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Un réchauffement de 1,5 degrés celsius suffirait à libérer une quantité massive de gaz à effet de serre dans la zone de permafrost

Frost crystals at the entrance of Ledyanaya Lenskaya Cave. Photo by: Vladimir V. Alexioglo.
Cristaux de glace à l’entrée de la Grotte de Ledyanaya Lenskaya. Photo par: Vladimir V. Alexioglo.


La communauté internationale s’est engagée à limiter à 2°C (3,6 degrés Fahrenheit) la hausse globale des températures par rapport à l’ère pré-industrielle. Or, une nouvelle recherche dont les résultats sont publiés par le magazine Science, alerte sur le risque d’un basculement climatique si le seuil de 1,5 ° C (2,5 degrés Fahrenheit) est atteint. En étudiant les stalactites et les stalagmites de la Grotte de Ledyanaya Lenskaya en Sibérie, les chercheurs ont montré qu’un réchauffement d’environ 1,5 °C provoque la fonte du gel permanent en Sibérie, ce qui peut faire exploser une bombe à retardement de gaz à effet de serre d’une puissance potentielle de 1 000 gigatonnes, selon des experts.



L’étude des stalactites et stalagmites de cette grotte permet de retracer l’histoire climatique de la Sibérie et révèle une quasi-absence de gel permanent en Russie il y environ 400 000 ans. A cette époque, la température globale était environ 1,5 degrés plus chaude que pendant les derniers 10 000 ans de l’histoire récente (celle de la civilisation humaine).



“Ces stalactites et stalagmites gardent l’empreinte du climat passé et permettent de prédire l’impact des périodes chaudes (semblables à notre climat actuel) sur la zone de gel permanent en Sibérie,” explique le principal auteur de l’étude, le Pr Anton Vaks du Department of Earth Sciences à l’Université d’Oxford. Puisque les stalactites et stalagmites ne croissent pas en milieu de gel permanent, mais seulement en période de fonte des glaces et en présence de pluie, ces concrétions sont des indices précieux pour reconstituer l’histoire du climat au cours des âges.



L’étude révèle que l’unique période pendant laquelle le gel permanent a fondu au cours du dernier demi-million d’années est celle comprise entre 424 000 et 374 000 ans, avec une température globale supérieure de 1,5 °C à celle que nous connaissons aujourd’hui. A ce jour, le réchauffement global est de 0,8 °C (1,4 degrés Fahrenheit) mais il s’est opéré en seulement deux siècles avec une forte accélération (les deux tiers de cette hausse sont intervenus depuis 1980),



“La zone de gel permanent représentant 24 % de la terre ferme de l’hémisphère nord, une fonte substantielle pourrait affecter un territoire énorme et libérer des gigatonnes de carbone,” précise le Pr Vaks. En effet, dès lors que la zone de gel permanent fond, le soleil et les bactéries dégradent le matériel végétal jusque-là captif du gel, libérant du carbone et du méthane dans l’atmosphère dans des proportions qui sont aujourd’hui âprement débattues par les spécialistes.



Malgré les conséquences désastreuses, les experts estiment que le seuil de 1,5 °C sera presque certainement atteint, voire dépassé, car les émissions globales de gaz à effet de serre sont toujours en hausse d’une année sur l’autre. De nombreuses sources d’émissions sont considérées comme “pérennes” du fait de la taille du parc de centrales thermiques (qui fonctionnent avec des énergies fossiles) existantes ou en cours de construction. De nombreux pays vulnérables et insulaires appellent à la réduction de l’objectif global à 1,5 °C au lieu de 2 °C mais, même cet objectif moins contraignant de 2 degrés paraît aujourd’hui de plus en plus hors de portée, sauf, peut-être, si l’on trouvait un moyen pour littéralement expurger le carbone de l’atmosphère ou si l’on arrêtait les centrales thermiques.



A tout le moins, les experts estiment qu’il est urgent d’inclure la fonte des zones de gel permanent dans nos modèles climatiques.






Large Ice Hall in Ledyanaya Lenskaya Cave located inside continuous permafrost. Photo by: Sebastian FM Breitenbach.
Vaste galerie glacée de la grotte de Ledyanaya Lenskaya au cœur de la zone de gel permanent. Photo par : Sebastian FM Breitenbach.





CITATION: A. Vaks; A.J. Mason; A.L. Thomas; G.M. Henderson; O.S. Gutareva; A.M. Kononov; S.F.M. Breitenbach; E. Avirmed; A.V. Osinzev. Speleothems Reveal 500,000-Year History of Siberian Permafrost. Science. 2013.



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