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Alors que l’étendue de la banquise arctique atteint un minimum record, les scientifiques s’apprêtent à perdre la vue

  • Dès le milieu des années 80, huit satellites de « série F » ont été construits en bloc dans le cadre du Defense Meteorological Satellite Program (DMSP), dans le but d’organiser leurs lancements successifs puisqu’un seul satellite ne pouvait pas assurer un relevé continu de l’étendue de la banquise arctique.
  • Mais le Congrès des États-Unis a mis fin au programme en 2016, entraînant le démantèlement du dernier satellite n’ayant pas encore été mis en orbite. Il est désormais probable que la défaillance imminente des derniers satellites DMSP en orbite rende le monde aveugle jusqu’à 2022 au moins, au moment même où l’Arctique montre de graves signes d’instabilité et de déclin.
  • Bien que les États-Unis et le reste du monde participent toujours au suivi de l’épaisseur de la glace, le gouvernement Trump a proposé des coupes supplémentaires concernant d’autres missions satellitaires, notamment les deux prochains satellites en orbite polaire de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), le satellite PACE de la NASA, permettant de surveiller la pollution de l’atmosphère et des océans, et l’Orbiting Carbon Observatory 3.
  • Toutes ces restrictions en matière de surveillance par satellite arrivent au moment même où le monde subit des transformations massives en raison du changement climatique, du développement et de la croissance démographique. Landsat 9, permettant de surveiller la déforestation et la récession des glaciers, est l’un des programmes satellitaires épargnés par la hache budgétaire de Trump. On ne sait pas encore comment le Congrès réagira aux coupes proposées.
Concept de satellite DMSP, dessiné par un artiste de Lockheed Martin, ayant permis de mesurer l’étendue de la banquise en continu depuis 1979. La défaillance des derniers satellites DMSP en orbite pourrait rapidement nous rendre aveugles aux changements majeurs de l’Arctique. Le Congrès a ordonné le démantèlement du dernier satellite avant son lancement pour des raisons budgétaires. Image fournie par l’US Air Force

En mars 2017, pendant la période de l’hiver à laquelle la banquise de l’Arctique est généralement la plus étendue, les satellites américains en orbite ont mesuré une étendue de 5,57 millions de miles (près de 9 millions de kilomètres). C’est le minimum le plus bas jamais enregistré en 38 ans de mesures, battant le précédent record établi deux ans plus tôt, et chutant de près d’un demi-million de miles carré (800 000 km²) sous la moyenne à long terme de 1981 à 2010.

Le grave déclin de la banquise Arctique depuis 2005 est un fait établi, grâce à une série de satellites du Département de la Défense américain qui ont observé la région avec des radiomètres à micro-ondes passives, en continu depuis 1979. Ces satellites ont fourni un bilan complet de la transformation de l’Arctique aux scientifiques, aux citoyens et au gouvernement, permettant d’obtenir des informations utiles pour la recherche et la politique en matière de climat, pour les prévisions météorologiques à latitudes moyennes, et pour les analyses géopolitiques utilisées par les sociétés de transports internationaux et de prospection de gaz naturel, alors même que la glace de l’Arctique fond et rend ce dernier accessible à l’exploitation.

Mais cela est sur le point de changer.

Les satellites américains actuellement en orbite ont déjà dépassé leur date de péremption, et certains ont déjà montré des signes de défaillance. Les chercheurs étudiant l’Arctique tirent la sonnette d’alarme : lorsqu’ils tomberont en panne, l’archivage scientifique en cours prendra fin de manière abrupte, sans le financement ni le temps nécessaires au remplacement d’une infrastructure vieillissante.

« Il est regrettable et perturbant qu’au moment même où l’on observe une transition rapide de la couverture glaciaire, nous risquons de perdre certaines de nos capacités essentielles pour observer et comprendre ce qu’il se passe, » estime Mark Serreze, directeur du National Snow and Ice Data Center (Centre national de données sur la neige et la glace, NSIDC).

Les scientifiques étudiant l’Arctique, et le monde entier avec eux, pourraient très bientôt devenir véritablement aveugles aux changements dramatiques qui se produisent dans l’Arctique, et ce jusqu’en 2022 ou 2023, en l’absence de système international viable pouvant intervenir à temps pour compenser le défaut de couverture satellitaire.

Le responsable de cette défaillance ? Un Congrès américain hostile au financement de la recherche sur le changement climatique. Des réductions budgétaires considérables ont été mises en place lorsqu’Obama était président, et la situation ne va probablement pas s’améliorer sous le gouvernement Trump. Dans sa proposition de budget « maigre » publiée en mars, et encore une fois dans sa proposition plus détaillée de cette semaine, le président Trump a appelé à des coupes pour les prochaines missions satellitaires de la NASA, qui supprimeraient notamment les deux prochaines mises en orbite polaire de satellites de la NOAA.

Minimum record de l’étendue glaciaire dans l’océan Arctique atteint en septembre 2012. Le contour jaune indique le minimum moyen entre 1979 et 2010. L’Arctique a démontré des signes d’instabilité grave au cours de l’année, et les experts craignent qu’un nouveau minimum record soit atteint en septembre, ce qui pourrait avoir un impact majeur sur la météorologie dans le monde entier. Illustration fournie par la NASA.

Le Congrès au cœur du problème

Depuis le milieu des années 1980, le DMSP a construit huit satellites « série F » à radiomètre micro-ondes en bloc, chacun d’entre eux ayant une durée de vie estimée de trois à cinq ans. Lorsqu’un satellite commençait à défaillir, le Département de la Défense (DoD) en lançait tout simplement un autre, assurant ainsi la continuité des mesures et la présence de deux ou trois satellites en orbite à la fois.

L’an dernier, les choses ont commencé à aller de travers. Le DoD, la NASA et le NSIDC dépendaient du satellite F-17 lorsque celui-ci a commencé à se dégrader. Les scientifiques se sont immédiatement tournés vers F-19, le dernier en date à accumuler les données, mais celui-ci est tombé en panne peu de temps après, ce qui a conduit à une absence de couverture satellitaire de plusieurs mois au printemps dernier. Les scientifiques s’appuient désormais uniquement sur F-18, qui a depuis longtemps dépassé sa durée de vie estimée, et F-17, dont les problèmes continuent.
« Les chances que ces deux satellites tiennent jusqu’à 2020 sont très minces, » explique David Gallaher, scientifique au NSIDC et superviseur des technologies d’information, notamment du développement de systèmes satellitaires.

Jusqu’à l’année dernière, le DoD, la NASA et le NSIDC n’étaient pas trop inquiets. Après tout, un autre satellite attendait en coulisses, prêt à reprendre les rênes. F-20 était le dernier du lot initial construit par le DoD dans les années 1980. Il devait décoller en 2020 et nous permettre de tenir jusqu’à l’étape suivante dans le lancement de satellites, tout en assurant une couverture optimale.

Mais sous Obama, un Congrès que les scientifiques disent hostile au DMSP depuis le milieu des années 2000 a mis le dernier satellite dans sa ligne de mire, appelant à sa destruction en raison de coûts de stockage trop élevés.

En construisant F-13 à F-20 en série, le Département de la Défense avait réussi à réduire les coûts de 250 à 450 millions de dollars par satellite. Mais les frais de stockage de la série complète s’élevaient à 500 millions de dollars, en faisant ainsi une cible pour les réductions budgétaires.

En janvier 2016, au cours d’une audience de la Commission des forces armées de la Chambre des représentants des États-Unis au sujet des pratiques d’achats, le représentant Républicain d’Alabama Mike Rogers, un négationniste du changement climatique et président de la sous-commission des forces stratégiques qui supervise les satellites militaires, a appelé le programme une perte d’argent, citant la prétendue mauvaise gestion du programme météorologique spatial par l’Air Force.

« Nous aurions pu éviter de nombreuses complications à l’Air Force et au Congrès si nous avions mis un demi-milliard de dollars dans un parking et y avions mis le feu, » a-t-il affirmé, évoquant l’indécision antérieure de l’Air Force quant au moment opportun pour procéder au lancement de F-20, ayant engendré des frais de stockage supplémentaires.

Les ours polaires constituent l’illustration classique de la mégafaune arctique en danger. Bien plus serait toutefois en jeu si la surveillance par satellite de l’étendue glaciaire devait cesser. La surveillance de la banquise arctique est un élément essentiel du système mondial d’alerte rapide sur le changement climatique. Photo fournie par NASA Earth Observatory (Copyright 2008 fruchtzwerg’s world sur flickr)

Le Congrès n’a prévu aucun financement pour le DMSP dans son projet de loi d’ensemble pour l’année fiscale 2016. Il a également refusé les 120 millions de dollars nécessaires au lancement de F-20 vers 2018, mettant de fait fin au programme. D’après M. Gallaher, personne au sein de la législature américaine n’a souhaité lui venir en aide.

« Nous avons dépensé 500 millions qui auraient pu être utilisés pour le renforcement de la sécurité intérieure. Au lieu de cela, [le satellite] va finir à la poubelle. Je suppose qu’ils vont en faire des lames de rasoir, » a souligné M. Rogers.

En novembre dernier, le gouvernement a entamé le démantèlement du satellite, d’une valeur de 518 millions de dollars, et a terminé en mars, ironiquement à la même période où l’étendue glaciaire de l’Arctique atteignait un niveau historiquement bas.

« Je ne peux rien imaginer de plus stupide, » dit M. Gallagher. « Et maintenant, la NASA a un nouveau contrat pour construire un nouveau satellite à 700 millions de dollars, alors que nous en avions déjà un en réserve et prêt à décoller. »

Le bureau de Mike Rogers n’a pas souhaité offrir de commentaire.

Des alternatives inexploitables

Avec la perspective imminente d’une lacune de la couverture satellitaire américaine, on pourrait raisonnablement imaginer que les programmes internationaux prendraient le relais en tant qu’œil céleste permanent. Mais d’après M. Serreze, le problème est loin d’être aussi simple.

L’Agence d’exploration aérospatiale japonaise (Japan Aerospace Exploration Agency, ou JAXA) possède un programme de satellites connu sous le nom de Radiomètre avancé à balayage micro-ondes (Advanced Microwave Scanning Radiometer, ou AMSR). De 2002 à 2011, la NASA et le Japon géraient une mission conjointe sous la dénomination AMSR-E, mais après la fin de celle-ci, les Japonais ont procédé au lancement d’AMSR-2 en 2012, AMSR-3 étant censé rejoindre l’espace en 2022. Mais les satellites japonais utilisent des fréquences micro-ondes et une résolution spatiale différentes de la série F du DMSP.

« On ne peut pas tout à coup relier les enregistrements de AMSR-2 à ceux de la série F », explique M. Serreze. Les deux systèmes ne sont pas interchangeables.

Climatologie de la concentration en glace dans l’Arctique et l’Antarctique de 1981 à 2010, indiquant une approximation des niveaux saisonniers minimum et maximum globaux, sur la base de données issues de satellites à micro-ondes passives. NSIDC, Université du Colorado, Boulder

Walt Meier, chercheur au Laboratoire de sciences de la cryosphère du Centre de vol spatial Goddard, à la NASA, s’est appuyé sur les données satellites du DMSP depuis plus de vingt ans pour sa recherche par télédétection, analysant les changements de la couverture glaciaire de l’Arctique et les données climatiques de la banquise. « Chaque satellite est légèrement différent, » explique-t-il. « Il y a des différences de fabrication, les orbites sont légèrement différentes, et les calibrations de bord sont légèrement différentes. Même pour la série F, de petits ajustements sont nécessaires pour maintenir les données sur la banquise aussi uniformes que possible, en se servant généralement d’un chevauchement entre les capteurs. »

Mais AMSR est très différent. « S’y adapter demanderait beaucoup d’efforts. C’est comme si vous aviez un bon appareil photo et que vous faisiez une longue série de time-lapses, et tout à coup, après quelques années, vous changez d’objectif, d’ouverture et d’exposition. Les photos ne collent pas. Cela rend [les données] inutilisables. C’est à cela qu’on a affaire. »

M. Meier s’inquiète également de l’âge d’AMSR-2, qui va atteindre son échéance de cinq ans cette année.

La Chine et la Russie possèdent également des programmes satellitaires, mais les scientifiques évoquent des problèmes de qualité des données et d’accès à celles-ci, et doutent de la praticabilité de leur utilisation, s’interrogeant sur la fiabilité et le délai de réception de ces informations.

Un retard important fragiliserait l’un des fondements de programmes tels que l’Arctic Sea Ice News and Analysis du NSIDC, qui fournit actuellement des comptes rendus journaliers.

Sans ambages, l’interruption de l’enregistrement par satellite ne pourra probablement jamais être rattrapée, rendant l’analyse scientifique des futures transformations de la banquise causées par le changement climatique, ainsi que les prévisions les concernant, bien plus incertaines.

« Il n’y a aucun moyen de s’en sortir, » estime M. Gallaher. L’enregistrement de l’évolution de la banquise court un réel danger. Sur ce coup, la NASA a été prise au dépourvu. Ils pensaient avoir F-19 et F-20 à disposition. Mais cela prend dix ans de fabriquer un satellite depuis sa conception. Il est impossible que la NASA réagisse assez rapidement pour régler le problème. »

Une image de la mission embarquée ICESCAPE de la NASA en 2010 et 2011, qui a étudié l’évolution de la situation dans l’Arctique et son effet sur la composition chimique et les écosystèmes de l’océan. Ce printemps, la banquise arctique est très fragmentée, ce qui pourrait mener à un déclenchement rapide de la fonte des glaces, bien que l’apparition de gros nuages au-dessus de l’Arctique sur une période prolongée puisse contribuer à protéger la banquise. Photo fournie par Kathryn Hansen / NASA

La mesure de l’épaisseur de la banquise

Les satellites du DoD mesurent l’étendue de la banquise, c’est-à-dire la surface recouverte par la glace.

Bien qu’importante, cette étendue n’est pas le seul facteur critique concernant l’état de la banquise. Les scientifiques se servent également de satellites et d’avions pour mesurer son épaisseur, afin de déterminer le degré de rétrécissement de la calotte glaciaire, avec les conséquences que cela entraîne pour le climat de la planète.

La glace plus épaisse, dite pluriannuelle, met des années à s’accumuler et résiste mieux aux tempêtes ainsi qu’à la chaleur émanant à la fois d’au-dessus et d’en-dessous. Une réduction importante de l’épaisseur de la banquise peut modifier la salinité et la température de l’eau de mer, notamment dans l’Atlantique Nord, ce qui peut potentiellement avoir un impact sur les systèmes de circulation atmosphérique et océanique du monde entier. Les experts estiment qu’à terme, des changements extrêmes pourraient déclencher une redirection du Gulf Stream, entraînant une vague de froid sans précédent sur l’Europe et éventuellement le Nord-Est américain, alors même que le reste de la planète continuerait à se réchauffer.

Une observation détaillée de l’amincissement rapide de la glace permettrait de détecter l’effondrement de la calotte glaciaire de l’Arctique en avance, nous alertant ainsi de l’imminence d’abrupts changements climatiques.

Grâce aux enregistrements des satellites ICESat et de sous-marins, des chercheurs ont pu établir que l’épaisseur de la banquise a diminué d’environ 1 mètre 75 entre 1980 et 2008. D’autres programmes de suivi de la banquise ont déterminé une diminution de son volume de 4291 km³ à la fin de l’été et 1479 km³ à la fin de l’hiver entre 2003 et 2012. Aujourd’hui, le volume de la glace marine est au plus bas jamais enregistré pour cette période de l’année, ce qui présage également un minimum record de l’étendue de la banquise en septembre prochain.

À l’heure actuelle, les programmes de suivi de l’épaisseur de la banquise par satellite devraient continuer, et s’élargir : la mission CryoSat-2 de l’Agence spatiale européenne utilise des longueurs d’onde radar pour faire rebondir une impulsion sur la surface de la glace et recueillir des données sur son épaisseur. Et même si le programme ICESat de la NASA s’est terminé en 2009, Operation IceBridge a permis quant à lui de rassembler des informations sur l’épaisseur de la banquise grâce à une série de relevés aériens effectués au-dessus des pôles.

« Ces données sont précieuses, mais il ne s’agit que d’une mission aérienne, » explique Nathan Kurtz, chef de projet et chercheur principal sur la mission IceBridge, et responsable des produits de données concernant la banquise. Cet hiver, Operation IceBridge a étendu sa zone de couverture au bassin Eurasien de l’Arctique grâce à deux vols depuis l’archipel norvégien de Svalbard.

« Avec IceBridge, nous ne pouvons pas couvrir tout l’Arctique, ce n’est donc pas aussi exhaustif qu’une mission satellite, mais nous pouvons analyser les données de manière statistique et en tirer des conclusions. »

Fin 2018, la NASA prévoit de lancer ICESat-2, qui continuera à surveiller la banquise depuis l’orbite terrestre grâce à un instrument laser permettant de mesurer son épaisseur au pouce près (environ 2,5 cm).

Le Soleil couchant éclaire la glace en crêpes de l’océan Arctique. Le futur de la calotte glaciaire est très incertain, tout comme le sera la capacité des chercheurs à suivre ses transformations lorsque les derniers satellites DMSP tomberont en panne. Photo par Andy Mahoney / NSIDC

De potentielles réductions budgétaires pour les satellites par l’administration Trump

Ces opérations, prévues ou déjà en cours, donnent une lueur d’espoir à de nombreux climatologues et météorologues qui scrutent actuellement la proposition de budget de l’administration Trump pour 2018, publiée mardi.

Les satellites météorologiques et les programmes d’étude du changement climatique sont tous deux visés par des coupes budgétaires sous le président Trump, comprenant notamment un budget réduit pour les deux prochains satellites en orbite polaire de la NOAA. Le satellite PACE de la NASA, dont le lancement était prévu pour 2022 dans le but de surveiller la pollution de l’atmosphère et des océans, devrait être supprimé. Idem pour l’Orbiting Carbon Observatory 3 qui mesure le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

« Ces satellites n’ont pas été identifiés comme des missions prioritaires de la NASA dans l’étude décennale sur les sciences de la Terre, qui reflète les positions consensuelles de la communauté scientifique concernant les priorités en matière d’étude spatiale des sciences de la Terre, » peut-on lire dans le projet de budget.

L’un des programmes jusqu’à présent épargnés par la hache fiscale de l’administration Trump est Landsat 9, qui effectue un suivi de la déforestation, de la récession glaciaire et d’autres éléments afin de déterminer les répercussions du changement climatique sur la planète. Landsat est cogéré par le Service géologique des États-Unis (USGS) et par la NASA, et recueille des images depuis 1972, faisant de lui le plus ancien programme d’imagerie par satellite de l’histoire.

« L’orientation initiale de la proposition de budget « maigre » du président pour la NASA était formulée de manière spécifique à affecter trois missions : DISCVR, PACE et CLARREO, » explique Douglas Morton, physicien à la NASA spécialisé dans la détection à distance en matière de sciences de la Terre. « Ces missions se concentrent spécifiquement sur la qualité de l’air et le climat… Nous attendons pour l’instant les directives financières du Congrès, puisque les autorisations budgétaires peuvent être différentes des recommandations du président. »

Étant donné qu’à l’origine, les satellites DMSP ont été construits sous l’égide du Département de la Défense afin d’étudier les systèmes météorologiques de l’Arctique pour protéger les opérations militaires (comprenant notamment une analyse quotidienne des itinéraires de vol des aéronefs et des conditions météorologiques), cette application pourrait potentiellement offrir une certaine protection budgétaire aux futurs programmes de surveillance, puisque Trump souhaite augmenter les dépenses militaires tout en taillant à la machette certains programmes d’étude du changement climatique bien définis, qui relèvent de la NASA et de la NOAA.

Mais même dans le meilleur des cas, si le Congrès décidait soudainement d’allouer des fonds pour pallier au défaut imminent de couverture satellitaire de la banquise, cet argent ne changerait pas grand-chose, puisqu’il faudrait des années pour construire, configurer et procéder au lancement des satellites.

Un découvert satellitaire est inévitable, et le monde entier pâtira du manque de suivi du déclin de l’étendue glaciaire à une époque où l’Arctique devient de plus en plus instable. La responsabilité de cette lacune de données repose sur un Congrès américain dominé par les négationnistes du changement climatique du Parti républicain.

« La valeur d’un suivi des données uniforme sur le long terme est inestimable, » soutient M. Gallaher. « Il ne s’agit pas d’un exercice académique ésotérique. Cela nous permet de déterminer comment se porte la planète. Si nous devenons aveugles, si nous essayons de le calculer de n’importe quelle autre manière, nous pourrions facilement avoir un décalage de quelques pourcents [de la précision de la mesure de la couverture glaciaire]. Imaginons que nous atteignons le minimum de couverture de glace marine pour l’année 2021, et que nous voulions le comparer avec l’année 2017, nous n’en saurons rien. Il n’y aura aucun moyen de le faire.

Ce manque de suivi scientifique permanent de la banquise, à un moment critique dans l’histoire de notre climat mondial, pourrait rendre l’évolution future du changement climatique, à l’échelle de l’Arctique et du monde, plus difficile à modéliser et à prévoir, ce qui pourrait entraîner des surprises météorologiques et climatiques soudaines, inattendues et dangereuses.

La glace de mer hivernale devient de plus en plus mince et fragmentée au fil des décennies. Malheureusement pour l’humanité et les écosystèmes de la planète, ce qui commence dans l’Arctique ne reste pas dans l’Arctique. La fonte de la banquise a des répercussions considérables sur les systèmes météorologiques du monde entier. Photo par odwalker sur Flickr
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