appropriés, n’est pas non plus clair. De plus, TREM devrait être sous nouvelle gestion dans les six à neuf mois à venir- REO Magnetic ou ISR Capital. Aussi, même le schéma global décrit par M. Kivimäki pourrait changer. Aucun des juristes d’ISR Capital ou de REO Magnetic n’a répondu aux demandes de commentaires sur ce sujet.

Le manque de clarté par rapport aux plans et méthodologies de TREM rend difficile la prévision de l’impact environnemental du projet. “Sans aucune information sur le genre de produits chimiques qu’ils utiliseront pour séparer les éléments des terres rares, et de quelle manière ils seront utilisés, l’entreprise ne peut affirmer de manière crédible qu’ils vont extraire ces éléments d’une manière respectueuse de l’environnement”, a écrit Mme Klinger dans un courriel à Mongabay, après avoir lu une note de la direction d’ISR (ISR Capital filing) qui affirme que le gisement d’Ampasindava pourrait être exploité de manière relativement simple et respectueuse de l’environnement.

La Chine a fourni 85 pour cent ou plus des terres rares du monde au cours des dernières décennies, mais les autorités ont hésité à divulguer les impacts environnementaux, selon Mme Klinger, qui parle le mandarin et a fait des recherches à Bayan Obo, la région d’origine des terres rares autoproclamée. “Certains vrais locaux sont tragiquement reconnaissables par leur peau cloquée et leurs dents décolorées, qui indiquent une exposition chronique sévère au lessivage de l’arsenic de la mine”, a écrit Klinger dans son ouvrage de 2013.

La demande en terres rares augmente, en particulier pour le néodyme, une terre rare légère utilisée dans les aimants de haute technologie, et pour le terbium et le dysprosium, les terres rares lourdes utilisées dans les écrans et les réacteurs nucléaires. Mais au cours des huit dernières années, la Chine a essayé de contrôler sa production de terres rares et d’améliorer son bilan environnemental. En 2012, alors que la Chine a fermé des dizaines d’installations de terres rares, un ministre du gouvernement a déclaré que le pays « ne voulait absolument pas sacrifier l’environnement pour le développement de l’industrie des TR ». Les investisseurs se sont donc concentrés de plus en plus sur des lieux comme Ampasindava, où Chen Tong, le président exécutif d’ISR Capital, a affirmé que des éléments tels que le néodyme, le terbium et le dysprosium sont abondants.

Les quelques 30 000 habitants de la péninsule d’Ampasindava ont commencé à avoir des notions sur ces puissances économiques à partir d’organisations issues de la société civile dans les villes voisines de Nosy Be et d’Ambanja. Certains villageois ont vu une vidéo produite par le Centre de Recherche et d’Appui aux Alternatives au Développement, un groupe de défense de l’environnement à Antananarivo, la capitale de Madagascar. Raymond Mandiny, un résident d’Ambanja qui a des parents à Ampasindava, a passé du temps dans les villages pour informer la population sur les conséquences potentielles de l’exploitation minière des terres rares. Il s’est rendu à Antananarivo en juin pour demander aux ministères du gouvernement de refuser tout autre permis à TREM. Joel Soatra est venu représenter l’industrie touristique à Nosy Be. Lors d’une conférence de presse, celui-ci a appelé à la fin immédiate du projet.

“Les impacts pourraient être irréversibles”, a déclaré M. Soatra à Mongabay juste après la conférence. « Si la radioactivité touche notre biodiversité, nous ne pouvons plus revenir en arrière et nous faire guérir dans un hôpital. Il est donc préférable pour nous d’être prudents. Si nous estimons que cela ne marchera pas bien, il vaut mieux arrêter dès maintenant ». Il a dit craindre que TREM puisse ruiner la beauté et la biodiversité qui attirent les touristes dans la région, et que la réserve de Lokobe sur Nosy Be et la baie environnante d’Ampasindava pourraient être polluées.

Jean Romain Randrianarisoa, directeur des évaluations environnementales du Ministère de l’Environnement, a reconnu que l’extraction de terres rares était nouvelle à Madagascar. Mais il a dit qu’il espérait que les fonctionnaires du gouvernement puissent être formés pour la réglementer correctement.

En 2015, la péninsule d’Ampasindava – à l’exception de la concession de TREM – a été formellement déclarée comme aire protégée, après avoir été une réserve temporaire pendant plusieurs années. Une superficie de plus de 900 kilomètres carrés est maintenant protégée. 80% des plantes de Madagascar sont endémiques au pays et 8% n’existent que sur la péninsule. Au moins huit espèces de lémuriens vivent dans la péninsule et six d’entre elles sont endémiques au nord-ouest de Madagascar. Six sont répertoriées comme menacées d’extinction par l’UICN; Les deux autres sont classées vulnérables.

L’un de ceux listés comme menacés d’extinction est le lémurien de Mittermeier (Lepilemur mittermeieri), un primate principalement nocturne qui se trouve seulement dans la péninsule. La recherche de Leslie Wilmet, doctorante en biologie de la conservation à l’Université de Liège et de Gembloux Agro-Bio Tech en Belgique, indique qu’il ne subsiste plus que 10 000 individus de cette espèce de lémuriens. Elle a passé ces quatre dernières années à étudier cette espèce à Ampasindava et s’inquiète de l’impact potentiel que TREM pourrait avoir sur elle.

“Le problème est qu’une grande partie des forêts vont disparaître avec le projet de TREM”, a-t-elle déclaré à Mongabay. “Le territoire sera considérablement réduit pour cette espèce. Nous ne savons pas si les espèces survivront si le projet se poursuit. ”

D’autres scientifiques ont avancé que le projet de TREM pourrait endommager l’aire protégée. Une responsable d’un programme de conservation par une ONG à Madagascar a déclaré que la mise en œuvre de l’exploitation va attirer beaucoup de gens à Ampasindava, augmentant la pression sur l’eau et les ressources forestières. “Le changement de mode de vie se fera très rapidement”, a-t-elle prédit. “Nous ne serons pas capable de gérer de tels changements massifs”.

La terre des ancêtres

De même, de nombreuses personnes locales s’inquiètent pour le futur de leurs activités agricoles. En 2014, des individus concernés, dont Solondraza, ont mis en place un groupe d’agriculteurs qui cherche à protéger les terres de TREM. Delphin Malazamanana, le président du groupement, a dit qu’il se sentait appelé à diriger cette opposition.

“Nous nous sommes sentis en danger par cette grande entreprise qui nous a dérangés et sous-estimés”, a déclaré M. Malazamanana à Mongabay. “Nous avons donc eu l’idée de nous protéger en créant ce groupe”.

Le groupe se réunit dans une cabane en plein air à Befitina, un village situé à l’extrémité ouest de la concession, à proximité de l’aire protégée. Lors d’une récente réunion, Rosé Mamory, le président du fokontany (village), a expliqué que TREM n’a jamais présenté de quelconque permis à son bureau. “C’est notre terre”, a-t-il dit, en désignant les forêts verdoyantes de bambou et de ravinala autour de lui. « Personne ne leur a donné la terre. C’est le gouvernement central qui a fait cela ».

Assis à même le sol sous un toit de chaume, les hommes se levaient tour à tour pour dénoncer la corruption aux niveaux national et local. Ils estiment que TREM gagne le soutien des ministres et des maires locaux en les soudoyant. (Lorsque Mongabay est arrivé à Antsirabe, l’une des six localités de la zone de concession, le maire a été visiblement mécontent et a demandé à plusieurs reprises si quelque chose de négatif serait écrit sur TREM. Cette enquête n’a cependant révélé aucune preuve directe de corruption.)

À Madagascar, respecter les ancêtres signifie respecter la terre. Le village d’origine est le Tanindrazana, la terre des ancêtres, où ceux-ci ont vécu, travaillé et ont été enterrés. Solondraza se demande ce qu’adviendra des ancêtres enterrés. “Même nos tombes ancestrales seront détruites”, a-t-il dit. “Ce n’est pas notre culture.”

Le nom même de Solondraza signifie littéralement «relève des ancêtres», et la plus grande question maintenant reste de savoir si, avec une société minière parachutée sur ses terres, les relèves de Solondraza auront un endroit décent où vivre.

An unknown species of chameleon that resides on the Ampasindava peninsula. Photo by Leslie Wilmet.
Une espèce inconnue de caméléon qui réside dans la péninsule d’Ampasindava. Photo par Leslie Wilmet.

Traduction revisée par Morand Chaudeur.

Chronologie : l’enquête de Singapour sur ISR Capital

Pour Mongabay.com
Par Edward Carver
Traduit de l’anglais par Morand Chaudeur

 

La société Tantalum Rare Earth Malagasy (TREM), responsable de la prospection d’éléments de terres rares au nord-ouest de Madagascar, a régulièrement changé de propriétaire depuis la fin de l’année 2015. ISR Capital (ISR), une société cotée à la bourse de Singapour, est en phase d’obtenir une participation majoritaire. En 2016, peu avant l’annonce de son acquisition de TREM, le cours de l’action ISR s’est mis à monter de manière dramatique, et ce durant plusieurs mois. Lorsqu’il s’est ensuite effondré, la bourse de Singapour a suspendu tout échange de ces actions. Les autorités singapouriennes ont relié ISR au cerveau présumé dans une affaire de manipulation des cours de la bourse, et a ouvert une enquête contre la société.

8 décembre 2015 : La société allemande Tantalus Rare Earth (TRE AG), propriétaire de TREM depuis 2009, accepte de vendre TREM à une société privée immatriculée à Singapour, du nom actuel de REO Magnetic (REO), par un accord en deux parties. (La deuxième partie, consacrée à l’achat des 40% de parts restantes par REO, n’a toujours pas été finalisée au moment d’écrire ces lignes.) ISR Capital n’a pour l’instant aucun lien avec TREM.

9 mai 2016 : David Rigoll, un investisseur britannique du secteur minier, conclut un accord visant à acheter plus d’un quart des actions d’ISR Capital, et rejoint l’entreprise quelques jours plus tard en tant que directeur. M. Rigoll était jusqu’alors l’un des cadres dirigeants et actionnaire principal de TRE AG.

12 mai 2016 : La bourse de Singapour, après avoir observé une augmentation inhabituelle de l’échange d’actions ISR Capital, signe potentiel de délit d’initiés ou de manipulation des cours, demande à la société si certaines informations, concernant par exemple une acquisition potentielle, devraient être rendues publiques. ISR Capital répond par la négative.

19 mai 2016 : Le cours de l’action ISR Capital a désormais augmenté de plus de 700% pendant la période de dix jours suivant l’adhésion de M. Rigoll.

20 mai 2016 : ISR Capital annonce l’achat à REO Magnetic d’une part encore indéterminée de TREM. Après des négociations supplémentaires, l’accord comprend l’achat de 60% des parts de TREM pour un prix de 30 millions de dollars, environ sept fois plus que le prix payé par REO à TRE AG pour la même part quelques mois auparavant. La bourse de Singapour remet ensuite en question la méthode employée par ISR pour justifier un achat à ce prix. (Au moment d’écrire ces lignes, cet accord ainsi que l’accord en deux parties entre TRE AG et REO n’ont pas encore été réalisés. S’ils devaient l’être, ISR possèderait 60% de TREM et REO possèderait les 40% restants.)

16 juillet 2016 : ISR Capital publie une déclaration écrite indiquant que TREM a effectué une demande de permis pour un projet pilote de production. L’Office national pour l’environnement de Madagascar (ONE) a autorisé TREM à mener une étude d’impact environnemental, qui doit être soumise à l’ONE pour approbation afin que celui-ci délivre un permis. Selon l’ONE, aucune étude ne lui a été remise au moment d’écrire ces lignes, plus d’un an après.

14 août 2016 : ISR Capital admet que Timothy Morrison, cadre dirigeant du cabinet de conseil employé pour faciliter l’acquisition de TREM, était également employé en tant que directeur de REO Magnetic, la société responsable de la vente de TREM. ISR avait omis de révéler cette information jusqu’à ce que les instances de contrôle posent des questions spécifiques sur M. Morrison. Il s’agit d’un potentiel conflit d’intérêt qui pourrait avoir permis à M. Morrison de se tenir des deux côtés de la table au cours des négociations entre ISR et REO. ISR explique qu’au moment de leurs recherches concernant REO, M. Morrison n’y était pas encore employé en tant que directeur.

Dans le même communiqué, la bourse de Singapour avait interrogé ISR Capital sur un potentiel conflit d’intérêt concernant la double implication de David Rigoll avec TRE AG et ISR Capital. ISR écrit en réponse que les investissements de M. Rigoll dans les deux sociétés ne se chevauchent pas.

Septembre 2016 : TRE AG transfère la gestion de TREM à REO Magnetic, désormais actionnaire majoritaire de TREM, selon Markus Kivimäki, PDG de TRE AG.

29 septembre 2016 : Le cours de son action montant en flèche, ISR Capital annonce un prêt de 4,5 millions de dollars à TREM. ISR devient investisseur dans le projet d’Ampasindava alors même que l’accord concernant son acquisition de 60% des parts de TREM à REO Magnetic n’a pas encore été finalisé.

Novembre 2016 : Le cours de l’action ISR Capital a désormais augmenté de plus de 4000% depuis le mois d’avril.

8 novembre 2016 : En réponse à la requête d’un organisme de régulation, ISR Capital explique avoir prêté de l’argent à TREM afin que cette dernière puisse obtenir des permis environnementaux essentiels à la réussite du projet. Selon ISR, TREM a besoin de 7,1 millions de dollars afin d’obtenir ces permis.

ISR déclare : « Il n’y a pas de risque significatif que les permis ne soient pas délivrés, puisque [TREM] a traité chacun des 147 éléments mis en valeur par l’Office national de l’environnement dans le cadre de travaux soumis plus tôt dans l’année. [TREM] estime obtenir les permis au cours du premier trimestre de 2017. »

Après lecture de cette déclaration, le directeur responsable des évaluations environnementales de l’ONE a indiqué à Mongabay qu’il n’en avait « pas connaissance. » Au moment d’écrire ces lignes, TREM n’a pas obtenu de permis de production pilote. La société ne possède d’ailleurs même plus de permis d’exploration valide. ISR ne semble pas avoir révélé l’absence de permis aux investisseurs ni aux autorités de contrôle.

21 novembre 2016 : La bourse de Singapour remet en question les deux estimations d’ISR Capital concernant « l’actif de Madagascar » à Ampasindava. Deux consultants ont estimé la valeur de la concession à plus d’un milliard de dollars. La bourse de Singapour a toutefois rejeté ces deux estimations qui n’ont pas respecté ses normes établies : la première a été effectuée par un propriétaire individuel non qualifié, et la deuxième a réutilisé certaines données issues de la première sans avoir visité le site d’Ampasindava.

La première estimation, effectuée par Geologica Pty Ltd et rapidement préconisée par ISR après sa réalisation en juillet 2016, a sous-estimé l’opposition locale et le risque pour l’environnement. « Le risque potentiel pour la propriété foncière, notamment les titres fonciers autochtones, est considéré comme faible, de même que le risque souverain lié à la concession, » écrit l’évaluateur. Après avoir survolé l’impact potentiel sur l’environnement, il ajoute : « Geologica en conclut un faible risque environnemental lié à la concession. »

24 et 25 novembre 2016 : Jon Soh Chee Wen, cerveau présumé du crash des penny stocks de 2013, est arrêté et inculpé pour son rôle dans ce que les autorités singapouriennes appellent « la plus grande affaire de manipulation boursière de l’histoire de Singapour. » ISR Capital est un penny stock (investissement à haut risque et bon marché) lié au scandale de 2013, et le cours de son action s’effondre, perdant plus de la moitié de sa valeur en une journée. Trois jours plus tard, la bourse de Singapour gèle les transactions sur les actions ISR.

7 décembre 2016 : Afin d’enquêter sur une violation potentielle de la loi singapourienne sur les valeurs mobilières et les opérations à terme, les autorités requièrent d’ISR Capital des copies de tous les e-mails, comptes rendus de réunions et fusions récents.

20 décembre 2016 : Le parquet singapourien confirme l’existence de liens entre ISR Capital et Jon Soh Chee Wen. Il annonce également l’ouverture d’une enquête concernant ISR Capital. Les procureurs affirmeront par la suite, dans un document judiciaire, que Soh « était intimement impliqué, et exerçait une influence sur l’administration et les affaires générales d’ISR. » (Contactée par Mongabay, l’autorité financière de Singapour n’a pas souhaité commenter l’état ni la nature de l’enquête.)

6 mars 2017 : Après plus de trois mois de suspension, la bourse de Singapour réintroduit ISR Capital après avoir émis un avertissement de « trading avec prudence ». Son action s’effondre à nouveau, et David Rigoll vend une part considérable de ses actions. Il démissionne également de son poste de directeur exécutif, critiquant l’administration et devenant au moins le quatrième cadre dirigeant d’ISR à quitter ses fonctions en autant de mois.

Mars 2017 : TRE AG reprend le contrôle temporaire des opérations de TREM en raison de « difficultés avec l’acheteur », selon M. Kivimäki.

28 avril 2017 : ISR Capital confirme sa poursuite de l’acquisition de TREM.

1er août 2017 : ISR Capital et REO Magnetic s’accordent sur de nouvelles modalités. Au lieu de 30 millions de dollars, ISR devra verser 3,3 millions de dollars pour obtenir 60% des parts de TREM. ISR attend toujours une nouvelle estimation de la valeur de la concession d’Ampasindava.

6 août 2017 : ISR Capital reconnaît à la concession d’Ampasindava une valeur largement inférieure à celle suggérée par les deux estimations antérieures. Dans le même document, ISR explique que « peu d’activités d’exploration ont été menées par la société d’exploitation [TREM] au cours des derniers mois. » ISR omet à nouveau de préciser que TREM ne possède plus de permis d’exploration depuis le mois de janvier. Le personnel de TREM à Ambanja a indiqué à Mongabay qu’aucune exploration n’a eu lieu cette année.



Bibliographie

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