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Obama rejette l’oléoduc Keystone, but laisse la porte ouverte aux sables bitumeux

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Les sables bitumeux près de Fort McMurray, Alberta – Vue de Google Earth.



Le gouvernement d’Obama a annoncé aujourd’hui l’abandon de l’oléoduc Keystone exploité par TransCanada après que les républicains ont imposé un délai de 60 jours pour prendre une décision à ce sujet au Congrès. Le département d’Etat a déconseillé l’oléoduc au motif que ce délai n’accorde pas assez de temps au département pour déterminer si l’oléoduc « sert l’intérêt national ». L’annulation de l’oléoduc est une victoire pour les militants environnementaux et sociaux qui ont lutté contre le projet pendant des mois, mais les républicains critiquent violemment le gouvernement.




« Cette annonce n’est pas un jugement des caractéristiques propres de l’oléoduc, mais de la nature arbitraire du délai, qui a empêché le département d’Etat de rassembler les informations nécessaires à l’approbation du projet et à la protection du peuple américain » a déclaré Obama dans un communiqué écrit. « Je suis déçu que les républicains du Congrès aient forcé cette décision, mais cela ne change pas l’engagement de mon gouvernement envers l’énergie américaine qui crée des emplois et réduit notre dépendance au pétrole. Pendant mon mandat, les productions de pétrole et gaz naturel domestiques ont augmenté, tandis que les importations de pétrole étranger sont en baisse. »



L’oléoduc aurait transporté le pétrole des sables bitumeux 2736 km du Canada, à travers six Etats américains, jusqu’au Texas, en traversant une des sources d’eau douce les plus importantes des Etats-Unis : l’Ogallala Aquifer. Néanmoins, l’annulation de Keystone, bien qu’elle retarde beaucoup le projet, ne met pas fin au débat. Le gouvernement d’Obama a laissé l’opportunité à TransCanada de suggérer un autre itinéraire pour acheminer le pétrole des sables bitumeux au Texas, du moment qu’il évite la région Sand Hills du Nebraska.


Les manifestants créent une chaine humaine autour de la Maison Blanche. Photo de: Emma Cassidy.
Les manifestants créent une chaine humaine autour de la Maison Blanche. Photo de: Emma Cassidy.

« Le président Obama est sur le point de détruire des dizaines de milliers d’emplois américains » a déclaré un porte-parole au nom du président républicain de la Chambre des Représentants John Boehner. TransCanada a d’abord annoncé que l’oléoduc Keystone créerait 5000 emplois aux Etats-Unis, mais a revu ce nombre à la hausse dès que le mouvement d’opposition à l’oléoduc s’est mobilisé. La majorité des emplois seraient temporaires.



Les protestations contre l’oléoduc Keystone ont galvanisé le mouvement environnemental aux Etats-Unis et donné un nouveau souffle au débat national sur le changement climatique. En août dernier, 1253 personnes ont été arrêtées pour des actes de désobéissance civile contre l’oléoduc. Puis en novembre, quelques 12000 personnes ont encerclé la Maison Blanche lors d’une protestation massive contre l’oléoduc.



« Ce n’est pas seulement la bonne décision, c’est la décision courageuse » a indiqué Bill McKibben, directeur de 350 organisations, et un des organisateurs majeurs de la lutte contre l’oléoduc. » La critique qui émerge de nombreuses organisations à l’égard d’Obama est qu’il a été trop conciliant. Mais ici, face à une menace politique réelle de Big Oil que cette décision ait « d’énormes conséquences politiques », il a tenu bon. C’est une victoire pour les américains qui ont témoigné en grand nombre et demandé à ce que la science obtienne l’écoute habituellement réservée aux gros sous.



Les partisans américains de l’oléoduc ont répliqué que ce projet créerait des emplois en pleine récession et fournirait aux Etats-Unis une source de pétrole sûre provenant d’un pays voisin ami. Les militants ont répondu qu’il était temps de mettre fin à l’utilisation du pétrole et de se tourner activement vers les énergies renouvelables.



Les arguments contre l’oléoduc Keystone sont divers et variés, des impacts du déversement de pétrole aux questions autochtones. Mais pour la plupart des militants, la question la plus importante était le changement climatique. Le climatologue James Hansen a déclaré que si les sables bitumeux sont tous exploités, en même temps que les réserves mondiales de charbon, « c’est gameover » pour le climat.



En termes d’émissions de dioxyde de carbone, le centre de recherche pour l’énergie Cambridge Energy Research Associates (CERA) a estimé que les émissions de gaz à effet de serre des sables bitumeux sont entre 5 et 15% supérieures à celles des sources conventionnelles, alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a estimé que leurs émissions étaient 20% supérieures. D’autres sources ont annoncé des nombres plus élevés.



« Une personne qui comprend les réalités urgentes du changement climatique mondial ne pourrait raisonnablement considérer cet oléoduc dans l’intérêt des Etats-Unis, de l’humanité ou de la planète que nous partageons » a indiqué Carroll Muffett, le président du Centre pour le droit environnemental international (CIEL).



Au Canada, l’exploitation des sables bitumeux a conduit à la pollution de l’eau, à un conflit politique avec les peuples des Premières Nations, à la déforestation à grande échelle de la forêt boréale et à une incidence apparemment plus élevée de cancers. En plus, les émissions en hausse dues à l’exploitation des sables bitumeux ont poussé le Canada à abandonner le Protocole de Kyoto.



Le président Obama a appelé aujourd’hui le premier ministre canadien Stephen Harper pour lui annoncer la nouvelle. Harper, qui est associé à l’industrie pétrolière par ses opposants, a fait savoir au président qu’il était profondément déçu.







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