Nouvelles de l'environnement

Incertitude des scientifiques de Madagascar quant à la meilleure façon de protéger les grenouilles contre les champignons

  • Le champignon chytride – responsable du déclin de 200 espèces d’amphibiens à travers le monde – a jusqu’alors épargné Madagascar. Mais une nouvelle étude révèle que le Bd est bien présent et en train de se propager et que les ressources financières devraient être ciblées sur les moyens de l’atténuer, tandis qu’une autre étude nous dit que le mal n’a pas encore une forte emprise et que plus de contrôles devraient être effectués au niveau des frontières de Madagascar.
  • Les scientifiques et décideurs de par le monde sont confrontés à de difficiles décisions similaires en tentant de déterminer la manière d’utiliser au mieux des ressources limitées pour faire face à la soudaine émergence d’épizooties, tel que le syndrome du nez blanc qui a décimé des millions de chauve-souris en Amérique du Nord depuis son apparition en 2006.
  • Les enseignements tirés de précédentes épidémies aident les scientifiques américains et les agences fédérales à faire face au champignon Bsal en faisant appel à la coopération des responsables du commerce international des animaux de compagnie afin de mettre le pays en quarantaine et protéger les salamandres sauvages.
Hundreds of unique amphibian species are found only in Madagascar, such as the Golden Mantella (Mantella aurantiaca). Photo by Rhett A. Butler
Des centaines d’espèces uniques d’amphibiens se trouvent exclusivement à Madagascar, comme la rainette dorée (Mantella aurantiaca). Photo de Rhett A. Butler

Madagascar est riche en espèces d’amphibiens. Le pays recèle 500 espèces de grenouilles, Presque toutes endémiques, ainsi que d’autres probablement encore inconnues. Cette diversité risque d’être en danger immédiat à cause du champignon chytride — ou peut-être pas.

Deux nouvelles études, probablement contradictoires, l’une affirmant que le champignon est présent dans le pays et en cours de propagation, l’autre déclarant qu’il n’a pas encore une forte emprise, laissent les décideurs en plein désarroi avec plus de questions que de réponses quant à la manière d’utiliser des ressources financières limitées afin de lutter le plus efficacement possible contre ce problème.

Ce genre de dilemme n’est pas un cas unique à Madagascar ou propres aux seules grenouilles. De nouvelles maladies végétales et animales sont en train de faire leur apparition à travers le globe. Il est de plus en important de concevoir une meilleure approche d’évaluation des études actuelles, parfois conflictuelles, afin de prendre des décisions éclairées d’un enjeu élevé en matière de conservation, en vue de protéger les espèces contre les épidémies naissantes.

« Plusieurs questions préoccupantes en matière de conservation sont en jeu face à des ressources limitées, » a expliqué Molly Bletz, principal auteur d’une des deux récentes études de Madagascar, et chercheure sur la manière d’utiliser les bactéries pour protéger les amphibiens de Madagascar et d’ailleurs contre le champignon chytride. « Ajouté à l’insuffisance des connaissances scientifiques sur l’actuel problème de conservation, cela peut effectivement placer les spécialistes de la conservation face à de délicates décisions à prendre, » ajouta-t-elle.

A Critically Endangered Madagascar amphibian: William’s Bright-eyed Frog (Boophis williamsi). Photo by Jonathan E. Kolby
Amphibien de Madagascar en danger critique d’extinction : Grenouille du genre Boophis williamsi. Photo de Jonathan E. Kolby

Détecté pour la première fois en 1998, le Batrachochytrium dendrobatidis (Bd) est un champignon responsable de graves déclins chez plus de 200 espèces d’amphibiens à travers le monde. L’infection provoque l’épaississement de la peau des amphibiens, causant ainsi des troubles de l’homéostasie — capacité de l’organisme à équilibrer les fonctions internes — finissant par entrainer une défaillance cardiaque.

Jusque récemment, on pensait que la maladie avait épargné Madagascar, quatrième plus grande île de la terre, au large de la côte est africaine. Puis, dans le courant de l’année dernière, deux équipes de recherche différentes publièrent des résultats d’échantillonnage du chytride en apparente contradiction : l’un des groupes révélait une présence largement répandue du champignon à Madagascar, l’autre non.

D’un point de vue de la gestion du problème, ces découvertes mènent à un choix difficile. Car l’approche pour une gestion efficace d’une maladie déjà présente dans le pays est tout à fait différente de celle à utiliser pour l’empêcher de s’y installer.

Des résultats contradictoires réclament des réponses différentes

Lorsque le premier groupe, mené par Molly Bletz, a publié les résultats de son étude dans la revue Scientific Reports, ses découvertes ont révélé une présence minime mais certaine du Bd dans cinq régions différentes de Madagascar. Aucun cas de mortalité ni de signe de la maladie ne fut découvert sur un échantillonnage de plus de 4,000 grenouilles sur une période de neuf années. Mais la présence du champignon se trouvait chez la totalité des quatre familles de grenouilles malgaches indigènes.

Asian toads (Duttaphrynus melanostictus) invading northwestern Madagascar continue to provide opportunities for Bd introduction. Photo by Lokionly under the terms of the GNU Free Documentation License, Version 1.2
L’invasion de crapauds asiatiques (Duttaphrynus melanostictus) au nord ouest de Madagascar continue de fournir une porte d’entrée à l’introduction du Bd. Photo de Lokionly, selon les termes de la Licence de Documentation Libre GNU – GNU Free Documentation License, Version 1.2)

Ces découvertes ont poussé les chercheurs à recommander une surveillance continue, le renforcement du suivi des populations de grenouilles et l’intensification des recherches sur l’atténuation de la maladie.

Ces mesures proposées étaient en ligne avec le Plan d’Action Sahonagasy, mis en place en 2008 afin de faire face à une éventuelle présence du Bd. Le plan national de surveillance comprend déjà une surveillance biannuelle sur huit sites, et des plans de soutien aux programmes d’élevage en captivité et à la recherche de traitement pour les amphibiens de Madagascar touchés par la maladie.

Peu après la publication de la première étude, Jonathan Kolby, de l’Université australienne James Cook, et son équipe publièrent un article dans la revue PLOS One concluant que le Bd, tout en étant présent à Madagascar, ne l’était pas à un niveau représentant une menace immédiate pour les amphibiens. Son échantillonnage de 538 animaux était inférieur à celui du groupe de Bletz, et l’intervalle de test de deux mois était plus court. Mais Kolby avait également examiné des échantillons prélevés dans l’environnement, sur des douzaines de cours d’eau en utilisant de multiples techniques de détection.

Selon Kolby, les différences entre les deux études pourraient indiquer que le champignon ne s’est pas encore implanté à Madagascar, quoique de petites quantités de chytride d’amphibiens aient été découvertes sur l’île. Il a suggéré que les efforts et ressources financières devraient être concentrés sur les mesures de biosécurité afin d’empêcher le Bd de s’introduire à Madagascar.

A White Spotted Reed Frog (Heterixalus alboguttatus), one of Madagascar’s 500 known frog species. It is currently listed as a species of Least Concern by the IUCN. But if the Bd fungus became widesperead in Madagascar, it along with many other frog species, could quickly become threatened. Photo by Rhett A. Butler
Grenouille tachetée des roseaux (Heterixalus alboguttatus), une des 500 espèces de grenouilles connues de Madagascar. Espèce actuellement classée dans la catégorie Préoccupation Mineure par l’UICN). Mais en cas de large propagation du champignon à Madagascar, elle risque de devenir, ainsi que de nombreuses autres espèces de grenouilles, rapidement menacée. Photo de Rhett A. Butler

A la suite de cela, Bletz et ses collègues publièrent une réponse officielle, soulignant les points communs des résultats des deux études, en dépit de leur apparente contradiction : toutes deux ont démontré la présence du Bd dans le pays. Cependant, selon Kolby, les points de désaccord portaient moins sur les méthodes scientifiques que sur les plans de gestion.

« A l’heure actuelle, les équipes sur le terrain et les autorités gouvernementales font de leur mieux pour identifier aussi rapidement que possible les sites porteurs du Bd afin de détecter tout déclin induit par la maladie du nombre d’amphibiens à Madagascar— si déclin il y a. D’autre encore se préparent au pire en mettant en place des programmes d’élevage en captivité et des recherches sur le traitement de la maladie, » a déclaré Kolby. Cependant, il constate une certaine vulnérabilité et un « vaste fossé là où des actions de biosécurité pourraient aider à empêcher l’implantation du Bd [dans le pays], et réduire la probabilité de l’apparition de cette maladie. »

Des choix difficiles à faire

L’incertitude est dans une certaine mesure inhérente à toute science et il faut de nombreuses études et plusieurs comparaisons de données avant de parvenir à un consensus. Mais les décideurs n’ont souvent pas le luxe d’attendre d’avoir des preuves concluantes dans un monde moderne où de nouvelles maladies peuvent faire leur apparition et se propager rapidement, tout particulièrement dans les pays en voie de développement où les moyens financiers ne permettent qu’une approche unique. Toute erreur peut couter cher à la faune sauvage et aux écosystèmes.

Kolby pense qu’une amélioration de la communication entre chercheurs et parties prenantes — et un accord sur les priorités et objectifs — pourrait mieux renseigner les programmes de lutte contre la maladie et de gestion de la conservation. « Les scientifiques sont vraiment compétents dans leur domaine et nos études produisent des données d’une importance capitale, » dit-il. « Mais si le gouvernement a d’autres priorités, alors la recherche ne contribuera pas aussi bien au contrôle des maladies que des efforts plus en adéquation avec les priorités et capacités des décideurs. Un dialogue nourri entre chercheurs, responsables gouvernementaux et autres acteurs clefs est essentiel. »

The Green Bright-eyed Frog (Boophis viridis), endemic to Madagascar rhett butler
Grenouille verte du genre Boophis viridis, endémique de Madagascar. Photo de Rhett A. Butler

Les commentaires de Kolby font écho aux découvertes d’un groupe de travail sur les champignons pathogènes et les extinctions induites par la maladie. Celui-ci se réunit depuis 2013 par le biais du National Center for Ecological Analysis and Synthesis (NCEAS) (Centre national pour l’analyse et la synthèse écologique) en Californie. Le groupe a passé en revue les efforts, passés et en cours, de gestion d’une variété de maladies touchant les espèces sauvages, y compris le syndrome du nez blanc (Pseudogymnoascus destructans), qui a décimé plus de six million de chauve-souris en hibernation depuis sa première identification dans l’état de New York in 2006.

« Une des choses remarquables après la découverte du syndrome du nez blancs (SNB) aux Etas Unis a été la coordination de la réaction, » a mentionné Kate Langwig, ancienne diplômée de l’Université de Californie à Santa Cruz et membre de ce groupe de travail organisé par le NCEAS.

L’élément crucial a été de tenir informés les gestionnaires de la faune sauvage et les responsables gouvernementaux des toutes dernières données scientifiques. « Cela a permis des discussions interdisciplinaires entre chercheurs, spéléologues, gestionnaires de la faune et décideurs, lesquelles ont abouti à un plan national, » a déclaré Langwig. « A partir de cette expérience, nous avons appris que nous devons avancer rapidement et être proactif. »

A Little Brown Bat with white-nose syndrome in the U.S. Photo courtesy of USFWS
Petite chauve-souris brune atteinte du syndrome du nez blanc – Etats-Unis. Photo avec l’aimable autorisation de USFWS

Langwig et ses collègues ont publié leurs conclusions dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment. Ils y présentèrent sous forme de synthèse un ensemble de directives pour la mise au point de stratégies de lutte contre les maladies de la faune afin d’améliorer les réactions à de tels pathogènes. « La gestion doit se faire en fonction du contexte, en se basant sur le stade d’avancée de la maladie. A titre d’exemple, cela ne sert à rien d’entasser toutes les chauve-souris dans une cave si les sites dans la zone environnante sur 25 milles sont déjà contaminés par la maladie, » a déclaré Langwig.

Pourtant, la coordination de tels efforts peut s’avérer ardue lorsqu’il s’agit de maladies touchant uniquement les animaux, en l’absence des vastes ressources nécessaires pour leur suivi et leur contrôle. La situation du SNB était sans doute plus aisée au début, la détection initiale se limitant à un seul état dans un seul pays. Dans les cas d’épidémies à l’échelle mondiale, il n’existe pas d’agence unique — pas d’Organisation Mondiale de la Santé pour les animaux — pour diriger les efforts sur le terrain et orienter les politiques, fit remarquer Jamie Voyles, biologiste basé à l’Université du Nevada, spécialisé dans les maladies infectieuses émergentes.

Quelques forums ont été établis pour faire des rapports sur les maladies animales. Depuis 1993, des données mondiales sur les maladies touchant la faune sauvage ont été réunies par l’Organisation mondiale de la santé animale (World Organization for Animal Health), OIE en abrégé, d’après son ancien nom, Office International des Epizooties. Historiquement, le dénominateur commun parmi les maladies animales suivies par l’OIE était leur potentiel d’impact sur la santé humaine.

Puis, en 2013, le World Animal Health Information System (WAHIS) (Système mondial d’information zoosanitaire) a utilisé sa base de données pour suivre 53 « maladies non-OIE », propres uniquement à la faune sauvage. Ce sont des listes volontaires émanant des 180 pays membres. La liste de cette année contient 118 maladies et infections d’amphibiens, dont le Batrachochytrium dendrobatidis.

« Nous espérons que ces genres de plateformes vont se développer et devenir plus utiles pour lutter contre les maladies touchant la faune sauvage, » a déclaré Voyles.

Tirer profit des leçons du passé

Nous avons à présent l’opportunité de faire en sorte que ces leçons sur la gestion et le contrôle des épizooties soient mises à profit sur le terrain. En 2010, un nouveau champignon foudroyant originaire d’Asie a commencé à décimer plusieurs populations de salamandres tachetées aux Pays Bas et en Belgique. La maladie a également frappé les effectifs en captivité en Allemagne et en Grande-Bretagne.

D’après ce que l’on sait, cette maladie dévastatrice, provoquée par le Batrachochytrium salamandrivorans, n’affecte que les salamandres. Mais les scientifiques ont découvert que ce nouveau champignon est lié au Bd, et qu’il a le potentiel similairement alarmant de provoquer l’extinction des espèces. A la différence de l’épaississement de la peau observé avec le Bd, cette nouvelle maladie chytride, du nom de Bsal (Batrachochytrium salamandrivorans), provoque de graves ulcères sur la peau des salamandres. Des tests ont révélé que « 41 sur 44 salamandres du Paléarctique occidental (Salamandridae et Plethodontidae) sont mortes rapidement » après avoir été expérimentalement infectées au Bsal.

The European fire salamander. Photo by Rhett A. Butler
Salamandre de feu européenne. Photo de Rhett A. Butler

Le champignon, lié au commerce des salamandres d’Asie, n’a pas encore été détecté en Amérique du Nord. Une pénétration de ses frontières serait un coup dur pour les Etats Unis, car le pays abrite près de 50 pourcent des espèces de salamandres du monde.

In the U.S., researchers pegged the Southeast states, the Pacific Northwest and the Sierra Nevada as “vulnerability zones.” These areas provide habitat for many species in Bsal-susceptible salamander families: the highly diverse “lungless salamanders,” or Plethodontidae, and North American newts (Family Salamandridae).

Aux Etats Unis, les chercheurs ont identifié les états du sud est, le nord ouest du Pacifique et la Sierra Nevada comme étant les « zones à risque. » Ces régions sont l’habitat de plusieurs familles de salamandres susceptibles de contracter le Bsal : les « salamandres sans poumon, » ou Plethodontidae, espèce d’une extrême diversité et les tritons d’Amérique du Nord (Famille des Salamandridae).

Le commerce florissant des salamandres comme animal de compagnie à l’échelle mondiale n’est pas de bon augure pour empêcher le Bsal d’envahir les Etats Unis. Une étude publiée dans la revue Science a rappelé que plus de deux millions de tritons à ventre de feu ont été importés dans le pays entre 2001 et 2009. Cinq des principaux sites d’importation américains sont situés près des zones à haut risque identifiées.

En mai 2015, le Center for Biological Diversity (Centre de la Diversité Biologique), basé en Arizona, a soumis une pétition au Ministère américain de l’Intérieur, réclamant un moratoire d’urgence sur l’importation des salamandres par les négociants d’animaux de compagnie. Mais la loi sur la conservation, du nom de Lacey Act, habituellement utilisée par le U.S. Fish and Wildlife Service (USFWS) (Service américain des pêches et de la nature), interdit uniquement le commerce illicite de la faune sauvage, des poissons et des espèces végétales. La loi ne s’étend pas aux pathogènes fongiques invasifs.

« Cette loi date de plus de 100 ans et ne concerne pas les microbes, bactéries et champignons, » explique Karen Lips, biologiste à l’Université du Maryland, qui étudie les schémas du déclin des populations d’amphibiens sur des sites au Panama, en Illinois et dans les Appalaches. « Nous devons utiliser le Bsal comme une sonnette d’alarme pour dire : Il nous faut une politique plus globale, afin que nous n’ayons pas à gérer de telles maladies au coup par coup. Cela prend trop longtemps. »

Members of Madagascar’s Boophis frog genus are small, arborial and colorful. They are at risk from the Bd fungus, should it be widely introduced. Photo by Rhett A. Butler
Les grenouilles de Madagascar du genre Boophis sont petites, arboricoles et colorées. Elles sont menacées par le champignon Bd en cas de propagation massive. Photo de Rhett A. Butler

En dépit du processus fastidieux de l’élaboration de politiques appropriées, les efforts entrepris afin d’éviter une épidémie de Bsal aux Etats Unis ont rapidement progressé. En juin 2015, un groupe diversifié de parties prenantes s’est réuni afin d’élaborer une stratégie de gestion du problème. La rencontre a été organisée par le U.S. Geological Survey’s Amphibian Research and Monitoring Initiative (ARMI) – Initiative de Recherche et Suivi des Amphibiens auprès du service géologique des Etats Unis – et le Powell Center for Ecological Synthesis (Centre Powell pour la synthèse écologique), au Colorado.

« Nous ne disposons jamais d’informations tout à fait précises, mais on nous avons souvent besoin de faire quelque chose de toute manière, » a déclaré Michael Adams, chercheur écologiste et chef de file d’ARMI. « Nous avons entrepris une démarche décisionnelle formelle afin de trouver un moyen d’avancer en dépit des incertitudes. »

Empruntée au monde des affaires, ce cadre d’analyse décisionnelle permet de faire le tri parmi une multitude de cibles, objectifs et incertitudes. Cette « approche rationnelle vis-à-vis de la prise de décision » est en train de gagner du terrain en matière de gestion des ressources naturelles, a déclaré Evan Grant, chercheur principal auprès d’ARMI pour la région nord est des Etats Unis. Grant était également organisateur en chef de l’atelier Bsal.

Le processus de prise de décision est le fruit d’une collaboration entre les décideurs, les parties prenantes et les scientifiques pouvant fournir des informations clef. Il est transparent, avec des objectifs, des alternatives et des incertitudes bien définis, a poursuivi Grant. Et, chose plus importante, ce n’est pas une décision ponctuelle. Une réévaluation est intégrée dans le processus afin que les plans puissent s’adapter aux nouvelles découvertes.

L’un des résultats de la rencontre des parties prenantes sur le Bsal a été un accord pour l’élaboration et la mise en application d’un programme viable d’échantillonnage à grande échelle des salamandres, a déclaré Adams. Si la couverture de tous les milieux et vecteurs possibles susceptibles d’abriter le Bsal risquait d’être « astronomiquement couteux pour ce seul et unique but » on pourrait effectuer plus d’échantillonnages si cet effort était lié à d’autres objectifs.

Une autre conséquence de la réunion a été le lancement d’un moratoire volontaire sur l’importation des tritons à ventre de feu (Cynops orientalis) et tritons à queue de pagaie (Pachytriton labiatus), réclamé par le Pet Industry Joint Advisory Council (PIJAC). (Conseil consultatif commun de l’industrie des animaux de compagnie). Aux Etats Unis, l’avis a été publié en novembre. Au début du mois de décembre, PIJAC Canada a également soutenu l’arrêt définitif des importations.

« Il existe encore beaucoup, beaucoup plus d’incertitudes qu’il n’y a de dollars pour y faire face, » a déclaré Grant, chercheur principal auprès d’ARMI pour la région nord est des Etats Unis. « Mais nous avons cette opportunité sans précédent aux Etats Unis de faire usage d’outils empruntés à l’analyse décisionnelle afin de nous préparer à l’éventualité d’une [invasion du Bsal]. Même si nous ne pouvons mettre en application toutes ces mesures proactives et préventives, nous pouvons néanmoins établir des plans pour l’amélioration de notre capacité de réaction face à une possible introduction de la maladie. »

Au début du mois de janvier, USFWS a mis à profit cette opportunité. Il a classé 201 espèces de salamandres « en tant qu’espèce préjudiciable en vertu de la loi Lacey » en invoquant le « statut provisoire », qui permet une action plus rapide que les procédures normalisées relatives aux règles proposées. L’importation de n’importe laquelle de ces espèces ou son transport d’un état à un autre a été interdit dès le 28 janvier 2016.

En prenant cette mesure, le directeur du USFWS, Dan Ashe, a déclaré dans un communiqué de presse : « Le champignon Bsal a le potentiel de ravager nos populations de salamandres, et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir afin de protéger et préserver ces amphibiens essentiels pour les générations futures. »

The Madagascar Tomato Frog (Dyscophus antongilii) endemic to Madagascar. Photo by Rhett A. Butler
Grenouille tomate de Madagascar (Dyscophus antongilii) endemique de Madagascar. Photo de Rhett A. Butler

Les gens pourront encore conserver légalement ces espèces en captivité si elles sont déjà en leur possession. Des permis pourront également encore être délivrés à des fins « scientifiques, médicales, éducatives ou zoologiques, » selon le communiqué du USFWS.

De retour à Madagascar

« Le Bd semble être partout, » a déclaré la biologiste Karen Lips. « Mais on ne peut déterminer clairement où il est apparu, comment il y est arrivé, ni si il est enzootique », se retrouvant communément dans un site particulier. A Madagascar, nul ne sait actuellement avec certitude où le chytride est susceptible de débarquer sur ce continuum de possibilités, ajouta-t-elle.

Si le champignon a déjà été présent depuis deux ans dans le pays, cela pourrait avoir diverses significations : y-a-t-il déjà eu des cas de mortalité ? Ces mortalités vont-elles prochainement se produire à un moment ou un autre, lorsqu’une mystérieuse condition aura changé ? Ou n’y aura-t-il jamais de déclin des populations car les grenouilles se seront adaptées ? Les chercheurs doivent encore trouver la réponse à toutes ces questions et à bien d’autres encore.

« Il y a une centaine d’années nous n’avions pas cette connectivité planétaire qui permet aux problèmes de se propager si rapidement, » a déclaré Kolby. « Nous ne pouvons tout empêcher, ni tout contrôler. Mais nous pouvons apprendre à y faire face de manière plus intelligente. »

Pour la faune sauvage du globe, l’efficacité de ces réponses rapides et intelligentes apportées par les scientifiques, les professionnels de la conservation et les décideurs œuvrant main dans la main, pourrait bien faire la différence entre la vie et la mort pour des centaines d’espèces.

 

Ouvrages de référence:

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Madagascar rainforest, home to many endemic amphibian species. Photo by Rhett A. Butler
Forêt tropicale de Madagascar, habitat naturel de plusieurs espèces endémiques d’amphibiens. Photo de Rhett A. Butler

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