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Singapour intercepte une cargaison illicite massive de bois de rose de Madagascar


Récentes saisies de bois de rose de Madagascar

Récentes saisies de bois de rose de Madagascar.


Les autorités de Singapour ont réalisé la plus importante saisie internationale de rondins de bois de rose, fournissant une preuve de plus que le trafic de bois de Madagascar se poursuit à l’échelle industrielle en dépit d’une interdiction officielle du commerce de ce produit.



Les détails sur la saisie sont limités car l’enquête est toujours en cours, mais une fuite d’information sur une correspondance entre des responsables malgaches indique que la cargaison s’élève à 3,000 tonnes soit plus de 29,000 rondins de bois de rose illicite. Par comparaison, la saisie de Monbasa qui fit la une des journaux la semaine dernière suite à une enquête de l’Agence d’Investigation Environnementale se montait à 500 tonnes, soit 4,400 rondins – était plus de six fois inférieure. La saisie du Kenya eut lieu moins de deux mois après l’interception par le Sri Lanka d’une cargaison de 420 tonnes.



Il semblerait que le bois provenait des stocks de rondins de bois de rose qui s’amenuisaient à vue d’œil ; ceux-ci s’étaient accumulés après la forte poussée de l’abattage illégal de bois suite au coup d’état qui chassa du pouvoir l’ancien président Marc Ravalomanana. Les parcs nationaux et réserves forestières furent pillés durant la période de crise politique qui s’ensuivit, mais le tollé mondial que cela suscita obligea le gouvernement provisoire à établir une interdiction sur l’exportation de rondins de bois de forêt tropicale.



Photos lors de la saisie de bois de rose malgache par le Sri Lanka en avril. De récentes descentes ont également eu lieu à Monbasa, Singapour et diverses villes malgaches. On pense que le Mozambique est également un point principal de transbordement illégal de rondins de bois de rose.
Photos lors de la saisie de bois de rose malgache par le Sri Lanka en avril. De récentes descentes ont également eu lieu à Monbasa, Singapour et diverses villes malgaches. On pense que le Mozambique est également un point principal de transbordement illégal de rondins de bois de rose. photos © Sri Lanka Customs




Néanmoins, les rondins continuaient de s’écouler lentement hors de Madagascar. Le discours qui se tient actuellement est que le trafic serait essentiellement l’œuvre de petits opérateurs qui déplacent les caches de rondins ensevelis du rivage vers les navires ancrés au large, mais l’ampleur des récentes saisies sous entend que le bois est chargé de manière aléatoire via différents ports de Madagascar. En d’autres termes, le commerce s’effectue à l’échelle industrielle.



Selon une source interrogée par Mongabay, le volume des transferts soulève des questions quant à l’implication possible des autorités locales dans ce commerce.



« La nature bien organisée de ces transferts indique une certaine corruption à un très haut niveau politique à Madagascar, » a déclaré cette même source, témoignant sous couvert de l’anonymat. « Elle implique presque certainement de très haut responsables du gouvernement provisoire, dont certains faisaient probablement partie du gouvernement récemment élu. »




Marquages sur des rondins de bois de rose à Madagascar




Des signes indiquant qu’une partie de ce bois avait été auparavant saisie par les autorités malgaches viennent renforcer ces allégations. Les rondins saisis outre-mer portent un marquage à la peinture et sont attachés ensemble, indiquant qu’ils étaient auparavant détenus par le gouvernement.



« Tout au moins, le fait que ce bois se retrouve dans des ports d’outre-mer indique que le gouvernement malgache n’a pas réussi à assurer la sécurité de ses stocks de bois de rose, » poursuivit la source.



Arbre de bois de rose récemment coupé dans la forêt tropicale de Madagascar
Arbre de bois de rose récemment coupé dans la forêt tropicale de Madagascar


Stock de rondins de bois de rose au port d’Antalaha, Madagascar, mi-mai 2014
Stock de rondins de bois de rose au port d’Antalaha, Madagascar, mi-mai 2014




Dans le cadre d’un programme de la Banque Mondiale, les stocks de bois de rose étaient supposés être inventoriés pour éviter précisément ce genre de fuites. Mais le processus a été retardé.



« Nous venons d’achever un plan d’action comprenant le recensement, le marquage et le transport des rondins vers des emplacements sûrs et sécurisés » a rapporté un porte-parole de la Banque Mondiale à Mongabay. « Nous attendons une réponse du gouvernement à propos des prochaines étapes et d’une éventuelle demande de soutien. »



Reste à savoir s’il y aura encore du bois dans les stocks en attendant que la Banque Mondiale soit autorisée à procéder à cet inventaire. Les récentes saisies de Madagascar et d’ailleurs dépassent à présent 50,000 rondins d’une valeur de près de $130 millions au prix courant, un montant qui se multipliera une fois que les rondins seront traités et transformés en bois de placage.



Bois de rose poli à Madagascar
Bois de rose poli à Madagascar


Cargaison de bois de rose malgache interceptée au Sri Lanka début avril 2014. Crédit photo : Douane du Sri Lanka
Cargaison de bois de rose malgache interceptée au Sri Lanka début avril 2014. Crédit photo : Douane du Sri Lanka




La majeure partie du bois de rose est destinée au marché chinois où il est transformé en mobilier de luxe. Une enquête de l’EIA (Agence d’investigation environnementale) effectuée en 2010 a révélé que le prix d’un lit en bois de rose pouvait atteindre $1 million sur le marché chinois.



Selon Alexander von Bismarck, Directeur Exécutif de l’EIA, il est impératif de se pencher sur la question de la forte demande de bois de rose si l’on veut mettre un terme à ce commerce.



« La forte demande de la Chine pour le mobilier de luxe en bois de rose est en train d’alimenter la crise mondiale d’abattage illicite de bois de rose » a énoncé von Bismarck dans une déclaration publiée la semaine passée. « En tant que pays destinataire de la grande majorité du bois de rose, la Chine porte une responsabilité toute particulière et se doit de fermer son marché au bois illégal avant que de magnifiques forêts soient entièrement détruites et que des espèces rares soient totalement éteintes. »



Entretemps, le sort de près de 30,000 rondins de bois de rose stockés dans un lieu tenu secret à Singapour demeure incertain. Le bois de rose est inscrit à l’Annexe II de la Convention sur le Commerce International des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction (CITES), signifiant que son commerce est soumis à restriction. Etant donné que le bois est illégal, il pourrait être détruit ou retourné à Madagascar, à condition qu’il ait les moyens de rapatrier les rondins. Pour l’instant, cette option semble peu probable du fait des frais de rapatriement du bois vers l’île de l’Océan Indien.



Il n’est pas non plus certain qu’une fois les rondins de retour à Madagascar ils ne soient pas de nouveau transportés clandestinement hors du pays.




Vidéo de la saisie de bois de rose au Sri Lanka.


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