Nouvelles de l'environnement

L’Asie lutte pour sauver le calao à casque rond, en danger critique d’extinction

  • Le calao à casque rond (Rhinoplax vigil) est l’une des espèces d’oiseaux de grande taille d’Asie du sud-est. Leur nombre diminue drastiquement depuis 2012 dû au commerce de l’« ivoire rouge » par des réseaux de trafiquants appartenant au milieu du crime organisé. L’« ivoire rouge » provient du casque des oiseaux, une excroissance du bec qui se vend jusqu’à 4 000 dollars le kilo.
  • Yokyok Hadiprakarsa, directeur général de l’Indonesian Hornbill Conservation Society, étudie le Rhinoplax vigil depuis 17 ans. Son intérêt portait initialement sur l’animal d’un point de vue biologique, mais après avoir assisté à la disparition de l’oiseau des forêts du pays, il est devenu un militant pour sa protection.
  • Une enquête de 2013 a révélé que dans la province du Kalimantan occidental, en Indonésie, 6 000 calaos à casque rond ont été tués pour leur ivoire rouge en seulement un an. Le casque des oiseaux est sculpté pour en faire des décorations, des bijoux et des boucles de ceinture ou est utilisé pour fabriquer des pilules aux douteuses vertus guérissantes.
  • Alors que l’espèce est protégée par la CITES et qu’elle a été déclarée en danger critique d’extinction par l’UICN, les efforts de répression contre les réseaux de trafiquants se sont soldés par un échec dans la région. Seuls des efforts redoublés de la part des pays asiatiques pourraient sauver l’espèce.
The helmeted hornbill (Rhinoplax vigil) is one of Southeast Asia’s most unique birds, with a large ivory-like casque that is used by males in head-to-head aerial combat. The scarlet-colored “red ivory” casques are highly valued by illegal traffickers. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
Le calao à casque rond (Rhinoplax vigil) est l’une des espèces les plus rares d’Asie du sud-est. Il possède un bec à casque semblable à de l’ivoire qui est utilisé par les mâles lors de combats aériens. La couleur écarlate de l’« ivoire rouge » des casques sont très prisés par les trafiquants. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS

Des cris semblables à ceux d’un gibbon se terminant par un gloussement frénétique résonnent dans la luxuriante forêt indonésienne. Ces manifestations extravagantes ne sont pas celles d’un primate, ni même d’un mammifère, mais plutôt celles d’un énorme calao à casque rond (Rhinoplax vigil) qui indique sa stature et sa position.

L’oiseau, pesant près de trois kilos, tape son bec surmonté d’un casque contre l’épaisse branche d’un arbre, « comme un boxeur frappant ses poings gantés avant un combat » selon la description donnée par un article scientifique describes En un clin d’œil, le calao s’envole, déployant ses ailes d’une envergure de presque deux mètres, pour rejoindre dans les airs l’un de ses congénères qui semble défier la gravité.

Les deux décrivent des cercles puis se dirigent droit l’un vers l’autre, avant de faire percuter leur casque dans un impressionnant spectacle aérien. La force est telle que les oiseaux se retrouvent projetés en arrière en plein vol et que le colossal choc de leur casque peut être entendu à une centaine de mètres de distance. Malgré les efforts conjoints des scientifiques, ce superbe phénomène n’a jamais pu être filmé, et il est possible qu’il ne le soit jamais.

Le commerce de l’ivoire rouge s’intensifie

Le calao à casque rond, qui est une espèce en danger critique d’extinction, n’est pas d’une beauté conventionnelle. Avec sa gorge sans plumes et son casque lourd et protubérant, il semble témoigner de l’étroite relation de parenté existant entre les dinosaures et les oiseaux. Mais cet oiseau peu gâté par la nature est très recherché et le braconnage conduit à son déclin.

A helmeted hornbill displays its casqued beak. Photo ©Muhammad Alzahri
Un calao à casque rond exhibe son bec surmonté d’un casque. Photo ©Muhammad Alzahri

Trop grand pour être adopté en tant qu’animal de compagnie, c’est la plus grande particularité du calao à casque rond, son casque robuste, qui en fait une victime du braconnage. L’ivoire est un produit convoité par les élites asiatiques. Et la demande pour cette matière pousse au massacre de centaines d’éléphants et de rhinocéros chaque année. Leurs défenses et leurs cornes, d’une grande valeur, sont sculptées pour en faire des objets décoratifs ou réduites en poudre pour fabriquer des pilules à l’efficacité douteuse utilisées en médecine traditionnelle.

Mais le bec surmonté d’un casque du calao, rouge et semblable à de l’ivoire, vaut encore plus cher et est encore plus rare, ce qui en fait un produit d’autant plus convoité.

L’ivoire rouge gagne sa couleur avec l’âge, à mesure que le calao à casque rond frotte son casque en kératine sur sa glande uropygienne. L’huile rouge brillant procure ainsi au casque sa couleur écarlate au fil des années. Les mâles utilisent leur casque rouge en tant qu’arme lors de combats casque contre casque et la robustesse du casque en fait un bon support pour la gravure. Légèrement moins rigide que l’ivoire blanc des défenses d’éléphant, elle se prête bien à la création d’ornements, de bijoux et de boucles de ceintures sophistiqués qui affichent ostensiblement le statut social de son propriétaire. L’ivoire rouge, aussi appelé « ivoire de calao », se vend à jusqu’à 4 000 dollars le kilo.

Défenseur du calao à casque

Yokyok Hadiprakarsa, directeur général de l’Indonesian Hornbill Conservation Society, étudie le Rhinoplax vigil depuis 17 ans. Le nombre de calaos à casque encore existants n’est pas connu, explique-t-il, mais ce que l’on sait, c’est que les oiseaux sont confinés dans des recoins de forêts en Indonésie, au Myanmar, au sud de la Thaïlande, sur la Malaisie péninsulaire et dans les États de Sabah et de Sarawak au nord de l’île de Bornéo.

Auparavant, Hadiprakarsa se concentrait sur la collecte de données scientifiques sur l’espèce, mais il apprend en 2012 que le trafic d’ivoire rouge connaît une recrudescence et décide alors de changer de perspective.

« Mon intuition m’a fait comprendre que les choses ne feront qu’empirer », a-t-il affirmé à Mongabay. Et il ajoute que son intuition était la bonne.

Decapitated hornbill head with attached casque, confiscated from smugglers who were trying to get the casques out of Indonesia and into China, where much of the trade in hornbill ivory is consumed. Hornbill conservationists are calling for stronger enforcement of the anti poaching laws, and want to see more convictions alongside the confiscations. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
La tête d’un calao à casque décapité, saisis à des trafiquants tentant de faire passer des casques d’Indonésie en Chine, principal consommateur d’ivoire. Les militants pour la protection du calao demandent une plus rigoureuse application des lois anti-braconnage et veulent voir plus de conviction en plus des saisies. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS

Hadiprakarsa a commencé avec des fonds limités pour surveiller les calaos à casque et leur casque en Indonésie. En 2013, une enquête poussée soutenue par le zoo de Chester a révélé que rien qu’au Kalimantan occidental, 6 000 calaos à casque ont été tués pour leur ivoire en un an.

« Les gens ont été choqués », affirme Hadiprakarsa. Mais ce dernier regrette qu’aucune action n’ait été prise par la communauté internationale pour la protection de la nature.

Dû au manque d’études scientifiques sur la taille de la population des calaos restants, il était difficile d’évaluer l’impact du braconnage sur les oiseaux, mais Hadiprakarsa s’attendait au pire. Poursuivant ses recherches, il étudie de nombreux habitats à Sumatra et Kalimantan. « Mes craintes semblaient fondées : on ne voit ou n’entend cet oiseau que rarement », explique-t-il.

Hornbill beak tips were among hundreds of animal parts seized in raids in Malaysia in August 2016. Photo ©Kanitha Krishnasamy/TRAFFIC
Les becs de calao faisaient partie des centaines de parties d’animaux saisis lors d’une descente en Malaisie en août 2016. Photo ©Kanitha Krishnasamy/TRAFFIC

Les habitants de la région qui se rendent régulièrement dans les forêts où vit le calao ont indiqué à Hadiprakarsa qu’ils n’apercevaient désormais quasiment plus l’oiseau. D’autres affirment qu’ils n’en ont pas vu depuis des années, parfois depuis 2012, lorsque la chasse a commencé à s’intensifier.

En 2015, peu après qu’Hadiprakarsa a présenté ses recherches à la communauté scientifique, le statut de conservation du calao à casque a été revu par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). L’oiseau est ainsi passé de « Quasi menacé » à « En danger critique d’extinction », recevant depuis l’attention de la communauté internationale pour la conservation.

Prise de conscience et action internationales

Reconnaissant qu’il y a un besoin urgent à agir, Dwi Adhiasto de la Wildlife Conservation Society (WCS) et Chris Shepherd de TRAFFIC en Asie du sud-est ont rejoint Hadiprakarsa et d’autres militants pour établir un groupe de travail sur le calao à caque. Leur but est de faire prendre conscience de la crise à laquelle fait face le calao et de faire accorder une plus grande priorité à sa protection aux autorités chargées de l’application de la loi.

« Ce sont des moments comme ceux-ci qui me motivent, lorsque des gens qui se sentent concernés, qui sont dévoués et impliqués se réunissent pour agir », a déclaré Shepherd, directeur régional pour l’Asie du sud-est de TRAFFIC, à Mongabay, « C’est parce qu’il existe des gens comme cela que je sais qu’il y a encore de l’espoir. »

A helmeted hornbill displays its casqued beak — coveted by traffickers. The bird pictured here is an immature male. The casqued beaks and skin cowls of adult males develop an intense scarlet color, the “red ivory” traded illegally for high prices across Southeast Asia. Photo © Doug Janson CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Un calao à casque rond présente son bec et son casque, si convoité par les trafiquants. L’oiseau ici photographié est un jeune mâle. Le bec surmonté d’un casque et la gorge des mâles adultes prennent une vive couleur rouge, celle de l’« ivoire rouge » commercialisé illégalement à des prix élevés dans toute l’Asie du sud-est. Photo © Doug Janson CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

TRAFFIC surveille actuellement les marchés de faune sauvage asiatique et recueille des informations sur le commerce de l’ivoire rouge. Ces informations ont été analysées et utilisées pour conseiller les autorités chargées de l’application de la loi des pays concernés et ont contribuées à des publications scientifiques afin d’appuyer des choix de politiques et de conservations.

« Le manque de connaissances, en particulier chez les organismes de conservation, les branches du gouvernement concernées et les autorités chargées de l’application de la loi, constitue un grand obstacle à la lutte pour la préservation de cette espèce, explique Shepherd, les réseaux de trafiquants appartenant au milieu du crime organisé ont une longueur d’avance sur les autorités chargées de l’application de la loi, et les efforts pour la conservation sont souvent bien trop insuffisants pour être efficaces. »

Le calao à casque est sur la liste de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) à l’annexe I, ce qui signifie que le commerce de spécimens capturés dans la nature est illégal chez les parties signataires.

« Malheureusement, en dépit du fait qu’ils sont signataires de la CITES certains pays d’Asie du sud ne font quasiment rien pour faire respecter la Convention, explique Shepherd, nous travaillons dur pour faire appliquer la CITES en Asie du sud-est. »

Adhiasto, directeur de l’Unité contre la criminalité faunique de WCS, enquête sur les braconniers, trafiquants et exportateurs à Sumatra y compris les provinces de Lampung, Bengkulu, Jambi, Sumatra occidental, Sumatra du Nord et Aceh. « Nous travaillons avec les gardes forestiers et la police pour mener des opérations d’infiltration et pour fournir une aide aux procureurs et juges lors des processus judiciaires », a-t-il ajouté.

Avec l’aide du groupe de travail de l’UICN, le gouvernement indonésien a procédé à l’arrestation de plus d’une vingtaine de braconniers, trafiquants et passeurs dans tout le pays. Ils risquent selon la loi indonésienne cinq ans d’emprisonnement et une amende de jusqu’à 100 millions de roupies indonésiennes (environ 7 600 euros).

Carved pendants observed for sale in Luang Prabang, Laos. Photo ©Kanitha Krishnasamy/TRAFFIC
Colliers sculptés en vente à Luang Prabang, au Laos. Photo ©Kanitha Krishnasamy/TRAFFIC

Avec la formation d’un groupe de travail si actif et d’une application renforcée de la loi, fait-on assez pour stopper le déclin du calao à casque ? Pour Shepherd, la réponse est négative.

« Pas encore », affirme Adhiasto.

« Beaucoup est fait, mais davantage de ressources sont urgemment nécessaires pour accroître nos efforts », ajoute Shepherd. Le consensus général est qu’il y a désormais une prise de conscience du trafic du calao mais que la lutte contre ce trafic n’est pas placé assez haut dans la liste des priorités des gouvernements asiatiques et des politiques de conservation.

Les trafiquants ont une longueur d’avance sur les autorités

L’ivoire rouge est désormais un commerce nouveau et florissant et, en tant que tel, ses mécanismes sont encore méconnus, tandis que les plans de lutte du gouvernement ne sont pas encore mis en œuvre.

Ce que savent les autorités est que le poids de la loi n’est pas lourd dans certaines régions d’Asie, où le commerce de l’ivoire rouge se fait au vu et au su de tous dans certains marchés. Elles savent aussi que ce commerce lucratif ne s’opère pas uniquement au niveau local. Il est perpétré par des organisations criminelles dont les trafiquants gèrent les réseaux de braconnage.

« De ce fait, les autorités chargées de l’application de la loi doivent vraiment s’attaquer à ce commerce en le considérant pour ce qu’il est, un crime grave » affirme Shepherd. Il arrive parfois, lorsque des casques sont découverts, qu’aucune poursuite ne soit engagée : les coupables sont libres de partir sans avoir été découragé et sont prêts à réessayer un autre jour.

« Les saisies ne sont pas des sanctions, souligne Shepherd, nous demandons aux pays où ce commerce a ouvertement lieu de ne pas seulement mettre fin au commerce mais également de poursuivre les coupables. » « Les portes du groupe de travail sur le calao à casque sont grandes ouvertes aux agences qui souhaiteraient travailler avec nous pour s’attaquer au problème », ajoute Shepherd.

This is a young helmeted hornbill, which can be determined by the color of its beak. Hornbill beaks become colored red with age, as oil from their preen glands builds up over time. Despite being a young bird, you can see its great size as it precariously perches on the small branches of a fig tree. Fully grown, hornbills can weigh up to three kilograms (6.6. pounds). Young hornbills are also targeted by poachers, which can be extremely detrimental to the populations. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
Voici un jeune calao à casque, identifiable grâce à la couleur de son bec. Les becs des calaos deviennent rouges avec l’âge, à mesure que l’huile des glandes uropygiennes s’accumule. Vous pouvez observer que, malgré son jeune âge, il est d’une grande taille, rendant ainsi sa position sur une petite branche de figuier précaire. Adulte, un calao peut peser jusqu’à 3 kilos. Les jeunes calaos sont également la cible des braconniers, ce qui menace fortement les populations. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS

Il y a quelques bonnes nouvelles pour les calaos à casque : les mesures de répression dans des zones de sorties majeures empruntées par les trafiquants d’animaux sauvages ont été renforcées, y compris dans les aéroports à Sumatra du Nord, Jakarta et au Kalimantan occidental, mais il existe des endroits moins surveillés dans des ports et à la frontière avec la Malaisie qui nécessitent un renforcement. Les milliers de becs saisis en Indonésie et en Chine ne représentent qu’une petite portion des pertes, mais ces saisies sont néanmoins des opportunités pour réaliser des analyses. La mesure des becs peut révéler l’âge des oiseaux capturés et les analyses ADN pourraient aider à remonter jusqu’aux lieux de braconnage des oiseaux.

Une partie du problème est inévitablement de nature financière. L’Indonésie n’a que des fonds limités pour protéger leurs forêts et leur faune. Hadiprakarsa souligne également que le gouvernement fédéral ne soutient pas suffisamment les communautés rurales pauvres, alimentant ainsi la volonté des habitants locaux à collecter de l’ivoire rouge lorsque les trafiquants offrent des prix élevés en échange.

Et pour complexifier davantage la situation, les zones protégées sont gérées et surveillées exclusivement par le gouvernement central. En résulte des patrouilles réduites dans les forêts, et les villages qui se trouvent à proximité des forêts protégées ne jouent qu’un rôle limité voire inexistant, ce qui ne leur permet pas de tirer de la fierté d’une participation aux efforts de conservation.

Ce manque d’implication des communautés aura certainement de lourdes répercussions sur l’espèce, en danger critique d’extinction. « Un faible nombre de personnes informées dans les zones clés du braconnage ne sera pas suffisant pour détecter les signes de braconnages », prévient Adhiasto.

A helmeted hornbill pair sits in the forest canopy. One hornbill shows off its great wingspan, which can measure up to two meters. Helmeted hornbills are fiercely loyal birds, pairing for life and investing great time and effort into producing, at most, one offspring per year. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
Un couple de calaos à casque dans la canopée de la forêt. L’un des deux exhibe ses impressionnantes ailes,qui peuvent mesurer jusqu’à deux mètres. Les calaos à casque sont des oiseaux extrêmement fidèles, qui forment un couple à vie et qui investissent temps et efforts pour produire, au mieux, une portée par an. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS

Apprendre à connaître le calao à casque

Un autre problème pour le calao à casque : il n’a commencé que récemment à attirer l’attention de la communauté scientifique, et l’espèce souffre d’un manque de données écologiques. Personne ne sait combien de calaos il reste dans la nature ou quelles sont les stratégies de conservation qui pourraient accroître les niveaux de reproduction des oiseaux.

Comme c’est souvent le cas pour les espèces fortement menacées, la vie du calao à casque est à la fois lente et compliquée. Prenons par exemple la reproduction. Une fois le partenaire avec lequel il restera toute sa vie choisi, une cavité adaptée pour le nid est nécessaire. Or, malgré, ou peut-être en raison de leur énorme bec, ils sont incapables de creuser un nid et doivent donc trouver un arbre avec une cavité déjà existante pour pouvoir se reproduire.

« Les oiseaux ont besoin d’une cavité spécifique avec une entrée bosselée dans un arbre », explique Hadiprakarsa. Seuls les grands arbres possèdent ce genre de caractéristiques.

Une fois la bonne cavité dans le bon arbre trouvée, le couple de calaos peut se reproduire. Mais lorsque six bons mois se sont écoulés, ce n’est pas avec une large portée que le couple émerge, mais avec un seul oisillon, résultat de tous leurs efforts.

Il n’est alors pas surprenant de voir que le calao mène un rude combat, au vu du braconnage effréné et de la déforestation qui menacent le petit habitat dans lequel l’espèce subsiste. À chaque grand arbre perdu, ses chances de se reproduire se réduisent et compte tenu de ses besoins spécifiques en matière de reproduction, les programmes de conservation qui se déroulent hors de son habitat seront difficiles à mettre en œuvre.

« Du fait de toutes ces particularités, il n’existe dans le monde aucun calao qui ait été élevé en captivité », affirme Hadiprakarsa.

Le calao à casque est sans conteste unique, mais qu’est-ce qui, en dehors de cette caractéristique, devrait nous inciter à le protéger puisque sa conservation est si difficile et probablement coûteuse ?

A helmeted hornbill feasting on the fruit of a fig tree. Figs make up around 99 percent of the hornbill’s diet, making them important seed dispersers in their home forests. Besides seeds, helmeted hornbills occasionally feed on insects and other invertebrates. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
Un calao à casque se nourrit d’une figue. Les figues constituent environ 99 % de l’alimentation du calao, qui joue un rôle majeur dans la dispersion des graines de figuier dans les forêts qu’il habite. En plus des graines, le calao à casque se nourrit occasionnellement d’insectes et autres invertébrés. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS

Les écologistes ont a la réponse : si le calao peut sembler sortir tout droit de la préhistoire, il est néanmoins une espèce majeure de l’époque actuelle. Encombré par sa longue queue et son lourd bec (qui représente jusqu’à 13 % de son poids total), le calao à casque se retrouve parfois à l’étroit dans la canopée des arbres fruitiers et se nourrit donc de figues. Cette ressource alimentaire est si importante que les figuiers peuvent être le catalyseur de concours de coups de becs, mentionnés au début de l’article.

Les recherches d’Hadiprakarsa ont révélé que le calao à casque se nourrit presque exclusivement de figues, ce fruit constituant 99 % de leur régime, à quoi sont ajoutés quelques petits invertébrés pour faire bonne mesure. Cette particularité fait de l’oiseau un acteur majeur pour la dispersion des graines de figuier dans les forêts qu’il habite, assurant le bon fonctionnement de tout l’écosystème.

S’il disparaît, prévient Hadiprakarsa, « la forêt perdra un “fermier de la forêt tropicale” qui remplit un rôle écologique crucial en dispersant des graines pour maintenir la forêt en bonne santé. »

This TRAFFIC infographic was created to educate the public about the bird’s plight. Infographic ©arienaturephotography. Helmeted hornbill photo embedded in the infographic ©Muhammad Alzahri
Cette infographie de TRAFFIC a été créée pour informer le public sur la situation désespérée de l’oiseau. Infographic ©arienaturephotography. Photo du calao à casque intégrée dans l’infographie ©Muhammad Alzahri

Le groupe de travail sur le calao à casque estime qu’il est plus que temps d’agir. Cet automne, lors de la Conférence des Parties de la CITES en Afrique du Sud, où les États signataires se sont rencontrés pour se pencher sur le futur de la convention, le groupe de travail et le gouvernement indonésien ont proposé une résolution pour demander à toutes les parties de la CITES d’agir sans tarder et de manière concrète pour stopper le commerce du calao à casque. Cette résolution a inclus une demande pour une coopération au-delà des frontières pour protéger les habitats, empêcher le braconnage et surveiller les populations.

« Une coopération internationale est absolument essentielle pour que cette espèce puisse être sauvée », conclut Shepherd.

Les parties internationales de la CITES ont accepté d’adopter la résolution, s’engageant à mener de toute urgence des actions pour la conservation du calao à casque. Les pays consommateurs d’ivoire rouge et ceux qui abritent les habitats des calaos restants ont accepté de travailler ensemble, dans l’espoir que cette collaboration sera la clé pour stopper le déclin.

Le calao à casque étant désormais sur la liste « En danger critique d’extinction » de la CITES et avec des lois en vigueur pour poursuivre en justice les coupables, ce dont il est maintenant nécessaire est une mise en œuvre solide. On espère que l’adoption de la résolution de la CITES attirera suffisamment l’attention de la communauté internationale sur le problème et qu’elle mettra assez de pression sur les gouvernements sud-asiatiques pour repenser ce qui jusqu’à aujourd’hui a été des efforts de d’application de la loi insuffisants pour garantir un futur à l’une des espèces les plus uniques du continent.

« Le fait qu’une poignée de criminels égoïstes et quelques acheteurs ignorants puisse mener à la disparition de cette espèce est inacceptable, affirme Shepherd, nous devons faire plus. Et nous avons besoin d’aide. »

Confiscated casques collected together offer a stark picture of the loss the species is suffering, but they also represent a rich opportunity for analysis. Beak measurements can reveal age and DNA profiles that could help scientists and law enforcement track the origin points of poached birds. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
Des casques qui ont été saisis offrent une idée frappante des pertes collectives que subit l’espèce, mais ils représentent également une opportunité pour réaliser des analyses scientifiques. Mesurer la taille des becs peut révéler l’âge et des profils ADN peuvent aider les défenseurs de l’environnement et les autorités à remonter jusqu’au lieu d’origine des oiseaux braconnés. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS

Citations:

Kinnaird, M. F., Hadiprakarsa, Y. Y., & Thiensongrusamee, P. (2003). Aerial jousting by helmeted hornbills Rhinoplax vigil: Observations from Indonesia and Thailand. Ibis, 145(3), 506-508.

Hadiprakarsa, Y. Y., & Kinnaird, M. F. (2004). Foraging characteristics of an assemblage of four Sumatran hornbill species. Bird Conservation International, 14(S1), S53-S62.

The recent passage of a CITES resolution between countries of origin and destination countries could bring new hope to these unique and magnificent birds. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
La récente adoption d’une résolution de la CITES entre les pays d’origine et pays de destination du trafic pourrait apporter un nouvel espoir à ces magnifiques et rares animaux. Photo © Y. Hadiprakarsa/IHCS
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