Nouvelles de l'environnement

Une étude relève que les autochtones sont aussi compétents que les scientifiques en matière de suivi de surveillance des forêts

  • Une étude récente relève que de bons citoyens motivés et entraînés peuvent effectuer le travail de scientifiques experts tout aussi efficacement.
  • Le recours à une équipe de bénévoles locale est plus efficace quand l’initiative est soutenue par la communauté et quand les bénéfices et la fiabilité des résultats sont mis en évidence.
  • Les recherches scientifiques sont coûteuses, c’est pourquoi les auteurs de cette étude préconisent vivement aux gouvernements et aux agences scientifiques de mettre en place des programmes de formation dans les communautés locales, offrant ainsi une alternative efficace à moindre coût.

Une étude récente publiée sur BioScience relève que de bons citoyens motivés et entraînés peuvent effectuer le travail de scientifiques experts tout aussi efficacement. Inspirés par les résultats, les auteurs de cette étude préconisent vivement aux gouvernements et aux agences scientifiques de mettre en place des programmes de formation dans les communautés locales, offrant ainsi une alternative aux recherches scientifiques coûteuses. Le recours à une équipe de bénévoles locale est en effet plus efficace quand l’initiative est soutenue par la communauté et quand les bénéfices et la fiabilité des résultats sont mis en évidence.

Finn Danielsen, écologiste et cofondateur de NORDECO (Fondation Nordique pour le développement et l’écologie), reconnaît que « les scientifiques jugent les membres d’une communauté analphabète incapable de surveiller et gérer les ressources naturelles de manière fiable. Mais nous avons démontré dans plusieurs pays, et de manière rigoureuse, les compétences de surveillance et de gestion de l’environnement par des équipes locales formées et motivées. »

Une étude multipays

« Le point de mire de cette étude était de comparer les données d’abondance des ressources recueillies par les membres des communautés locales, avec celles recueillis par les scientifiques », explique Danielsen. De même, nous nous sommes concentrés sur les informations les plus pertinentes pour la prise de décision de la gestion des ressources naturelles, nous avons ainsi mis l’accent sur les statuts et les tendances des indices d’abondance de la faune locale. »

Miskito community members in Nicaragua selecting the mammal species they would like to monitor. Photo by SUNE HOLT.
Les membres de la communauté Miskito au Nicaragua sélectionnent les mammifères qu’ils surveilleront. Crédit photo : SUNE HOLT.

L’étude multipays, échelonnée sur une période d’environ deux ans et demi (janvier 2007 à juin 2009) contient l’analyse simultanée des travaux des scientifiques et ceux des communautés locales collectés sur 34 forêts tropicales de Madagascar, du Nicaragua, des Philippines et de la Tanzanie. Les groupes de surveillance professionnels et amateurs se composaient de 7 scientifiques universitaires et 128 autochtones, dont la plupart n’avaient qu’une éducation primaire. Les scientifiques qualifiés ayant pris part à cette étude possèdent une solide expérience de travail de dix ans et une maîtrise en Sciences naturelles de l’environnement. Les locaux n’ont reçu que deux ou trois jours de formation sur le terrain.

Relative abundance of 68 forest resources and forest uses recorded by community members and trained scientists between 2007 and 2009 at 34 sites in Madagascar, Nicaragua, the Philippines, and Tanzania.
Indice d’abondance de ressources de 68 forêts et leurs utilités enregistrées par les membres des communautés locales et les experts entre 2007 et 2009 sur 34 sites au Madagascar, au Nicaragua, aux Philippines et en Tanzanie.

Au Nicaragua, les formations ont été mises en place juste avant le début de l’étude. Dans d’autres pays, cela avait été mis en place plusieurs années auparavant. La formation a débuté il y a 9 ans aux Philippines, il y a 5 ans en Tanzanie et il y a 3 ans au Madagascar. La majorité des participants étaient bénévoles et n’ont reçu aucune rémunération.

68 sites cibles ont été attribués aux surveillants scientifiques et bénévoles. Ces sites doivent être parcourus par des patrouilles à pied à intervalles réguliers. Ils sont divisés en trois classements : observation des oiseaux (39 taxa), observation des mammifères (24 taxa) et utilité des ressources (5 types d’utilisations).

A Miskito community member recording his sightings and signs of mammals and birds during a foot patrol in Nicaragua. Photo by SUNE HOLT.
Un membre de la communauté Miskito enregistre ses observations et les signes de passages de mammifères et d’oiseaux pendant sa patrouille au Nicaragua. Crédit photo : SUNE HOLT.

Les deux groupes réunis ont généré un total de 24.881 heures de patrouille (soit 19,183 heures par les bénévoles et 5.698 heures par les scientifiques). Nous avons donc un total de 5.804 paires de données pour les mêmes ressources naturelles.

Scientifiques ou bénévoles : Les résultats restent similaires

Pour certains résultats de l’étude on observe quelques légères divergences entre les conclusions des bénévoles et des scientifiques. Mais concrètement l’étude prouve que les bénévoles ont les capacités et les connaissances requises pour effectuer le travail des scientifiques.

Les résultats de l’étude étaient encourageants « si parfois on observe une différence de route, de lieu ou d’heure des relevés entre les deux groupes distincts, les résultats eux restent similaires »

D’après l’étude, l’analyse complète des résultats était fort concluante : « Nos résultats indiquent que dans l’environnement forestier des pays en développement, les membres de la communauté formés à la surveillance d’une ressource en particulier peuvent générer des estimations d’abondance de ressources concluantes. Ils relèvent des tendances et variations des ressources naturelles sur une période de temps donnée, et l’utilité des ressources, tout comme les groupes d’experts ».

En vue des économies importantes sur les coûts de la collecte de données et puisque les communautés impliquées dans la surveillance des ressources naturelles sont compétentes, pourquoi n’y a-t-il pas plus de projets de ce genre ?

Training took place 9 years earlier in the Philippines, 5 years earlier in Tanzania, and 3 years before the study, in Madagascar. Photo by Anselme T. Volahy.
Les formations ont débuté il y a 9 ans aux Philippines, il y a 5 ans en Tanzanie et 3 ans auparavant au Madagascar. Crédit photo Anselme T. Volahy.

Danielsen et son équipe ont constaté que l’infrastructure institutionnelle nécessaire pour la mise en place des systèmes de surveillance n’était pas souvent accessible. Ils supposent que cela est dû à « l’opinion très arrêtée des scientifiques qui pensent que seuls les experts formés peuvent se charger de la surveillance des ressources. Les membres des communautés autochtones sont généralement considérés ignorants et peu fiables. »

While there were small differences in results between local community members and those of the professional scientists, it was shown that the community members possessed the skills and knowledge to complete the task as well as scientists. Photo by Michael K. Poulsen.
Bien que l’on observe de légères divergences entre les conclusions des bénévoles et des scientifiques, l’étude prouve que les locaux ont les capacités et les connaissances requises pour effectuer le travail des scientifiques. Crédit photo Michael K. Poulsen.

Grâce aux résultats encourageants de la collecte de données par les communautés en Tanzanie et aux Philippines, Danielsen affirme que « nos résultats contribuent au changement de la perspective de la gestion de la conservation en mettant davantage l’accent sur le rôle actif des communautés bénévoles. Dans la plupart des villages Tanzaniens impliqués, où les résultats étaient analysés sur une base mensuelle ou bimensuelle, 86 % des personnes interviewées (soit 160 ménages) disent être avantagés par le rôle actif de la communauté. La surveillance locale contribue à la protection de l’empiétement des ressources naturelles des forêts.

L’implication communautaire pour la surveillance des forêts tropicales en vaut la chandelle

Sur la base de leurs résultats, les chercheurs insistent pour que la surveillance des forêts par les communautés locales soit implémentée à grande échelle.

L’étude prend bien en compte que pour ce faire il faudra fournir un effort concerté pour l’organisation des formations, des fournitures et de la mise en place de politiques de collaboration entre les employés et les bénévoles pour garantir la bonne répartition des financements.

Danielsen explique qu’une infrastructure institutionnelle doit être mise en place pour faciliter la gestion de la surveillance des forêts. « La surveillance par les communautés nous revient beaucoup moins cher que par des experts, même si les coûts de départs sont élevés ».

Le programme de surveillance des forêts par les bénévoles, implémenté de manière intelligente, a la capacité d’influencer positivement la gestion de la conservation à grande échelle : « Impliquer les membres d’une communauté contribue à faire le lien entre le suivi des ressources et le processus de décision au niveau opérationnel. L’opération pourrait potentiellement devenir actrice majeure des stratégies mondiales de conservation ».

The scientists and community forest monitors were assigned 68 targets to be monitored on foot patrols, one of which was observation of birds. Photo by Martin Lindop.
Les patrouilles à pied de scientifiques et de bénévoles ont été assignées à 68 sites cibles, l’un des sites est dédié à l’observation des oiseaux. Crédit photo : Martin Lindop.

 

Citation:

Danielsen, F., Jensen, P., Burgess, N., Altamirano, R., Alviola, P., Andrianandrasana, H., Brashares, J., Burton A., Coronado, I., Corpuz, N., Enghoff, M., Fjelsda, J., Funder, M., Holt, S., Hubertz, H., Jensen, A., Lewis, R., Massao, J., Mendoza, M., Ngaga, Y., Pipper, C., Poulsen, M., Rueda, R., Sam, M., Skielboe, T., Sorensen, M., Young, R. (2014) A Mulitcountry Assessment of Tropical Resource Monitoring by Local Communities. BioScience, 64(3), 236-251.

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