Défrichement par le feu dans une plantation de palmiers à Bornéo, en Malaisie. Photo Rhett A. Butler.
Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Climate Change, le défrichement des forêts par le feu a des conséquences fatales pour les populations. Les recherches ont démontré que la pollution atmosphérique, causée entre autres, par des particules fines en suspension dans l’air et l’augmentation du taux de concentration d’ozone, aurait causé des milliers de morts pendant les années où a sévi le phénomène climatique El Niño. Cette période, marquée par la sécheresse, a rendu beaucoup plus dangereuse cette pratique pour défricher les terres. La Malaisie, mais surtout l’Indonésie, sont les pays les plus touchés par ce type de pollution.
« Les forêts de tourbes que les fermiers défrichent par le feu sont en général trop humides et brûlent difficilement, mais pendant ces périodes de sécheresse causées par El Niño, le feu prend plus facilement sur ces sols riches en carbone rendus plus vulnérables par la dégradation de l’environnement et la déforestation », affirment les chercheurs.
Les écologues s’intéressent depuis très longtemps aux tourbières d’Indonésie du fait qu’elles libèrent une quantité importante de carbone au moment de leur combustion. Cependant les derniers travaux de recherches indiquent que la combustion des tourbières est également une menace pour la santé de millions de personnes.
Grâce à des images satellites prises entre 1997 et 2006, les chercheurs ont pu mesurer la quantité de particules en suspension dans l’air pendant les périodes où se pratique le défrichement par le feu. Ils ont constaté que pendant les années où le phénomène El Niño a été le plus intense, comme en 1997, la pollution provoquée par l’incendie des forêts et des tourbières a dépassé de 300% les limites établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sur une durée de 200 jours par an. Les scientifiques estiment que cela pourrait avoir entraîné la mort d’environ 15.000 personnes ; d’après eux, ce chiffre est inférieur à la réalité, car les enfants et les bébés ne sont pas inclus dans cette étude. En effet, pendant les années où El Niño, a sévi entre 5,4 et 60 millions de personnes ont été exposées à des taux élevés de particules en suspension dans l’air, ainsi qu’ à une forte concentration d’ozone dans l’atmosphère, dépassant les valeurs limites recommandées par l’OMS.
Le fait de respirer des microparticules et de l’ozone affecte les voies respiratoires et le système cardiovasculaire, ce qui présente des risques pour la santé, particulièrement chez les populations âgées et les personnes fragiles.
« Les travaux antérieurs réalisés sur Bornéo soulignent la nécessité de développer une politique de « déforestation évitée » afin de réduire les émissions de CO2, mais il faut également tenir compte des facteurs de santé », disent les chercheurs. « En démontrant qu’il existe un lien direct entre les variations climatiques et l’intensification du défrichement par le feu, avec des conséquences graves sur la santé des populations d’Asie du sud-est, nous fournissons des preuves supplémentaires permettant l’élaboration de lois basées sur les prévisions climatiques régionales, dans le but de limiter l’utilisation du défrichement par le feu pendant les périodes de sécheresse. »
Cité: Miriam E. Marlier, Ruth S. DeFries, Apostolos Voulgarakis, Patrick L. Kinney, James T. Randerson, Drew T. Shindell, Yang Chen and Greg Faluvegi. El Niño and health risks from landscape fire emissions in southeast Asia. Nature Climate Change. 2012. doi:10.1038/nclimate1658