Nouvelles de l'environnement

Quel véritable impact du retrait de SOCO sur l’avenir du Parc National desVirunga

Virunga, SOCO et les Grands Singes – Lequel remportera la bataille ? – 1ère Partie



Un accord entre SOCO International, compagnie pétrolière britannique, et WWF a récemment fait les gros titres de la presse, soulignant la fin de l’exploitation pétrolière dans le Parc National des Virunga. On a ainsi pu lire à la une: Fin des forages de la compagnie pétrolière SOCO sur le Site du Patrimoine Mondial des Virunga, Un accord vise l’interdiction des forages sur une réserve de gorilles, et Soco met un terme à l’exploration pétrolière dans le parc national africain des Virunga. Cependant, les mêmes gros titres avaient fusé en 2011, ce qui n’a pas empêché le retour de l’exploration pétrolière.



Lorsque le Roi Albert I de Belgique a fondé le Parc National des Virunga en 1925, première zone protégée du genre en Afrique, il ne se rendait pas compte de ce qui les attendait. Le roi a créé le parc dans ce qui était alors le Congo Belge afin de protéger les gorilles des montagnes dans la zone connue aujourd’hui comme le secteur sud de Mikeno, mais depuis 1925, le parc s’est étendu vers le nord jusqu’aux Monts Rwenzori, soit 150 km plus loin. A présent, avec ses 7,800 km2, il comprend l’un des paysages les plus diversifiés et les plus spectaculaires de l’Afrique, dont des volcans en activité, des forêts tropicales, des savanes, des marais, des montagnes enneigées, et les lacs et rivières de la vallée du Grand Rift.





Bébé gorille des montagnes au Parc National des Virunga, République Démocratique du Congo - Photo originale de Cai Tjeenk Willink –recadrée - disponible sous a href=http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/CC BY-SA 3.0/a
Bébé gorille des montagnes au Parc National des Virunga, République Démocratique du Congo – Photo originale de Cai Tjeenk Willink –recadrée – disponible sous CC BY-SA 3.0



En dehors des gorilles des montagnes (Gorilla beringei beringei), le parc abrite également le gorille de plaine orientale Graueri (Gorilla beringei graueri) et le chimpanzé commun (Pan troglodytes), faisant de Virunga le seul parc au monde à abriter trois espèces de grands singes. Par ailleurs, des éléphants de forêt et de savane, le rare Okapi – semblant de mélange entre un zèbre et une girafe – des lions, des hippopotames et divers petits singes errent également au sein du parc. Virunga est l’un des endroits les plus diversifiés de la planète sur le plan biologique, contenant plus d’espèces de mammifères, d’oiseaux et de reptiles que n’importe quelle autre zone protégée du continent africain.



En reconnaissance de l’importance du parc en termes de biodiversité, il a été inscrit au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 1979. Ainsi, en vertu de la Convention du Patrimoine Mondial, le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) s’engage à faire tout ce qui est en son pouvoir afin que des mesures efficaces et actives soient prises pour la « …protection, conservation et présentation du patrimoine culturel et naturel situé sur son territoire. »



Mais c’est en 2006 que Soco International entra en scène. SOCO, qui opère également au Congo-Brazzaville, en Angola et au Vietnam, a été attiré par le site d’Albertine Graben, une dépression géologique le long du flanc ouest de la Vallée du Grand Rift, suite à la découverte de pétrole du coté de l’Ouganda. Du fait que les grabens font fi des frontières créées par l’homme, il était donc logique que le pétrole se trouve également du côté de la RDC.



Le gouvernement de la RDC a concédé à SOCO une énorme zone d’exploration, du nom de Bloc V, en juin 2006. Le bloc de 7,500 km2 s’étend le long de la frontière de l’Ouganda, débutant sur la rive nord du Lac Edward et descendant vers le sud à travers le Parc National des Virunga, jusqu’au nord du Secteur Mikeno, là où Diane Fossey à étudié ses fameux « Gorilles dans la Brume ». Une petite population de gorilles Graueri vit sur le Mont Tshiaberimu, au nord u Bloc V, et des chimpanzés sont dispersés en divers endroits au sein du bloc.


Gorille mâle à dos argenté au camp de toile du Poste de Patrouille de Bukima. Photo de: Innocent Mburanumwe.
Gorille mâle à dos argenté au camp de toile du Poste de Patrouille de Bukima. Photo de: Innocent Mburanumwe/Creative Commons 3.0.



Depuis que l’on a su qu’une compagnie pétrolière avait commencé des explorations à Virunga, les défenseurs de l’environnement ont soulevé une vague de protestations contre la présence des foreurs. Même des milliardaires comme Richard Branson et Howard Buffet, soutenus par l’autorité morale du prix Nobel de la Paix l’Archevêque Desmond Tutu, ont déclaré en tribune libre dans le Huffington Post, « Il est…difficile de comprendre comment l’exploration pétrolière dans une région fragile telle que Virunga soit un plan qui serve les meilleurs intérêts du peuple congolais. »



WWF (Worldwide Fund for Nature – Fonds mondial pour la nature) International a entrainé une coalition de groupes de conservation dans une vigoureuse campagne: « Virunga: le plus beau et le plus riche en biodiversité des champs pétrolier d’Afrique ? Aidez-nous à l’arrêt immédiat du projet pétrolier. » Une pétition en ligne a permis de recueillir 750,000 signatures s’opposant à l’intervention de SOCO dans la région. La Belgique, l’Allemagne et l’Union Européenne sont également opposées à toute forme d’exploration pétrolière dans le parc, et l’UNESCO, gardien des sites du Patrimoine Mondial, a appelé à l’annulation de la concession de SOCO.



WWF a déposé une plainte contre SOCO auprès de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique), stipulant que la compagnie était en violation des directives applicables aux pratiques commerciales loyales, ainsi que de la législation en vigueur en RDC. En effet, la législation congolaise règlementant les parcs nationaux, adoptée en 1969, interdit toute forme de « fouilles, travaux de terrassement, études géologiques, échantillonnages ou autre travail susceptible d’altérer l’apparence du terrain et ou de la végétation, » excepté dans un contexte de recherche scientifique. Dans ce cas là, SOCO qualifiait ses études de prospection sismique de « recherche scientifique ».



SOCO a finalement cédé à la pression internationale et le 11 juin a fait une annonce conjointe avec le WWF, indiquant qu’ils étaient enfin parvenus à un commun accord. WWF laisserait tomber sa plainte auprès de l’OCDE et SOCO suspendrait toutes ses opérations.



« Aujourd’hui est une victoire pour notre planète et pour les bonnes pratiques des entreprises… Il est maintenant temps pour la communauté internationale d’apporter son soutien à la RDC et d’aider à la mise en place d’un changement durable qui assureront au premier parc national africain de rester la mère des parcs de l’Afrique, » a déclaré la semaine dernière Marco Lambertini, Directeur General de WWF International.



Gorilles de montagne au Park National des Virunga. Photo de: Cai Tjeenk Willink
Gorilles de montagne au Park National des Virunga. Photo de: Cai Tjeenk Willink/Creative Commons 3.0.


La déclaration de SOCO, néanmoins, laissait présager que cette victoire pouvait être de courte durée. Non seulement SOCO continuerait son « …programme d’opérations au Virunga qui devrait s’achever dans environ trente jours après la date de cette déclaration, » mais aussi « la compagnie s’engage à ne pas entreprendre ou mettre à exécution tous travaux exploratoires ou de forage au sein du Parc National des Virunga, sauf si l’UNESCO ou le gouvernement de la RDC jugent que de telles activités ne sont pas incompatibles avec son statut de Patrimoine Mondial. »



La porte est donc toujours ouverte à SOCO pour poursuivre ses travaux si la RDC et l’UNESCO le permettent. Le gouvernement de la RDC a démontré ses engagements envers SOCO pour l’exploitation des ses ressources pétrolières dans l’Albertine Graben à travers de nombreuses déclarations et accords signés, tout particulièrement un mémorandum d‘accord de huit pages entre l’autorité congolaise des parcs nationaux (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature ICCN) et SOCO, signé en novembre 2013.



Le memorandum soumet les activités et résultats de SOCO directement sous le contrôle personnel du Pasteur Cosma Wilunga Balongelwa, Directeur Général de l’ICCN, y compris les $15,000 par mois versés par SOCO à l’ICCN pour le droit d’accès au parc.



« Notre accord avec WWF souligne la nécessité pour le gouvernement de la RDC et l’UNESCO de parvenir également à une entente sur la meilleure façon de combiner développement et environnement », a déclaré RUI de Sousa, Président de SOCO.



Ainsi, la décision finale sur la possibilité de SOCO de poursuivre ses opérations au sein de Virunga semble reposer à présent sur l’UNESCO, puisque les autorités de la RDC sont déjà d’accord que de « telles activités ne sont pas incompatibles avec son statut de Patrimoine Mondial ».



Quoi qu’il en soit, près de la moitié du Bloc V se situe en dehors des frontières du Parc National des Virunga. Rien dans son accord avec WWF ne peut donc empêcher SOCO de poursuivre ses opérations là-bas, au-delà d’une ligne verte imaginaire.



Cette affaire ne s’arrête pas là. A suivre bientôt dans la 2ème Partie.



Cet article a été produit sous l’égide du programme spécial des initiatives de rapports de Mongabay.org Special Reporting Initiatives (SRI) program permettant à des journalistes professionnels de mener des enquêtes et rédiger des rapports approfondis sur une question spécifique.


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