- Cet été le nombre de chiens renifleurs de la promotion indienne a atteint les 25 membres.
- D’autres mesures de lutte contre le commerce des espèces sauvages accentuent le renforcement des formations des agents responsables de l'application des lois pour mieux appréhender le commerce illégal et la formation des gardes forestiers pour limiter le braconnage.
- Bien que plus intenses, ces efforts ne font pas partie d’une initiative plus vaste. Mais les experts expliquent que cela indique un renforcement des moyens de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages.
À Bhopal en Inde, une cérémonie de remise de diplôme bien particulière a eu lieu au mois de juin 2015. 14 chiens et leurs 28 maîtres ont effectué de brèves performances de leurs nouvelles compétences de détection de produits animaliers illégaux pendant un défilé du 23e bataillon de services des forces armées au centre de dressage de chiens.
Les 14 nouveaux chiens formés à la protection de la faune et à l’anti-braconnage ont rejoint les 11 brigades canines existantes en Inde.
Lors de la cérémonie 7 représentants d’états indiens étaient invités (Assam, Jharkhand, Karnataka, Madhya Pradesh, Maharashtra, Tamil Nadu, et Uttarakhand). Ces états regroupent des populations de tigres sauvages (Panthera tigris) sujets à la contrebande et aux braconnages.
En plus des nouvelles recrues canines, l’Inde va intensifier ses mesures de lutte contre le marché noir de la faune sauvage, un terrain peu documenté et très peu contrôlé. Parmi ces mesures, l’Inde met l’accent sur les formations des agents responsables de l’application des lois pour mieux appréhender le commerce illégal et la formation des gardes forestiers pour limiter le braconnage.
Ces efforts ne font pas partie d’une initiative plus vaste et les arrestations restent éparses, mais les experts expliquent que cela indique un renforcement des moyens de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages.
Globalement, le commerce illicite de produits liés à la faune sauvage équivaut à 23 milliards de dollars par an, selon Interpol. Des estimations plus complètes à ce sujet ne sont pas disponibles et les fonctionnaires de l’Office indien pour la prévention des crimes contre la vie animale (WCCB) contactés à ce sujet n’ont pas souhaité nous fournir de données. Néanmoins, certaines données publiées par le National Crime Records Bureau (l’agence gouvernementale indienne responsable des statistiques judiciaires) en août dernier sont accessibles et nous permettent d’évaluer l’ampleur du problème. Elles indiquent que 770 cas des crimes liés à la faune sauvage sur le territoire ont été enregistrés en 2014, 1 349 arrestations s’en sont suivies (ces cas enfreignent la loi fédérale et territoriale sur la protection de la faune de l’accord de 1972).
Selon les statistiques de l’ONG pour la protection de la faune sauvage de l’Inde (WPSI), durant l’été 2014 14 tigres auraient été tués. Au cours de l’année 2015, 18 tigres ont été tués par des braconniers, des parties de leurs corps ont été dénichées chez des commerçants illégaux. Les chiffres restent inchangés pour les léopards (Panthera pardus), 102 cette année et 116 l’année dernière. En Inde, en plus des tigres et des léopards, les espèces les plus recherchées par les braconniers sont les rhinocéros d’Inde (Rhinoceros unicornis), les éléphants d’Asie (Elephas maximus), et les paresseux (Melursus ursinus). Les crimes liés à ces espèces sauvages de grande taille séduisent plus facilement les médias et l’attention du public que les plus petites espèces, selon Ramesh Pandey, un membre du gouvernement et expert consultant en matière de criminalité liée aux espèces sauvages, ex-membre du nouvel Office indien pour la prévention des crimes contre la vie animale (WCCB).
“Les gens ont entendu parler des crimes liés aux animaux sauvages de grandes tailles, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg” explique Pandey à Mongabay. “Nous ne nous intéressons pas autant aux crimes sur les plus petites espèces sauvages comme les pangolins, les mangoustes et les animaux marins comme les concombres de mer, etc.”
Le commerce d’animaux sauvages est assez limité en soi, et les crimes ne sont pas nécessairement liés aux marchés noirs, car certains les chassent pour la consommation ou pour des cérémonies. En revanche, les crimes qui visent les marchés internationaux sont très organisés et prémédités, explique Belinda Wright, directrice exécutive de la société pour la protection de la faune sauvage de l’Inde (WPSI).
“L’Inde est un pays très sujet à la contrebande d’animaux sauvages. Les braconniers visent les marchés étrangers – surtout la Chine – à des fins de fabrication de médecines orientales, pour la médecine traditionnelle chinoise, pour la fabrication de tonifiant et la décoration intérieure” nous dit Wright dans un email. “Les espèces les plus ciblées sont les tigres, les léopards, d’autres espèces de félins sauvages, les loutres, les ours, les cerfs porte-musc, les éléphants, les rhinocéros et les pangolins. Le commerce illégal de ces espèces et très organisé et s’étend aux niveaux national et international.”
TRAFFIC India, une division commune au groupe des Fonds mondial pour la nature (WWF), est un réseau de surveillance continue du commerce de la faune et de la flore sauvages. Shekhar Kumar Niraj, à la tête de ce réseau, explique que le commerce en Inde reflète les tendances internationales. « La demande de l’ivoire a augmenté. Pour chaque augmentation de la demande d’ivoire d’éléphant d’Afrique, on observe une augmentation du braconnage des éléphants en Inde ». Niraj explique que c’est une corrélation très dangereuse.
Une autre “espèce du jour” a fait son apparition sur les marchés internationaux : le Pangolin. Un des 8 mammifères les plus braconné. Ils sont chassés pour leurs écailles, censées avoir des vertus en médecine traditionnelle chinoise, et pour leurs viandes. Wright et Pandey, ont tous deux remarqués que depuis 2009 le braconnage de deux espèces de pangolins (le pangolin d’Inde (Manis crassicaudata) et le pangolin de Chine (Manis pentadactyla)) a augmenté avec un résultat de 3 350 mammifères braconnés entre 2009 et 2013 d’après le groupe des Fonds mondial pour la nature en Inde (WWF India).
Combattre le commerce d’espèces sauvages se révèle difficile pour le gouvernement Indien et les ONGs de conservation. D’après les experts, de nombreux facteurs affaiblissent les ressources des enquêtes de crimes contre la faune sauvage telle que le système fastidieux et inefficace de la collecte de renseignements ainsi que le manque de ressources financières et de matériel moderne. Le gouvernement indien manque sérieusement de personnel formé anti-traffic et anti-braconnage et de véhicules. Face à ces crimes, le système juridique est trop clément et d’autres priorités prévalent sur ces cas. Les habitats naturels du pays deviennent de plus en plus vulnérables.
De nouveaux outils pour mieux lutter contre les crimes liés aux espèces sauvages
TRAFFIC India ont été pionniers dans leur démarche de formation des chiens renifleurs pour la protection de la faune sauvage depuis 2008. Le groupe a entraîné 13 brigades de chiens sur 4 ans. Après avoir rencontré quelques obstacles, le groupe a pu prendre du recul pour mieux évaluer le programme et le renforcer de manière rigoureuse en 2013. Vers la fin juin, un total de 25 brigades anti-braconnage, en comptant les nouvelles recrues, étaient déployées sur neuf États indiens.
À la tête de TRAFFIC India, Niraj, de formation garde forestier, explique que les chiens renifleurs sont de très bons outils contre le braconnage et le trafic grâce à leur incroyable sens de l’odorat. Ils peuvent ainsi parcourir de grandes zones et guider les agents sur des pistes.
L’idée pour ce programme serait de moderniser les méthodes de détection de trafic explique Niraj. Les pays comme les États-Unis, la Chine, le Népal, la Russie et même la République du Congo font partis des pays qui utilisent des chiens renifleurs pour lutter contre le braconnage et le commerce illégal. Les chiens servent à collecter des informations crédibles et concrètes, ces informations en retour aident l’augmentation des taux de poursuite et de condamnation. Ceci a un effet psychologique dissuasif sur les trafiquants, d’après lui.
Wright pense que le programme est très prometteur. « Je pense que c’est une excellente idée car les chiens sont bien entraînés et on en prend bien soin. Ces chiens sont très utiles pour dépister les crimes. Étant donné que les braconniers de tigres et de léopard utilisent le système ferroviaire pour transporter les peaux et les os, les chiens peuvent ratisser les trains et les stations près des réserves naturelles et les lieux d’échanges connus. » Dit-elle.
« Le programme des chiens renifleurs n’est pas encore optimal, mais il a su montrer ses preuves » nous dit Niraj. Des brigades de chiens ont opéré contre 130 cas de crime depuis leurs débuts en 2008. Au 30 juin, après 9 mois de formation, une brigade de chiens déployée à Indore dans l’état du Madhya Pradesh ont arrêté des lots de produits illégaux lors de leur premier jour de travail. Myna, un des chiens de la brigade, et son maître, effectuaient une surveillance de routine près d’un palais historique dans un quartier affairé. Ils ont trouvé des griffes de léopard, de la viande de cerf et leurs peaux, des peaux de Jackal ainsi qu’un crâne. Suite à cela, 2 femmes furent arrêtées.
En août cette année, TRAFFIC Inda et l’Office indien pour la prévention des crimes contre la vie animale (WCCB), et la fondation de conservation des tigres de Parambikulam, ont tenu un atelier de renforcement de capacités dans la réserve de Parambikulam dans l’état du Kerala. Plus de 55 agents de plusieurs divisions forestières étaient présents, ainsi que la police de Kerala et les services des douanes et des accises. Le but de cet atelier était d’améliorer la préparation des agents pour faire face à ces crimes et leur apprendre à utiliser les dernières technologies et outils d’identification de pièges mis en place par les braconniers. Les personnes présentent pouvaient ensuite transmettre leurs savoirs à leurs coéquipiers.
D’après Niraj, l’atelier de Parambikulam était le premier d’une grande série. Chaque année, le nombre d’atelier augmente, aujourd’hui plus de 7 à 8 ateliers prennent place dans tout le pays. Ils ciblent les états les plus vulnérables au braconnage et au commerce illégal, et plus particulièrement les états proches des frontières.
« Ces exercices aident à améliorer la coordination entre les agences », explique Niraj, « car ce sont elles qui préviennent en premier les agents contre le trafic florissant des pangolins ». « Nous recevons des réactions à propos de ces ateliers, ce qui nous permet d’évaluer leur utilité. Ils sont assez exhaustifs et efficaces ».
On observe un effort similaire qui cible les gardes forestiers de l’état de Tamil Nadu.
En aout, plus de 200 employés de 7 divisions forestières différentes ont été entraînés aux techniques de patrouilles, de survie dans la jungle, de self-defence et de stratégie de combat pendant l’atelier de la réserve de tigre de Sathyamangalam. Cet atelier était le deuxième en son genre en deux ans, tenu par les Fonds mondial pour la nature en Inde (WWF India) en coordination avec les fonctionnaires du Département local des forêts. Grâce à cet exercice, il y a maintenant 400 employés formés dans l’état du Tamil Nadu, cette brigade se nomme « l’équipe anti-braconnage ».
Selon les informations publiées, dès ce printemps les crimes liés aux espèces sauvages moins connues, comme les pangolins, seront traqués par Interpol en partenariat avec l’Office indien pour la prévention des crimes contre la vie animale (WCCB). Les agences collaboreront sur la collecte de renseignements, sur l’identification des syndicats du crime et sur les arrestations.
L’Office indien pour la prévention des crimes contre la vie animale (WCCB) a refusé de fournir des données qui pourraient indiquer un ralentissement des efforts actuels contre les crimes liés aux espèces sauvages. Ils ne souhaitent pas non plus se prononcer sur la stratégie nationale de réduction de ces crimes. Néanmoins, Niraj dit que les renforcements des formations des agents responsables de l’application des lois et des gardes forestiers, et le programme de chiens renifleurs prouve que le pays prend cette affaire au sérieux.
Il y a encore du chemin à faire
Il reste encore beaucoup à faire, disent les experts, en commençant par la création de lois plus strictes. L’Inde n’a pas de législation qui puisse permettre le renforcement de la Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvage menacées d’extinction (CITES) notamment sur les points d’entrée et de sortie telle que les aéroports, explique Pandey. Cela veut dire que les agents responsables de l’application des lois ne peuvent pas saisir les espèces dont le commerce est illégal sous les lois CITES depuis une ville indienne et ne peuvent demander au coupable d’où elles viennent. « Un amendement à la loi a été présenté au parlement 2 ou 3 fois mais sans succès » d’après Pandey.
Il reste encore beaucoup à faire, disent les experts, en commençant par la création de lois plus strictes. L’Inde n’a pas de législation qui puisse permettre le renforcement de la Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvage menacées d’extinction (CITES) notamment sur les points d’entrée et de sortie telle que les aéroports, explique Pandey. Cela veut dire que les agents responsables de l’application des lois ne peuvent pas saisir les espèces dont le commerce est illégal sous les lois CITES depuis une ville indienne et ne peuvent demander au coupable d’où elles viennent. « Un amendement à la loi a été présenté au parlement 2 ou 3 fois mais sans succès » d’après Pandey.
Ces crimes déciment les populations d’animaux sauvages rares et en danger. Dans ces périodes difficiles la coordination entre les nations est clés. L’assemblée générale des Nations Unies a adopté sa toute première résolution contre le trafic des espèces sauvages en juillet cette année. Une étape qui encourage les pays « à prendre des mesures de prévention afin de parer les enjeux de ces délits sur l’environnement. Nous parlons bien sûr du commerce illégal des espèces sauvages ou de leurs produits dérivés, et du braconnage. »
Devant l’urgence de la situation, l’Inde semblerait suivre le bon chemin.
Citations
- Nellemann, C., Henriksen, R., Raxter, P., Ash, N., & Mrema, E. (Eds.) (2014). Environmental Crime Crisis: Threats to Sustainable Development from Illegal Exploitation and Trade in Wildlife and Forest Resources. United Nations Environment Programme and GRID-Arendal, Nairobi and Arendal.
- Nature, C. (2013). The Global Security Implications of the Illegal Wildlife Trade. International