Nouvelles de l'environnement

République du Congo : vers la conservation des forêts

  • Une forte couverture forestière et un faible taux de déforestation annuel, se situant à un peu plus de 0,05 %, ont conduit le Congo à être nommé en tant que pays prioritaire par le programme REDD+.
  • Le pays dispose de nombreuses zones protégées et a signé des accords certifiant que son industrie du bois est durable et légale.
  • Les plus sceptiques avertissent que davantage doit être fait pour lutter contre la corruption et protéger les forêts du pays, dont le tiers reste relativement intact.

En apparence, le Congo semble avancer à la fois vers la conservation de l’environnement et le développement économique. Mais la transformation en une économie émergente s’accompagne de répercussions négatives, en particulier pour ce qui est de la conservation et des forêts du pays.

La forte couverture forestière et le faible taux de déforestation annuel du Congo, se situant à un peu plus de 0,05 % selon CAFI (Initiative pour la Forêt d’Afrique Centrale), ont mené à la désignation du pays en tant que pays prioritaire par le programme REDD+ de l’ONU. REDD+, dont le sigle désigne « Réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts […] dans les pays en développement », gère le financement dédié au développement et à la conservation des forêts qui est destiné aux économies émergentes et à faibles ressources.

Le Congo est l’un des six pays de la région qui bénéficieront via CAFI des 47 millions de dollars fournis par la Norvège et plusieurs autres pays de l’Union européenne pour lutter contre la déforestation. En février 2016, le conseil d’administration du CAFI a approuvé une subvention préparatoire de 698 000 dollars pour le Congo afin de lancer les préparations sur la manière dont les fonds à venir seront alloués.

Un éléphant de forêt d’Afrique (Loxodonta cyclotis) et un gorille des plaines occidentales dans le parc national de Nouabalé-Ndoki au Congo. Photo de Cristian Samper ©WCS

Lors de la conférence sur le climat de l’ONU en novembre dernier à Marrakech, le Congo a également signé un accord, tout comme six autres pays africains, à se diriger vers une production d’huile de palme durable. Comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays, le développement à grande échelle de l’exploitation et la production de caoutchouc et d’huile de palme peut mener à la perte de forêts. Les dirigeants du pays ont également encouragé les investissements étrangers de compagnies pétrolières, de gaz et minières pour soutenir le pays. Selon l’Atlas forestier de la République du Congo de l’Institut des ressources mondiales, ces types de développement, mais aussi l’expansion agricole des petits exploitants dans les forêts, sont des causes importantes de déforestation.

En outre, le spectre omniprésent de la construction de routes servant à relier ces activités économiques aux marchés et qui peut déboucher sur la création de nouveaux sites d’exploitation agricole, de déboisement et de chasse, se propage rapidement au Congo.

Néanmoins, le pays a été loué pour son engagement pour les zones protégées. On peut citer notamment son implication dans la gestion de Trinational de la Sangha, un groupe de parcs nationaux couvrant à la fois le Congo, le Cameroun et la République centrafricaine et faisant partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Trinational de la Sangha est un havre pour les éléphants de forêts d’Afrique (Loxodonta cyclotis), les buffles de forêt (Syncerus caffer nanus) et les gorilles des plaines occidentales (Gorilla gorilla).

À bien des égards, les dirigeants du Congo semblent engagés, à court et long terme, dans la préservation du bois en tant que ressource économique. Ils ont signé en 2013 un accord volontaire de partenariat the FLEGT avec l’Union européenne ; une avancée considérable pour assurer une récolte légale du bois. Mais les experts affirment que les progrès menés pour une industrie du bois durable ont commencé il y a près de 20 ans.

Des travailleurs et la Wildlife Conservation Society (WCS) participent à une étude sur les feux de forêts dans la réserve de Lefini. Photo © Lucie Escouflaire/WCS

Certification

Démarche nouvelle, le gouvernement a signé en 2000 un nouveau code forestier basé sur les principes d’une gestion durable des forêts qui inclut l’obligation pour les entreprises de disposer de plans de gestion. Ces plans de gestion sont un élément clé pour la certification Forest Stewardship Council (FSC), qui exige des entreprises qu’elles adhèrent à dix principes visant à protéger les communautés indigènes, à assurer le partage des bénéfices sociaux et économiques et à conserver les forêts à haute valeur de conservation.

L’objectif de cette certification est de s’assurer que les entreprises récoltent du bois de manière durable, affirme Mathieu Auger-Schwartzenberg, coordonnateur sous régional FSC pour le bassin du Congo. Ce qui signifie que les auditeurs du FSC s’attachent particulièrement à vérifier que les plans de gestion qui planifient les récoltes ont été établis correctement, déclare-t-il.

« Les auditeurs sont stricts en ce qui concerne la vérification de la conformité à ces exigences », ajoute Auger-Schwartzenberg.

L’association du Congo avec le FSC s’est renforcée, comme en témoigne l’accord de coopération signé en juin 2015. Aujourd’hui, la majeure partie des forêts certifiées se concentre au nord du pays, avec environ 2,5 millions d’hectares de forêts certifiées, soit une superficie supérieure à celle du Salvador.

L’une des stratégies qui permet de gérer les entreprises forestières de façon durable au Congo est la coupe sélective, qui est largement pratiquée par les entreprises forestières certifiées FSC ainsi qu’au nord du Congo, déclare David Morgan, primatologue. Morgan travaille avec les responsables du projet Goualougo Triangle Ape Project et le Lincoln Park Zoo à Chicago et étudie les primates au Congo depuis près de 20 ans.

Cette pratique consiste à ne récolter qu’un nombre réduit d’arbres par hectare plutôt que d’abattre une forêt entière. La terre est ensuite laissée en jachère, afin qu’elle puisse se régénérer avec le temps. Du moins, pour ce qui est de la théorie.

Mais d’après Sam Lawson, chercheur chez Earthsight, un organisme qui enquête sur les crimes environnementaux, « il s’agit là d’une théorie contestable. La réalité sur ce type de récolte du bois est différente sous les tropiques ».

Il ajoute que « [la coupe sélective] n’est qu’une partie d’une progression inévitable vers davantage de déforestation, dégradation et conversion », le tout dans le but de créer, par exemple, des plantations de palmiers à huile.

Selon Global Forest Watch, si environ un tiers des forêts est relativement intacte, ou « primaire », au Congo, les forêts restantes ont repoussé après avoir été rasées. Même aujourd’hui, en dépit de la coupe sélective, on ne sait pas ce qu’amèneront des récoltes répétées pour l’avenir du pays, affirme Morgan.

« Ce qui m’inquiète vraiment, c’est que passé trois cycles de récolte de bois, dans 90 ans, les entreprises vont revenir et déclarer “Eh bien, il ne reste plus de bois ici ” », explique-t-il, ajoutant que laisser les forêts repousser naturellement n’est pas suffisant. « Nous devons réfléchir à des projets de reforestation. »

Les forêts du Congo représentent des habitats essentiels pour le gorille des plaintes occidentales (Gorilla gorilla gorilla), classé « Espèce en danger de disparition » par l’IUCN. Photo de Cristian Samper ©WCS

Protection des habitats

Nous commençons tout juste à comprendre la façon dont les changements de l’environnement, y compris ceux dus à la coupe sélective, peuvent affecter les animaux et les plantes qui dépendent des habitats forestiers.

« La dégradation a certainement plus d’impact que nous n’en avons conscience parce que personne n’y prête attention », affirme-t-il. De plus, ces impacts varient selon les espèces animales et végétales.

Par exemple, même s’il est classé « Espèce en danger de disparition » par l’IUCN, il soupçonne le gorille des plaines occidentales de mieux s’en sortir dans la région, car il est moins pointilleux pour ce qui est de l’habitat que le chimpanzé (Pan troglodytes), qui lui est classé « En danger » par l’IUCN. Les forêts au nord du pays sont des habitats cruciaux pour ces deux espèces.

De façon similaire, affirme Morgan, obtenir une vision plus large de ce qui se passe est difficile, en particulier lorsqu’une même zone de forêt est exploitée plusieurs fois. Contrairement à la coupe à blanc qui est se repère facilement sur les images satellites, la coupe sélective a des impacts plus insidieux qui sont plus difficiles à mesurer, ajoute ce dernier.

Plus sophistiqués, les outils de cartographie satellites sont capables de faire la distinction entre ces différents impacts, mais l’utilisation d’appareils de pointe pour le bassin congolais par les scientifiques est tout récente. Selon Greenpeace, on y trouve plus de 200 millions d’hectares de forêt tropicale (la deuxième plus grande après la forêt amazonienne) qui abritent 39 espèces mammifères qui n’existent que dans la région, 10 000 espèces de plantes et capturent 8 % des rejets de carbone du monde.

Les conséquences de cycles de coupe répétés ne se limitent pas à la biodiversité : l’économie en souffre également.

Les chimpanzés menacés (Pan troglodytes) habitent également dans les forêts au nord du Congo. Les primatologues estiment qu’ils pourraient mal s’adapter à des pratiques telles que la coupe sélective. Photo de Rhett A. Butler

Selon Auger-Schwartzenberg, le FSC s’efforce de s’assurer que les bénéfices économiques de la production de bois au Congo ne vont pas qu’aux entreprises et que les discussions sur la conservation incluent leur point de vue.

« Il est crucial d’intégrer les communautés locales et les peuples indigènes au débat pour que la protection d’un paysage forestier intact soit totale et bien structurée », déclare Auger-Schwartzenberg.

Pourtant, un rapport publié en avril 2016 par Rainforest Foundation UK soutient que dans le bassin du Congo, donc notamment au Congo, ces communautés ne sont pas prises en considération dans les actions menées pour la conservation.

Plus de transparence

Même la création de zones protégées au Congo, qui lui a valu des éloges, n’est pas ce qu’elle semble être. En août 2016, le gouvernement a délivré des permis d’exploration et d’extraction minières pour des zones qui chevauchent le parc national d’Odzala-Kokoua, une réserve naturelle située dans le nord qui abrite des forêts et des savanes.
Selon les autorités, ces permis ont été délivrés d’après l’étude de cartes obsolètes. Mais d’aucuns affirment que la délivrance de ces permis n’est que l’une des nombreuses autres décisions contestables prises par les hommes politiques congolais laissant penser que la conservation de l’environnement n’était pas leur préoccupation principale.

Simon Counsell, directeur général de Rainforest Foundation UK, affirme que la délivrance de ces permis d’exploitation de mines pourrait ouvrir la voie à « une approche cynique visant à exploiter au maximum les bénéfices de la protection des forêts tout en autorisant et encourageant les investissements dans ces autres activités »

« Ils essaient d’avoir le beurre et l’argent du beurre », déclare Counsell.

Pour Lawson, ces problèmes indiquent « une corruption profondément ancrée dans les plus hautes sphères du pouvoir ».

Il évoque la plantation d’Atama, où une entreprise malaysienne a déboisé certaines zones d’une future plantation de palme à huile de 500 000 hectares et aurait vendu le bois provenant de cette conversion de terres en exploitations agricoles, ce qui est illégal selon la loi congolaise. Lawson, auteur du rapport Forest Trend de 2014 sur le déboisement illégal de bois provenant de la conversion de forêts en terrains agricoles, déclare que la plantation d’Atama « donne l’impression que quelqu’un a tiré un coup de feu dans la forêt congolaise » sur une carte satellite.

La vallée de Lefini au Congo. Photo ©Lucie Escouflaire/WCS

Il a appelé à plus de transparence sur la façon dont le gouvernement congolais délivre les permis pour l’exploitation des mines et du bois et pour les autres activités d’extraction, et a déclaré que les donateurs au programme REDD+ ainsi que les mécanismes de certification pouvaient jouer un rôle.

« La transparence est un remède contre la corruption », déclare Lawson. « Si par exemple les donateurs prenaient fermement position pour plus de transparence et qu’ils en faisaient une priorité, ce serait un pas dans la bonne direction ».

Il reconnaît que faire arrêter tout financement tant que les problèmes ne seront pas résolus pourrait être « trop demander » à des organismes qui tentent d’améliorer la gestion des forêts.

« Je ne pense pas que s’attaquer au problème de la corruption dans le secteur forestier permettra de mettre fin à la corruption dans tout le pays en une nuit », affirme Lawson. Mais, ajoute-t-il, les organes de régulation pourraient agir davantage.

Un incendie a récemment détruit 15 000 hectares de forêts au nord du Congo, dont une partie importante était la propriété d’une concession certifiée FSC, gérée par l’Industrie Forestière d’Ousso, filiale du fournisseur de bois autrichien Danzer. Le feu a débuté en janvier 2016 et résulterait de l’activité humaine. Auger-Schwartzenberg, de chez Danzer, a déclaré qu’une enquête était en cours. Il estime que le problème est lié à des difficultés du gestion plus vastes.

« Les pays en développement ont généralement de plus grands défis que les autres pays en ce qui concerne les mesures de conservation », ajoute-t-il.

Le Mandrill (Mandrillus sphinx) est un autre primate menacé qui habite dans les forêts du Congo. La liste de l’IUCN le classe comme étant “Vulnérable”. Photo de Rhett A. Butler

Difficultés liées à la corruption

Lawson a déclaré à de nombreuses reprises que des organismes tels que le FSC étaient prêts à fermer les yeux sur les problèmes de corruption pour se concentrer sur les solutions techniques telles que les plans de gestion de forêts qui selon eux pourraient aider à conserver les forêts.

Néanmoins, on a vu des évolutions positives en matière de conservation des forêts au Congo, en particulier pour ce qui est de l’agriculture, explique Auger-Schwartzenberg.

« Même si l’agro-déforestation continue de progresser, le rythme est moins rapide que ce que nous avions anticipé il y a quelques années », déclare Lawson, tout en précisant immédiatement qu’il s’agissait là de la conséquence de la baisse des prix de l’huile de palme plutôt que de celle de l’action des ONG ou du gouvernement.

Si les prix venaient à augmenter, ou si une pression accrue sur les entreprises d’huile de palme en Indonésie incitaient ces dernières à rechercher de nouvelles forêts pour y développer des plantations, cela pourrait provoquer une incitation à déboiser plus de forêts dans des pays qui possèdent de grandes surfaces de forêts comme le Congo.

Mais David Morgan y voit une opportunité. Avec ses millions d’hectares de forêts, le Congo pourrait apprendre des erreurs faites dans d’autres pays, affirme-t-il, comme en Asie du Sud-Est ou en Afrique de l’Ouest où de forts investissements dans les activités agricoles ont rasé des forêts entières de la carte.

« Nous ne voulons pas continuer à faire les mêmes erreurs », ajoute-t-il, « mais cela va exiger d’énormes efforts pour ne pas perdre ces zones cruciales ».

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