Nouvelles de l'environnement

Exploitants forestiers étrangers et fonctionnaires corrompus méprisent le moratoire sur l’abattage des arbres en République démocratique du Congo

Raw logs cut with artisanal permits at Kinkole port near Kinshasa. Photo courtesy of Global Witness.
Grumes brutes coupées grâce à des permis artisanaux, au port de Kinkole, près de Kinshasa. Photographie fournie par Global Witness.


En 2002, la République démocratique du Congo (RDC) a annoncé un moratoire sur l’exploitation commerciale de ses forêts afin d’en sauver les arbres, dont le nombre chute rapidement. Cependant, un récent rapport publié par Global Witness accuse les exploitants industriels de contourner le gel des abattages. Avec l’aide de fonctionnaires peu scrupuleux, des sociétés étrangères abusent des permis artisanaux (destinés à l’exploitation des forêts par les communautés locales) pour couper à blanc de larges étendues de forêt tropicale dans le pays. Ces exploitants forestiers ciblent souvent une espèce menacée, le wenge (Millettia laurentii), principalement pour des acheteurs chinois et européens.



« La porte d’accès aux forêts du Congo a été fermée aux nouveaux exploitants industriels, mais ils arrivent directement par la fenêtre », a déclaré dans un communiqué de presse Colin Robertson, chargé de campagne pour la défense des forêts à Global Witness. « Les permis artisanaux sont destinés à une exploitation de faible envergure par les communautés congolaises souhaitant améliorer leur niveau de vie. Au lieu de cela, ils ont été détournés par des sociétés qui cherchent à raser la forêt et accordent peu d’importance aux coûts humains et environnementaux. »



D’après la législation de la RDC, un citoyen congolais peut recevoir deux permis artisanaux par an l’autorisant à couper des arbres à l’aide d’une tronçonneuse ou d’une grande scie. Mais Global Witness a découvert des permis enfreignant la loi de dix façons différentes. Dans certains cas, 12 permis ont été distribués dans la même année à des sociétés étrangères utilisant des bulldozers et des chargeurs à bois. Certains permis incluaient également l’autorisation spécifique « d’effectuer une exploitation industrielle » et nombre d’entre eux donnaient l’autorisation spéciale de couper des espèces menacées comme le wenge.



Equipment used by logger with artisanal license. Photo courtesy of Global Witness.
Équipement utilisé par un exploitant possédant un permis artisanal. Photographie fournie par Global Witness.

« Compte tenu de ces nombreuses irrégularités, tout bois obtenu à l’aide de permis d’exploitation artisanaux devrait être considéré comme illégal par les acheteurs », déclare le rapport.



Un tel statut pourrait signifier que le bois obtenu à l’aide de ces permis est illégal aux États-Unis d’après le Lacey Act, et qu’il pourrait bientôt l’être aussi dans l’Union européenne, qui est en train d’adopter une nouvelle législation visant à éliminer tout bois obtenu illégalement dans son pays d’origine.



Selon Global Witness, qui a examiné 146 permis d’exploitation artisanaux, cette déforestation a lieu avec la participation officielle du Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme (MECNT).



« Les autorités congolaises enfreignent régulièrement leurs propres lois en décernant ces permis d’exploitation », explique Colin Robertson.



Les exploitants étrangers soudoient également les chefs locaux pour accéder aux forêts avoisinantes, une pratique problématique notamment parce qu’elle profite rarement aux communautés, dont beaucoup dépendent de leurs forêts pour des services vitaux tels que la nourriture, l’eau potable, les matériaux et les médicaments. En plus de cela, les forêts du Congo rendent service à l’ensemble de la planète à travers leur biodiversité et leur séquestration du carbone.



« Dans un cas, une société sino-congolaise, TERCO, s’est engagée à donner 750 dollars et une moto à chacun des deux chefs locaux. En plus de cela, l’un de ces chefs a reçu deux bouteilles de whisky, tandis que l’autre a opté pour deux caisses de bière », décrit le rapport. « D’autres documents montrent que la société Vegas Sawmill Factory, basée à Hong-Kong, a signé un contrat avec le chef du village Ngambomi, lui offrant 15 dollars par grume (de wenge) et des cadeaux à titre personnel incluant deux caisses de bière, une cartouche de cigarettes, une couverture et 500 dollars en liquide. »



D’après Global Witness, Vegas Sawmill Factory n’a, pour sa part, pas considéré ces cadeaux comme de la corruption, mais comme une pratique socialement acceptable en RDC.



L’ONG recommande au Premier ministre d’accepter le Décret sur les forêts communautaires, qui n’a pas encore été signé malgré sa finalisation il y a deux ans. Le rapport ajoute que le Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme de la RDC (MECNT) devrait réévaluer ses permis et refuser leur attribution aux sociétés étrangères ou à toute personne utilisant de l’équipement lourd.



Le wenge, un bois de couleur sombre, est souvent utilisé pour fabriquer des instruments de musique. Il est également employé pour le revêtement au sol, la pose de lambris et la fabrication de meubles.






Raw logs cut with artisanal permits at Kinkole port near Kinshasa. Photo courtesy of Global Witness.
Grumes brutes coupées grâce à des permis artisanaux, au port de Kinkole, près de Kinshasa. Photographie fournie par Global Witness.






Raw logs cut with artisanal permits at Kinkole port near Kinshasa. Photo courtesy of Global Witness.
Grumes brutes coupées grâce à des permis artisanaux, au port de Kinkole, près de Kinshasa. Photographie fournie par Global Witness.





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