Nouvelles de l'environnement

Le trafic de crânes et de membres met en péril l’avenir des grands singes du Cameroun

  • Ces dernières années, les primatologues du Cameroun ont été encouragés par les découvertes de nouvelles populations de grands singes disséminées sur l'ensemble du territoire. Malheureusement, la déforestation et les activités humaines font chuter rapidement le nombre de ces gorilles et chimpanzés.
  • Si les gorilles et les chimpanzés du Cameroun sont depuis longtemps victimes du commerce de viande de brousse, ils font aujourd'hui l'objet d'une chasse intensive visant à alimenter un trafic national et international de crânes et d'autres sous-produits. Ceux-ci sont ensuite exportés vers le Nigeria et d'autres pays du littoral ouest-africain, mais surtout vers les États-Unis et la Chine, où ils servent de trophées ou à la préparation de remèdes traditionnels.
  • Le trafic de grands singes au Cameroun commence à ressembler à celui de l'ivoire, puisque des réseaux internationaux financent les chasseurs en leur fournissant des motos et des armes sophistiquées. Ce trafic est en outre facilité par un vaste réseau de chemins d'exploitation forestière et agroindustrielle et une frontière poreuse entre le Nigeria et le Cameroun.
  • La gravité de ce braconnage nous frappe plus particulièrement si l'on considère qu’en 2015, sur une période de quatre mois, les brigades camerounaises de lutte contre le braconnage et le commerce illégal ont arrêté 22 trafiquants et saisi 16 membres de grands singes, 24 têtes de gorilles et 34 crânes de chimpanzés au cours de diverses opérations menées à travers le pays. Les autorités ne parviendraient à stopper que 10 % du trafic.
Gorilla heads and limbs found with suspected traffickers in Abong Bang, a town in the Center region of Cameroon. Photo courtesy of LAGA
Têtes et membres de gorilles découverts chez des trafiquants présumés à Abong Bang, une localité de la région du Centre du Cameroun. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

Depuis plus de dix ans, des nids, des empreintes et des excréments permettent aux primatologues de découvrir de nouvelles populations de singes dans la portion camerounaise du bassin du Congo. En 2002, des chercheurs ont découvert près de 100 gorilles des plaines occidentales dans la forêt d’Ebo, située dans la région du Littoral. En 2011, les scientifiques ont repéré entre 300 et 500 gorilles supplémentaires dans le parc national de Deng Deng, au nord du Cameroun.

Parallèlement, l’ERUDEF (Fondation pour l’environnement et le développement rural) déclarait que « la population de grands singes des forêts d’altitude de Lebialem était potentiellement en hausse » après que les chercheurs de cette ONG camerounaise y ont constaté « une augmentation importante du nombre de signes de la présence de grands singes ».

Les nouvelles sont également plutôt bonnes pour les chimpanzés. Le chercheur Martin Mikes, qui a consacré toute sa vie à la conservation dans la forêt de montagne de Kedjom Keku, pense avoir découvert une toute nouvelle population de chimpanzés du Nigeria/Cameroun (Pan troglodytes ellioti) et peut le prouver grâce à une vidéo des échantillons d’excréments et des photos de nids suspendus. (D’après les scientifiques, il ne resterait plus que 6 000 représentants de cette sous-espèce rare.)

À l’échelle régionale comme locale, ces découvertes sont encourageantes pour les grands singes du Cameroun, dont le nombre est depuis longtemps en déclin. À titre d’exemple, en 2008, le World Wildlife Fund estimait à 851 le nombre total de gorilles et de chimpanzés du parc national de Campo Ma’an, au sud du Cameroun. Cette estimation a toutefois été revue à la hausse en 2011 pour dépasser les 2 320 spécimens.

« Nous sommes optimistes quant à l’avenir des gorilles au Cameroun » déclarait avec enthousiasme un journaliste de Live Science en 2011 suite aux découvertes de grands singes dans le parc national de Deng Deng.

Mais derrière ce constat encourageant se cache une sombre réalité. Alors même que des scientifiques découvrent de nouvelles populations de grands singes, la chasse illégale et la disparition des habitats exercent d’immenses pressions sur les singes du Cameroun et des pays voisins du bassin du Congo. Les enquêteurs spécialisés dans la protection des espèces sauvages s’alarment plus particulièrement du nombre croissant (bien que très incertain) de gorilles et de chimpanzés morts et vivants vendus tous les ans par l’intermédiaire de réseaux régionaux et mondiaux de trafic d’espèces.

A park ranger in eastern Cameroon displays the head of a gorilla seized from poachers just hours after it was shot and dismembered in the locality of Lomie. Photo courtesy of LAGA
Une garde forestière de l’est du Cameroun expose la tête d’un gorille saisie à des braconniers quelques heures après qu’il a été abattu et démembré dans la localité de Lomié. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

Un commerce de crânes et de membres en pleine expansion

Depuis des décennies, les défenseurs de l’environnement considèrent que ce qui motive principalement le trafic des grands singes dans le bassin du Congo est la forte demande en viande de brousse d’Afrique centrale et de l’ouest. « Le marché de la viande de brousse est très vaste et en plein essor », souligne James Fawoh de l’association Ape Action Africa.

Mais c’est le commerce de parties du corps, notamment les têtes, crânes et membres de gorilles et de chimpanzés, qui apparaît aujourd’hui comme la menace la plus récente et la plus importante pour les populations de grands singes du Cameroun, explique Eric Kaba Tah, directeur adjoint et responsable de la communication de la Last Great Apes Organization (LAGA), une ONG qui assiste les autorités camerounaises dans l’application des lois relatives à la protection des espèces sauvages.

On trouve des preuves de la forte croissance du trafic de membres de singes sur l’ensemble du territoire.

Des trafiquants sont arrêtés « tous les mois » partout où l’on trouve des grands singes, c’est-à-dire dans les forêts montagneuses et les plaines de l’ouest, du sud, de l’est et du nord du pays. Sur une période de quatre mois en 2015, les brigades de lutte contre le braconnage et le commerce illégal ont appréhendé 22 trafiquants et saisi 16 membres de grands singes, 24 têtes de gorilles et 34 crânes de chimpanzés au cours de diverses opérations menées dans l’ensemble du pays.

Suspected traffickers pose with dozens of gorilla skulls after the arrest of traffickers in Bertua, eastern Cameroon. Photo courtesy of LAGA
Des trafiquants présumés posent avec une dizaine de crânes de gorilles après l’arrestation de trafiquants à Bertoua, dans l’est du Cameroun. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

On ne sait pas exactement si le trafic de pieds et de mains est une pratique nouvelle, explique Tah, ou si elle était simplement moins pratiquée autrefois, mais elle a pris aujourd’hui une ampleur inédite. Ce n’est qu’au cours des quatre ou cinq dernières années que les autorités en ont eu connaissance. Jour après jour, les défenseurs de l’environnement constatent que le trafic de membres de singes ne cesse d’augmenter. Ils commencent donc à mieux comprendre l’organisation complexe qui le sous-tend et le marché noir qu’il alimente.

Les services de police n’ignorent pas que le trafic de membres de grands singes a des ramifications qui s’étendent au-delà des frontières nationales et continentales. Les braconniers, qui opèrent sur l’ensemble du territoire camerounais, constituent les premiers maillons de cette chaîne. Viennent ensuite de multiples intermédiaires qui assurent le traitement et l’acheminement des différents membres prélevés sur les singes. Le Nigeria et tout le littoral ouest-africain sont suspectés d’être à la fois des destinations et d’importantes plates-formes de ce trafic de sous-produits animaux. Les États-Unis et la Chine sont les principaux pays de destination de ce trafic.

Des trafiquants appréhendés ont appris aux enquêteurs que les crânes de singes sont considérés comme des trophées dans les pays occidentaux, en particulier aux États-Unis. Les brigades de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages ont également découvert des mâchoires et d’autres parties du corps destinées à l’exportation. La plupart des contrebandiers les font passer par le Nigeria, dont la frontière avec le Cameroun est longue et poreuse.

La demande en membres de grands singes au Cameroun et dans les pays du littoral ouest-africain s’explique principalement par la croyance que leurs os et tissus possèdent des propriétés médicinales, voire magiques. Aux environs du parc national de Campo Ma’an, au sud du Cameroun, les villageois font depuis longtemps bouillir les os des gorilles et en tirent un liquide qu’ils font boire aux bébés, au prétexte qu’il rendrait leurs os plus solides.

Primate limbs confiscated in Yaounde, Cameroon's capitol. Photo courtesy of LAGA
Mains et pieds de primates confisqués à Yaoundé, la capitale du Cameroun. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

Dans les régions nord et nord-ouest du pays, on se sert des membres de grands singes pour soigner les fractures et diverses affections osseuses. Les thérapeutes traditionnels chinois relancent aujourd’hui la demande en os de grands singes et en autres parties d’animaux sauvages, explique Fawoh, qui a participé à plusieurs études et projets dédiés à la protection des animaux sauvages au parc national de Campo Ma’an.

« La demande en viande de brousse pèse déjà dangereusement sur la survie des gorilles et des chimpanzés », souligne Pamela Ghaife, une défenseure de l’environnement vivant à Yaoundé, la capitale camerounaise. « Mais à cela s’ajoute désormais cette demande en crânes, en os et en autres parties du corps qui ne peut qu’accélérer le taux d’extinction. C’est une évolution terrifiante. »

Un trafic organisé et bien financé

Les braconniers qui sévissent au Cameroun ne sont plus de simples chasseurs de la région cherchant à se faire de l’argent rapidement en vendant de la viande de brousse sur un marché local. On a de plus en plus affaire à des gangs bien armés et bien connectés qui connaissent mieux les forêts denses que les gardes forestiers et les forces de sécurité.

Au cours des dernières années, la spectaculaire augmentation du nombre de motos importées de Chine par le Cameroun a permis aux trafiquants de se déplacer facilement sur des chemins forestiers accidentés et non surveillés pour chasser les grands singes et transporter leurs membres hors du pays sans se faire repérer.

A baby gorilla rescued from traffickers in October 2010 in Cameroon’s Center region. Photo courtesy of LAGA
Un bébé gorille sauvé des mains des trafiquants dans la région du Centre au Cameroun. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

De plus, les opérations forestières, qu’elles soient légales ou non, et les concessions agroindustrielles facilitent involontairement le trafic en élargissant le réseau de chemins forestiers que peuvent emprunter les motos.

Nous avons par ailleurs la preuve que des trafiquants internationaux bien financés paient pour armer des braconniers de la région et leur fournissent des motos et des moteurs hors-bord pour équiper des pirogues en bois. Le perfectionnement croissant de ce trafic meurtrier n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé récemment en Afrique avec le trafic d’ivoire.

« Nous avons une meilleure compréhension de l’ampleur du problème et de la menace qu’il représente », explique Tah. « Il ne cesse d’augmenter. C’est inquiétant. »

Un singe, deux singes… recenser les grands singes à l’état sauvage

Les populations de grands singes du Cameroun sont difficiles à localiser et il n’en existe, à l’heure actuelle, aucun inventaire précis. Les estimations scientifiques se basent sur des déductions indirectes et sont souvent limitées à certaines sous-espèces (comme le gorille de la rivière Cross) ou à des territoires sur lesquels les scientifiques et les défenseurs de l’environnement ont travaillé de manière approfondie, comme le parc national de Camp Ma’an.

Les chercheurs pensent néanmoins que, dans certains endroits, le nombre de grands singes est passé de plusieurs dizaines de milliers d’individus à quelques centaines à peine suite à des décennies de braconnage et à la destruction d’habitats causée par l’exploitation forestière et l’aménagement de champs et d’habitations. Par endroits, il ne resterait plus qu’une dizaine d’individus et nul ne peut affirmer avec certitude si, et où, des actes de braconnage y ont été perpétrés.

Unless the trafficking of gorillas and chimpanzees can be controlled, these primates will soon be lost from the forests of Cameroon. Photo by MCAMERFİLS licensed under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license
Si l’on ne parvient pas à contrôler le trafic de gorilles et de chimpanzés, ces primates auront bientôt disparu des forêts camerounaises. Photo de MCAMERFİLS sous licence Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International de Creative Commons

L’Africa Conservation Society (ACS) laisse une décennie à peine aux 250 à 300 gorilles de la rivière Cross, une espèce en danger critique d’extinction confinée aujourd’hui à de minuscules parcelles de forêts d’altitude bordant la frontière entre le Nigeria et le Cameroun, avant de disparaître complètement à l’état sauvage.

Ghaife explique que, tant dans les régions protégées que dans celles qui ne le sont pas, il est de plus en plus difficile de localiser les grands singes, et les scientifiques se basent aujourd’hui presque exclusivement sur les « traces de vie », comme les nids et les excréments, pour étudier ces populations. « La plupart des estimations de population sont largement exagérées et doivent être corrigées. »

Mais, quels que soient les chiffres réels, les défenseurs de l’environnement savent que si aucune mesure n’est prise pour réduire drastiquement le trafic et la déforestation, la plupart des gorilles et des chimpanzés que compte encore le Cameroun pourraient disparaître en quelques décennies.

Trois singes, quatre singes… recenser les singes victimes du trafic

Si l’estimation du nombre de grands singes vivant encore à l’état sauvage au Cameroun n’est pas tâche aisée, il est encore plus difficile d’obtenir des chiffres fiables sur le nombre d’individus victimes du trafic de parties du corps. Les enquêtes menées avec l’appui de la LAGA ont probablement permis d’obtenir les données les plus fiables sur l’ampleur de ce phénomène.

Rien que ces deux dernières années, l’organisation déclare avoir saisi plus de 200 crânes de singes auprès de trafiquants appréhendés. Il s’agissait pour les deux tiers de crânes de chimpanzés et pour un tiers de crânes de gorilles. Tah fait remarquer que cette différence pourrait être le reflet macabre de la taille des populations de chimpanzés vivant encore à l’état sauvage en comparaison avec celle des gorilles. Cela ne nous dit malheureusement rien sur le nombre réel de primates capturés par les trafiquants.

Brought in for questioning, a suspected trafficker holds on to the head of a freshly killed gorilla in eastern Cameroon. Photo courtesy of LAGA
Un trafiquant présumé sur le point d’être interrogé tient la tête d’un gorille récemment abattu dans l’est du Cameroun. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

Les saisies de membres de 2015-2016 ne représentent qu’une portion infime du massacre perpétré, souvent commis sous le couvert de la nuit et très souvent avec la complicité de fonctionnaires corrompus.

Selon Tah, les services de lutte pour la protection de la faune ne parviendraient à appréhender que 10 % des trafiquants. Si cela est vrai, le nombre de crânes de gorilles et de chimpanzés exportés en 2015-2016 pourrait avoir dépassé les 2 000, sans compter les animaux dont on tire de la viande de brousse ou ceux qui sont vendus vivants pour servir d’animaux de compagnie ou être enfermés dans des zoos. « La situation pourrait être en réalité bien plus grave », s’inquiète Tah.

On sait que la viande de singe constitue encore une source de protéines très prisée des citadins les plus aisés d’Afrique centrale et de l’ouest et qu’elle alimente un marché culinaire en pleine croissance auprès de touristes à la recherche de saveurs exotiques. Mais ce que les enquêteurs savent aussi, c’est que le trafic de membres a presque dépassé celui de la viande de brousse sur le marché noir et que cela modifie par conséquent la nature de la menace posée sur les populations subsistant encore à l’état sauvage.

Cette évolution est facile à comprendre, nous explique Ghaife : tout d’abord, contrairement à la viande de brousse et aux animaux vivants, les pieds et les mains sont peu volumineux, faciles à transporter et à cacher. Ils offrent également un meilleur rapport « poids/valeur », ce qui signifie que c’est un commerce qui est à la fois moins risqué et plus rentable pour les trafiquants. C’est cette même logique qui sous-tend le développement et le maintien du commerce de l’ivoire, dont les conséquences sur les populations d’éléphants et de rhinocéros sont désastreuses.

Des motivations financières

D’après les autorités, il est très difficile de calculer la valeur du commerce illégal des membres de singes. Les efforts menés ces dernières années au Cameroun et dans d’autres pays en matière de répression ont conduit les trafiquants à opérer de manière encore plus clandestine, et les enquêteurs spécialisés dans la protection des animaux sauvages sont peu disposés à révéler les sommes en jeu, par crainte de susciter l’intérêt de nouveaux trafiquants et d’alimenter encore le carnage.

Gorilla heads and limbs seized by authorities in Cameroon. Photo courtesy of LAGA
Têtes et membres de gorilles saisis par les autorités au Cameroun. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

« Une chose est certaine : ils gagnent beaucoup d’argent. Sinon, ils ne seraient pas là », explique Tah. « Si l’on se penche sur l’organisation qui encadre ce trafic, on se rend compte qu’elle est très lucrative. Les mains et les pieds des singes étaient autrefois jetés, car ils ressemblent à ceux des hommes. Ça n’est plus le cas. C’est un commerce à part entière qui se concentre sur les membres et qui n’est pas un simple dérivé du trafic de viande de brousse. »

Le trafic de crânes, de têtes et de membres est déjà considéré comme plus nuisible aux populations de singes que le commerce de viande de brousse, auquel il est étroitement associé, ou le trafic d’animaux de compagnie. Cela conduit les braconniers à tuer plus d’animaux et cela fait apparaître de nouveaux acteurs, explique Ghaife. Les braconniers spécialisés dans la viande de brousse, qui se débarrassaient autrefois des membres et des têtes de singes dans la forêt, les conservent désormais, puisque le marché des parties du corps semble être plus large que celui de la viande de singe.

« Les trafiquants sont [maintenant] plutôt bien organisés », ajoute Tah. « On assiste à une forme de professionnalisation qui n’augure rien de bon pour la conservation et pour les singes qui évoluent encore à l’état sauvage. Si rien n’est fait, le professionnalisme destructeur [des trafiquants] aura un impact aussi immense que néfaste sur ces populations ».

Des « yeux » sur le terrain

Le commerce de grands singes et de leurs sous-produits est illégal au Cameroun, ainsi que conformément à la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). Après des années de laxisme, le gouvernement central a décidé ces dix dernières années d’intensifier la lutte contre le trafic. Il a signé des accords avec des organisations de protection de la faune comme la LAGA et augmenté le nombre d’agents et de procureurs pouvant mener des enquêtes et procéder à des arrestations.

Aujourd’hui, le nombre d’arrestations stupéfie le pays et les poursuites ont notamment augmenté de 80 %. Les récits de crimes contre les espèces sauvages occupent désormais une place importante à la radio, à la télévision et dans la presse.

Une répression sévère reste essentielle pour dissuader les criminels, même si tous les crimes ne mènent pas à des arrestations, à des poursuites, à des amendes ou à des reportages, ajoute Tah. « Nous devons continuer à enquêter, engager des poursuites et faire la lumière sur ce trafic afin que le reste de la population comprenne qu’il s’agit d’une activité criminelle et dangereuse. »

Ape skulls recovered from suspected traffickers, concealed in a travelling suitcase, during a sting operation at a bus station in Yaounde in November 2015. Photo courtesy of LAGA
Crânes de singes saisis à des trafiquants présumés. Ils étaient cachés dans une valise et furent découverts lors d’une opération d’infiltration menée dans une gare routière de Yaoundé en novembre 2015. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA

Au fil des ans, les communautés ont commencé à jouer un rôle plus central dans ce processus. Même si les moyens des autorités de répression gagnent progressivement en sophistication (mobilisation d’agents infiltrés, d’informateurs…), les brigades de lutte contre le braconnage comptent encore beaucoup sur les informations fournies par la communauté. « Ce sont nos yeux sur place, ils savent avant nous ce qu’il se passe sur le terrain », explique Tah.

Il admet toutefois que les défenseurs de l’environnement et les autorités n’ont encore fait que « gratter » la surface du problème que représente la menace grandissante du braconnage et du trafic de membres. « Nous ne sommes pas au bout de nos peines », dit-il. « C’est un phénomène récent et nous continuons à enquêter afin de bien le comprendre. »

Mettre un terme au massacre des grands singes sera une course contre la montre, aussi bien au Cameroun que sur l’ensemble du continent africain, conclut Fawoh. « Si rien n’est fait, l’Afrique perdra tous ses grands singes sauvages d’ici quinze à vingt ans. »

The booming trade in primate skulls and body parts is putting the future of great apes at stake. Urgent action is needed to curb the illegal trade. Photo courtesy of LAGA
L’essor du commerce de crânes et de membres de primates met en péril l’avenir des grands singes. Des mesures urgentes doivent être prises pour juguler le commerce illégal. Photographie reproduite avec l’autorisation de la LAGA
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