- Les tribus des San et des Bakgalagadi ont été expulsées de la réserve du Kalahari central au Botswana par crainte que leur mode de vie de chasseur-cueilleur ne nuise aux animaux sauvages.
- Depuis près de vingt ans, ces tribus se sont battues pour avoir le droit de revenir sur leurs terres ancestrales et elles préparent actuellement leur prochaine offensive juridique, sous la menace de représailles de la part le gouvernement.
- Ils sont d'avis que les tribus indigènes qui vivent selon le mode de vie traditionnel de chasseur cueilleur sont bien plus aptes à préserver la biodiversité que les approches de conservation modernes telles que la création de parcs réservés exclusivement aux animaux sauvages.
En 1997, le gouvernement du Botswana a commencé à expulser les San et Bakgalagadi de leurs terres ancestrales situées dans la réserve du Kalahari central, par crainte que leur mode de vie de chasseur-cueilleur ne nuise aux animaux sauvages. Depuis lors, des groupes de défense locaux et internationaux se sont engagés dans un combat ardu pour leur permettre de retourner sur leurs terres, ce à quoi l’État a réagit durement : alors que les activistes locaux sont arrêtés, passés à tabac et probablement torturés, les activistes étrangers sont appréhendés puis sujets à une restriction de visa et à une expulsion du pays.
Alors que les San, les Bakgalagadi et leurs avocats préparent leur prochaine offensive juridique sous la menace de représailles du gouvernement, ils soulèvent des questions concernant non-seulement la valeur des Droits de l’Homme au Botswana, mais aussi la meilleure façon de gérer les vastes ressources naturelles du pays. Ils sont d’avis que les tribus indigènes qui vivent selon le mode de vie traditionnel de chasseur cueilleur sont bien plus aptes à préserver la biodiversité que les approches de conservation modernes telles que la création de parcs réservés exclusivement aux animaux sauvages.
Leurs terres ancestrales
La réserve du Kalahari central (RKC), une vaste étendue sauvage d’une superficie un peu plus grande que celle de la Suisse, a été créée en 1961 en vertu de la Proclamation pour la conservation de la faune dans de ce qu’était à l’époque le protectorat britannique du Bechuanaland.
La réserve a été créée avant que l’indépendance politique ne soit accordée au Botswana en 1966 dans le but d’assurer la stabilité des tribus indigènes des San et des Bantu Bakgalagadi après la cession du pouvoir au groupe ethnique dirigeant, les Tswana. La réserve a été déclarée zone protégée pour permettre aux tribus de continuer à vivre selon leurs modes de vie traditionnels.
La tribu des San est constituée d’environ 35 groupes de langues différentes et vit en Afrique du Sud depuis des temps immémoriaux. Les Bakgalagadi, qui comptent environ cinq groupes de langues différentes, y vivent depuis au moins 1 500 ans.
Les modes de vie de ces deux peuples sont adaptés au milieu pénible du Kalahari, un désert semi-aride sujet à des sécheresses et à des températures pouvant atteindre jusqu’à 45 °C. Ils s’approvisionnent en nourriture de façon traditionnelle, c’est-à-dire avec la chasse et de la cueillette ; toutefois, les pratiques ont évolué avec le temps et les méthodes traditionnelles incluent maintenant l’agriculture à petite échelle, le pastoralisme, ainsi que l’emploi, par exemple en tant que berger, personnel de maison ou guide de chasse.
Depuis 1966 et jusqu’aux années 1980, la RKC est restée relativement stable pour les San et les Bakgalagadi qui y vivaient. Mais en 1986, le gouvernement du Botswana a mis en place une initiative visant soi-disant à améliorer les moyens de subsistance des citoyens en zone rurale, qu’ils nommaient « les habitants des zones isolées ». Cette initiative suivait en partie les recommandations tirées d’une étude réalisée par des écologues et des représentants du gouvernement. Cette étude a mené à la conclusion que les personnes vivant dans la RKC représentaient une menace imminente pour la faune, en conséquence de quoi le gouvernement a déclaré qu’ils devraient être réinstallés en dehors de la réserve. En 1997, le gouvernement du Botswana a commencé à expulser énergiquement les San et les Bakgalagadi de la RKC. Deux camps de réinstallation ont été construits pour eux en dehors de la réserve près des murs ouest et sud, à New Xade et de Kaudwane.
Pour les forcer à quitter leurs terres ancestrales et à s’installer dans les camps, le gouvernement a supprimé les services de base en janvier 2002. Ils ont scellé leurs puits de forage pour bloquer tout accès à l’eau, et interrompu les rations de nourriture, les transports scolaires et l’aide médicale. Cette même année, le gouvernement a également interdit aux tribus de chasser dans la réserve.
Au total, entre 2 200 et 2 500 personnes ont été déplacées, bien que le gouvernement ne prétende que beaucoup ont quitté la réserve de leur propre chef. Que cela soit vrai ou non, la vie quotidienne de ces personnes dans les camps de New Xade et de Kaudwane se limite dorénavant à un mélange de dépendance aux aides sociales, de prostitution et d’abus d’alcool, selon le témoignage de Gordon Bennett, un avocat britannique des Droits de l’Homme qui a travaillé aux côtés des San et des Bakgalagadi dans le cadre de plusieurs procédures judiciaires contre le gouvernement du Botswana.
Les membres des peuples San et Bakgalagadi qui ont été contactés pour partager leur histoire ont refusé d’être enregistrés lors de leurs déclarations et de donner des détails sur leurs rencontres avec le gouvernement par peur d’être la cible de représailles. Gordon Bennett a également partagé son témoignage sur les conditions de vie actuelles dans le camp de New Xade où il s’est rendu.
« Il leur est impossible de cueillir leur propre nourriture car là-bas, rien ne pousse » a-t-il confié à mongabay.com. « Ils ne peuvent plus trouver leur nourriture dans la nature. Ils ouvrent des paquets qui leur sont envoyés par le gouvernement. C’est très humiliant pour eux. Beaucoup d’entre eux, plus particulièrement les personnes âgées, se voient forcés à vivre ainsi pour la première fois. Les parents ne peuvent rien apprendre à leurs enfants et ceux-ci se mettent à boire, à se battre, et contractent le virus du sida. »
Toute personne prise en flagrant délit de chasse dans la RKC fait face à des conséquences sévères, a expliqué Bennett. « Résultat, les gardes-chasse ont plutôt tendance à passer à tabac les personnes qu’ils arrêtent car c’est plus rapide, moins cher et plus efficace que les poursuites judiciaires. Ils frappent la plante de leurs pieds avec un bâton, ou les attachent à leur voiture et les traînent sur plusieurs kilomètres ».
Roy Sesana est un activiste San fondateur d’un groupe de défense maintenant dissous du nom de First People of the Kalahari. En 2005, Roy Sesana et 21 autres personnes ont été arrêtées et battues pour avoir essayé d’apporter de l’eau et de la nourriture à la réserve pour leurs familles au bord de la famine. Un an plus tôt, son frère est décédé quelques jours après avoir été tabassé par les gardes-chasse.
Suite à son arrestation, Roy Sesana a reçu le Right Livelihood Award, plus connu en français sous le nom de Prix nobel alternatif, décerné par le Parlement suédois. « Le président a dit que si nous ne changeons pas, nous finirons par disparaître comme le dodo. Moi, je ne savais pas ce qu’était un dodo. Puis j’ai appris qu’il s’agit d’une espèce d’oiseau qui a été éradiquée par les colons. Le président avait raison. Ils nous tuent en nous forçant à quitter nos terres » a-t-il écrit dans son discours d’acceptation avec l’aide d’amis anglophones.
Roy Sesana a exprimé sa crainte que la culture San ne disparaisse très bientôt dans les limbes des camps de réinstallation. « Aujourd’hui, le seul endroit où l’on trouve des Bochimans vêtus de nos habits traditionnels et entourés de huttes traditionnelles, c’est dans les villages touristiques locaux » a-t-il déclaré à un journaliste de la BBC dans le cadre d’un reportage en 2014. « Nous avons peur qu’à l’avenir, plus personne ne soit capable de pratiquer la culture bochimane à moins que ça ne soit pour défiler devant les touristes pour le compte d’entreprises qui les utilisent à des fins lucratives » a-t-il dit.
Des représailles envers les étrangers
Les premiers activistes étrangers célèbres à avoir été expulsés du Botswana sont Mark et Delia Owens, deux chercheurs américains devenus par la suite des défenseurs des droits des animaux. Dans les années 70, ils ont vécu pendant sept ans à Deception Valley dans la RKC et y ont étudié la vie sauvage. Leur autobiographie Le cri du Kalahari : sur les dernières terres inviolées d’Afrique publiée en 1984 décrit leurs conditions de vie dans la RKC et les résultats de leurs recherches.
En 1986, soit deux ans après la parution de leur livre, ils ont été expulsés du pays pour leur critique de l’impact de l’industrie bovine sur l’écosystème du Kalahari et pour leur appel à améliorer les efforts de préservation. Quelques années plus tard, les Owens ont également été pointés du doigt par les universitaires et les défenseurs des peuples indigènes du Kalahari pour avoir contribué à l’expulsion des San et des Bakgalagadi de la réserve en participant à l’enquête environnementale du gouvernement, une accusation niée par le couple.
Depuis lors, des dizaines d’universitaires, d’activistes des droits de l’Homme et de journalistes étrangers ayant dénoncé ou protesté contre la marginalisation des peuples du Kalahari ont été sujets à des restrictions de visa ou ont été déclarés interdits de territoire.
Parmi eux figuraient quatre membres de Survival International, une organisation pour la défense des droits des peuples autochtones, qui ont été interdits de territoire depuis 2007. Survival International a eu une relation litigieuse avec le gouvernement botswanais et continue de lancer des appels fermes pour redonner aux San leurs droits à la terre et à la chasse. « Forcer [les San] à quitter leurs terres ancestrales expose la RKC aux recherches par fracturation hydraulique et à l’exploitation par le tourisme et la prospection diamantaire » explique Alice Bayer, porte-parole de Survival International dans un e-mail destiné à mongabay.com.
La critique de la fracturation et de l’exploitation des mines de diamants est un point de friction particulièrement important pour le gouvernement du Botswana. Diverses organisations ont prétendu que le gouvernement a expulsé les peuples du Kalahari dans l’unique but de laisser le champ libre à l’exploitation de deux mines de diamants situées dans la RKC. La première mine a ouvert l’année dernière et le bénéfice lié à la production de diamants est estimé à environ 65 millions de dollars américains par an. Toutefois, le gouvernement ainsi qu’un groupe de défense des San ont nié l’existence d’un lien entre l’expulsion et la prospection minière, pour la simple raison que la réserve est bien assez grande pour permettre de procéder à l’exploitation des mines en présence des autochtones sur le territoire.
La demande de visa de Gordon Bennett est actuellement rejetée. En juin 2013, il a travaillé sur une affaire impliquant un autre groupe de San vivant dans une communauté du nom de Ranyane établie à l’ouest de la réserve. Les San estimaient que Ranyane était leur territoire ancestral et le conseil administratif local menaçait de les en expulser. Le tribunal s’est finalement prononcé en faveur des San, leur donnant le droit de rester à Ranyane.
Gordon Bennett s’est rappelé voir de nombreux San célébrer leur victoire en tenue de cérémonie à la sortie du tribunal. Suite à leur déclaration de reconnaissance, Gordon Bennett leur a dit publiquement qu’ils devraient plutôt se remercier les uns les autres pour être parvenus à recourir au système judiciaire.
« Je pense que quelqu’un nous écoutait » a dit Gordon Bennett. « En effet, deux jours après cet événement, j’ai été arrêté. J’ai été amené contre mon gré au Département de l’immigration où j’ai été interrogé par le secrétaire permanent. Il m’a posé des questions sur la façon dont j’ai rempli mon formulaire de demande de visa lorsque je suis arrivé. En partant, il m’a dit « vous faites des discours politiques. Si vous faites ça, vous ne serez pas ami avec le Botswana. » Je lui ai demandé de quels discours politiques il parlait. Il a répondu qu’il n’était pas préparé à me le dire. Je ne suis pas un homme politique. Je ne fais pas de discours. »
Gordon Bennett a supposé que les actions du gouvernement à l’encontre des défenseurs étrangers sont en partie dues au fait qu’ils ont perdu plusieurs procès (en 2013, ce fut le troisième). « Je pense qu’ils en ont tout simplement eu assez » a-t-il ajouté. « Je pense qu’ils ont eu l’impression que nous mettions notre nez dans les affaires des autres et, bien que ça leur ait valu de nombreuses critiques politiques, ça en vaut la peine, car en nous tenant à distance nous ne pourrons plus leur poser problème. »
Des victoires juridiques tempérées
Pour la première fois en 2002, les tribus du Kalahari ont intenté un procès contre le gouvernement du Botswana au sujet de leur déplacement hors de la RKC. Bien que leur première tentative ait été rejetée par la Haute cour botswanaise en raison d’un détail technique, ils ont toutefois réussi à faire appel, et c’est ainsi que commença l’affaire judiciaire la plus longue de toute l’histoire du Botswana.
Gordon Bennett a commencé à représenter les groupes en 2004 après deux ans d’obstructions dues selon lui aux erreurs de procédure faites par l’équipe juridique d’origine. Les coûts du procès ont été initialement pris en charge par Survival International.
En décembre 2006, la Haute cour botswanaise a autorisé 189 des 243 demandeurs à retourner dans la RKC ainsi qu’à y pratiquer la chasse et la cueillette, à condition d’obtenir des permis de chasse approuvés par le gouvernement. Un seul bémol à cette victoire : tout service social leur serait dorénavant refusé.
Voici le résultat qu’a décrit Gordon Bennett : « Les tribus ont fait face à une difficulté évidente sachant qu’il n’y avait plus aucune source d’eau au sein de la réserve. Le gouvernement avait en effet scellé le seul puits de forage et refusé de le rouvrir ».
Les tribus du Kalahari ont alors entamé une lutte juridique pour revendiquer leur droit d’accès à l’eau dans la RKC et elles ont également gagné ce procès-ci en janvier 2011. « Cela leur a donné une réelle chance de pouvoir retourner sur leurs terres, en particulier pour les plus âgés et pour les plus jeunes car le manque d’eau rend la survie très difficile dans un tel environnement » a expliqué Gordon Bennett.
Selon Gordon Bennett, un autre problème a fait surface après le retour des tribus dans la réserve : le gouvernement a refusé de leur délivrer des permis de chasse, et ce bien que le tribunal ait déclaré en 2006 que cela constituait une violation des droits à la vie des tribus, les rations alimentaires n’étant plus distribuées.
Gordon Bennett et son équipe sont actuellement en train de préparer une offensive juridique pour contester cette décision. Pour le moment, les indigènes qui vivent ou se rendent dans la RKC continuent de chasser, bien qu’ils courent le risque de se faire battre ou arrêter.
Les complexités de la préservation
Outre la limitation des coûts liés aux services à distance destinés aux San et aux Bakgalagadi, la préservation reste la raison principale ayant poussé le gouvernement du Botswana à réinstaller les tribus hors de la réserve. Plusieurs représentants du gouvernement n’ont pas souhaité faire de commentaires à ce sujet. Mais selon plusieurs articles de presse, ils auraient déclaré que le déplacement des tribus était une réponse directe aux menaces écologiques, plus particulièrement à la chasse excessive et à la dégradation de l’habitat.
En réponse à plusieurs institutions internationales pour la conservation ayant appelé à l’augmentation de la sécurité des animaux sauvages, le gouvernement du Botswana a encouragé l’écotourisme (ou tourisme vert), qui représente maintenant environ 12 % du PIB du pays.
Beaucoup d’écologistes considèrent ce concept comme avantageux à la fois pour la nature et pour le gouvernement. En effet, l’écotourisme permet de protéger les animaux et les habitats sauvages grâce aux dépenses massives des touristes, principalement des étrangers désireux de découvrir la célèbre faune africaine dans des environnements naturels et préservés. Un activiste s’est exprimé au nom de plusieurs membres des tribus réinstallées souhaitant garder l’anonymat pour éviter toutes représailles de la part du gouvernement ; il a expliqué que l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement du Botswana a exclu les San et les Bakgalagadi de la réserve est la crainte que les écotouristes étrangers n’apprécient pas de voir des personnes dans la réserve. D’une part parce que l’environnement sauvage en paraîtrait moins « naturel », et d’autre part parce qu’ils seraient embarrassés par l’apparence « primitive » des indigènes.
Toutefois, malgré le succès apparent de l’écotourisme dans beaucoup d’endroits, de nombreuses critiques soulèvent la question de savoir s’il s’agit de l’unique option viable en Afrique pour donner aux peuples locaux de quoi vivre lorsque la chasse de subsistance est interdite.
« Je pense que [l’écotourisme] est peut-être pire car de nombreuses infrastructures doivent être mises en place pour les touristes afin de leur assurer le confort maximum qu’ils désirent. Cette pression résulte invariablement en une dégradation de l’habitat et, pire encore, elle détruit la culture traditionnelle qui a permis de préserver cet environnement pendant si longtemps » a confié le journaliste indépendant et auteur du livre Game Changer : Animal Rights and the Fate of Africa’s Wildlife paru en 2012 (en français : les droits des animaux et le sort des animaux sauvages en Afrique) Glen Martin à mongabay.com.
Ayant passé du temps avec les San Ju/’hoansi à Nyae Nyae Conservancy en Namibie, Glen Martin a expliqué ce qu’a signifié leur intégration dans la réserve : « pour eux, c’est bien plus simple que ce que les gens pensent. Tout ce qu’ils veulent, c’est rester un peuple traditionnel et très conservateur, c’est-à-dire pouvoir chasser. Ils ne demandent aucune infrastructure. En fait, ils ne demandent presque rien. Ils veulent simplement avoir le droit de chasser et cela représente bien plus que l’idée que nous avons de la chasse et de ce que cela signifie. Nous devons faire évoluer notre notion de chasse. En faisant cela, nous obtiendrons de meilleurs résultats. »
Paradoxalement, interdire la chasse réglementée par les peuples traditionnels peut mener à une diminution rapide de la population d’animaux sauvages, car les braconniers ont alors la voie libre pour chasser et exterminer de façon non-durable. Dans son livre, Glen Martin décrit le modèle de conservation kenyan qui a interdit la chasse en 1977. Depuis lors, le pays a vu sa faune sauvage diminuer de 60 à 70 %, principalement à cause du braconnage et de programmes de développement alternatifs comme le commerce et l’agriculture.
À moins de faire comprendre la valeur qu’a la chasse pour les peuples locaux, ils décimeront les populations animales » a expliqué Glen Martin. « Ils sont constamment au bord de l’extinction. Si les personnes ne voient aucun bénéfice utilitaire lié à la faune sauvage, il l’extermineront et au lieu de cela, ils élèveront des chèvres ou produiront du charbon, car dans une certaine mesure, il n’y a pas vraiment le choix. »
À la différence du Kenya et du Botswana, la Namibie encourage une approche conservatrice plutôt basée sur la communauté et développée autour de l’écotourisme et d’une chasse de subsistance rigoureusement contrôlée. Cette approche permet de conserver une population stable d’animaux sauvages et d’obtenir un meilleur support en matière de conservation de la part des communautés rurales.
À la différence de la philosophie environnementale la plus répandue consistant à préserver la faune sauvage à tout prix, cette approche-ci se base sur le fait que, en réalité, la présence d’une population locale chassant uniquement pour survivre représente un facteur de stabilité pouvant même aider à renforcer les populations d’animaux sauvages.
Nyae Nyae Conservancy en Namibie est l’un des nombreux exemples où les peuples locaux (ici les Ju/’hoansi) peuvent chasser et signaler des actes de braconnage illégal aux autorités de gestion du gibier.
« Ce sont des pisteurs et des chasseurs presque surnaturels » a déclaré Glen Martin. « Quand ils arpentent leurs terres, ils savent où se trouve chaque animal, ils savent si quelqu’un d’autre s’approche et si ces intrus font quelque chose d’illégal. Il n’y a pas de meilleur système de conservation. »
Pourtant la situation opposée est bien plus courante. Selon un article publié en 2014 par Survival International, partout dans le monde, des « réfugiés de la conservation » indigènes sont expulsés de leurs terres pour permettre de créer des réserves naturelles par millions. Cette organisation a critiqué à de nombreuses reprises les grandes ONG internationales qui ferment les yeux sur les atteintes aux droits de l’Homme faites au nom de la conservation et de la préservation de la faune sauvage.
Leur futur
La conservation mise à part, le Botswana espère continuer de progresser sur le plan économique et social. De nombreux Botswanais, y compris les membres du gouvernement, considéraient les modes de vie basés sur la chasse et la cueillette comme un indicateur archaïque de la pauvreté. De plus, au vu de la tentative désastreuse de séparation des personnes de races différentes sous l’apartheid en l’Afrique du Sud, le gouvernement botswanais soutient fortement l’égalité sociale et ne souhaite pas voir ses citoyens traités de façons différentes.
Gordon Bennett partage l’opinion du gouvernement sur ce point, mais seulement dans une certaine mesure. « Ils pensent que si les personnes comme moi comprennent mon point de vue, alors ils devront garder [les San et les Bakgalagadi] à l’écart. Mais je pense que c’est tout le contraire S’ils souhaitent rejoindre la société ordinaire, il n’y a aucun problème. Mais s’ils n’en ont pas envie, ils devraient avoir le droit de décider de la façon dont ils veulent vivre leur vie. »
Pour le moment, le futur des San et des Bakgalagadi est instable. Malgré les difficultés rencontrées par Gordon Bennett pour obtenir un visa pour le Botswana, il prépare avec son équipe la défense de deux affaires liées. La première vise à forcer le gouvernement à délivrer des permis de chasse aux San et aux Bakgalagadi vivant actuellement dans la réserve, et la seconde, plus fastidieuse, a pour objectif d’autoriser à nouveau l’accès à la réserve à tous les San et les Bakgalagadi encore interdits d’entrée.
Pour l’heure, la Réserve du Kalahari central demeure une fantastique étendue sauvage que les visiteurs du monde entier peuvent découvrir, accessible à tous, sauf à ceux qui y vivaient depuis toujours.
Citations
- Fihlani, P. (2014). Botswana Bushmen: Modern life is destroying us. BBC News.
- Goldberg, J. (2010). The hunted. The New Yorker.
- Martin, G. (2012). Game Changer: Animal Rights and the Fate of Africa’s Wildlife. University of California Press.
- Ontebetse, K. (2013). Botswana slaps visa restrictions on Malema, Bennett. Sunday Standard.
- Owens, M., & Owens, C. (1984). Cry of the Kalahari. Mariner Books.
- Sarkin, J., & Cook, A. (2010-2011). The Human Rights of the San (Bushmen) and of Botswana – the Clash of the Rights of Indigenous Communities and their Access to Water with the Rights of the State to Environmental Conservation and Mineral Resource Exploitation. Journal of Transnational Law and Policy 20:1-40.
- Parks Need Peoples (2014). Survival International. London, UK.