Cet article est la version longue d’un article publié dans le magazine Yale e360 le 12 septembre 2011, intitulé A Huge Oil Palm Plantation Puts African Rainforest at Risk (Une plantation de palmiers à huile met la forêt tropicale africaine en danger)
Carte de la plantation Herakles/SGSO au Cameroun. Propriété de SAVE Wildlife Conservation Fund, la fondation de protection de la nature et de la faune.
L’industrie de l’huile de palme arrive en Afrique, sa terre d’origine. Et comme adans les endroits où l’expansion a été rapide, cette culture suscite un espoir de développement économique, en même temps qu’elle génère des polémiques liées à ses conséquences potentielles.
La graine oléagineuse la plus productive au monde a été une aubaine pour les économies d’Asie du Sud-Est, mais l’arrivée prochaine de plantations industrielles en Afrique suscite la crainte d’une transposition des maux qui affectent les grands producteurs : la Malaisie et l’Indonésie – à savoir la déforestation, l’émission de gaz à effet de serre, la perte de biodiversité, les conflits avec les populations locales, les déplacements de population et les mauvaises conditions de travail –à une des régions les plus pauvres du monde.
Même s’il n’est pas remis en question que les plantations de palmiers à huile sont des cultures lucratives, qui contribuent au développement économique, il existe néanmoins de grands risques que la transformation des forêts ancestrales en plantations s’accompagne d’un coût élevé pour l’environnement. Le conflit en question semble opposer les Goliaths agro-industriels aux verts, avec les communautés quelque part entre les deux.
Mais Herakles, une société d’investissement basée à New York, prévoit la création d’une plantation au Cameroun et affirme que son approche va combler le fossé qui existe entre développement économique et environnement. Les militants pour l’action sociale et l’environnement sont sceptiques.
Plantation de palmiers à huile au Cameroun. Image fournie par un qui a tenu à rester anonyme. |
Le problème ? Les projets de plantation de la société Herakles concernent des terres situées au cœur d’un des paysages les plus riches, et menacés, en matière de biodiversité. Le bail de 99 ans que le gouvernement camerounais a accordé à la société concerne des terres adjacentes à plusieurs parcs naturels importants et devrait remplacer les forêts et petites fermes. Ainsi, les groupes écologiques – menés par la fondation SAVE (Fondation de protection de la nature et de la faune) – mettent en garde contre le fait que la plantation va détruire la forêt tropicale et bouleverser la vie des populations locales.
Néanmoins la société Herakles – parfaitement consciente de ces craintes et des obstacles qu’elles génèrent – a indiqué qu’elle respectera les strictes législations environnementales et sociales. Elle affirme que le projet aidera à préserver les zones protégées tout en créant des emplois et des opportunités dans une partie du monde qui a particulièrement besoin des deux – 40% des camerounais vivent avec l’équivalent de moins d’un dollar par jour, et le taux chômage culmine à 75% selon le gouvernement camerounais. En fait, Herakles affirme que son engagement va bien au-delà de la création d’emplois – l’entreprise a créé une ONG appelée All for Africa (Tous pour l’Afrique) pour financer des écoles, cliniques, le développement de la communauté et d’autres projets sociaux sur le continent africain. All for Africa se présente comme cultivant « les graines du développement durable » : planter des arbres afin de réunir des fonds pour les populations pauvres d’Afrique.
Cependant, les militants voient All for Africa d’un tout autre œil : comme un véhicule qui commercialise un projet controversé et minimise les préoccupations environnementales et sociales. Ils affirment que All for Africa dupe le public en présentant la plantation comme un projet de reforestation qui aidera à lutter contre le changement climatique, alors qu’il s’agit en fait d’une monoculture qui ne fournira pas de milieu naturel pour les espèces en voies de disparition et qui, en réalité, générera des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Une plantation au cœur d’un haut lieu de la biodiversité
Singe Piliocolobus dans le parc national de Korup
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Un des aspects les plus contestés du développement des exploitations Herakles est leur localisation. Dans une lettre signée par les membres de plus de 80 organisations de la société civile, les défenseurs de l’environnement avertissent que le développement de ces exploitations peut menacer la forêt tropicale ainsi que les forêts qui ont le label de « forêt de haute valeur pour la conservation » (FHVC). Le site de la plantation est situé à proximité de quatre zones protégées, comprenant le Parc National de Korup, mondialement connu, un territoire qui abrite plus de
600 espèces d’arbres ; presque 200 espèces de reptiles et amphibiens, une population de papillons estimée à un millier ; 400 espèces d’oiseaux, et 160 espèces de mammifères dont la communauté de primates la plus diversifiée au monde. Le Korup compte 14 espèces de primates, y compris le moustac à oreilles rouges(Cercopithecus erythrotis),
répertorié comme espèce vulnérable sur la liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), le drill (Mandrillus leucophaeus) en danger, le colobe roux du Cameroun, en danger critique d’extinction, et le chimpanzé du Nigeria-Cameroun (Pan troglodytes ellioti), la sous-espèce de chimpanzé la plus menacée dans le monde. Les éléphants de forets, léopards, potamochères, l’athérure africain (une espèce de porc-épic) et les buffles nains vivent également dans la forêt tropicale en faible altitude.
Les écologistes préviennent que la plantation de palmiers à huile va perturber des couloirs de migration importants entre le parc national du Korup (au Nord), la réserve de la forêt des monts Rumpi (au Sud), le parc national de Bakossi et le sanctuaire de la vie sauvage Banyang Mbo (tous deux à l’Est), essentiellement en isolant les populations et en les empêchant de se disperser et de se mélanger. Les éléphants de forêt, que les scientifiques distinguent de l’espèce africaine plus connue des éléphants de savane, traversent apparemment la zone qui sépare le Korup des monts Rumpi. Une plantation, représentant la moitié de la superficie de parc national du Korup, pourrait donc présenter un obstacle insurmontable pour les éléphants, indiquent les écologistes. En Asie du Sud-Est, des fossés et des clôtures électriques ont été construits autour des plantations pour éloigner ces animaux souvent destructeurs des exploitations.
La forêt tropicale du parc national du Korup. Image fournie par un défenseur de l’environnement qui a tenu à ne pas être cité. |
Les exploitations Herakles répondent à ces craintes en affirmant qu’elles mettent en place les plus hauts standards environnementaux. Le groupe indique qu’il respectera les recommandations établies par la Table ronde pour le développement de l’huile de palme durable (RSPO), c’est-à-dire un nombre importants de règles, telles que ne pas abattre la forêt primaire ou les forêts de haute valeur pour la conservation (FHVC). Le groupe a déjà libéré 10 000 hectares de la concession initiale de 83 000 hectares, en tant que FHCV et zones tampons pour les zones protégées. Il indique que la perte de forêt concernera « principalement de la forêt secondaire dégradée » et que la zone en question « a déjà été largement exploitée » il y a moins de 20 ans. Le groupe Herakles indique également qu’il tient compte des couloirs nécessaires aux déplacements de la faune et en discute actuellement avec « des experts de la vie sauvage ».
Mais les groupes écologistes affirment que les plantations de palmiers à huile auront des effets néfastes sur la faune d’une toute autre façon : en empirant le commerce de viande de brousse, qui est déjà un problème significatif dans la zone concernée.
« Les travailleurs vont migrer vers cette zone pour trouver du travail, et ils voudront de la viande de brousse. Les chasseurs seront donc davantage incités à enfreindre les lois camerounaises et à braconner dans les zones protégées, où les populations d’animaux sont encore relativement abondantes. L’infrastructure de conservation existante ne sera pas en mesure de faire quoi que ce soit contre cela », indique dans une déclaration la fondation SAVE, une des ONG qui concentrent leurs efforts contre le développement de la plantation du groupe Herakles.
De telles inquiétudes ne sont pas infondées. Dans de nombreuses plantations de palmiers à huile, les travailleurs – qui vivent souvent sous le seuil de pauvreté mais près de la forêt naturelle – se servent parfois dans la forêt en posant des collets ou en chassant pour leurs repas. Dans la plupart des cas, ces activités sont illégales.
Mais le groupe Herakles croit que la plantation de palmiers à huile résoudra le problème au lieu de l’exacerber.
Drills mâle et femelle. Image fournie par un défenseur de l’environnement qui n’a pas souhaité être cité. |
« Les populations locales ont pris l’habitude d’aller chasser illégalement dans le parc national de Korup pour nourrir leur famille et avoir des revenus monétaires. Nous pensons que la possibilité de gagner des revenus monétaires, pour la première fois dans cette région, aura un impact significatif sur la réduction de la chasse de viande de brousse et l’abattage illégaux», a déclaré Bruce Woebe, le PDG d’Herakles à mongabay.com.
Le groupe Herakles a cité en exemple le village de Lipenja, où George Akotry, un leader local et chasseur régulier, a déclaré que « tous les hommes et jeunes hommes du village ont été employés par [Herakles], et que cela exclut la pratique régulière de la chasse. »
Cependant, l’inquiétude selon laquelle la plantation aura un impact environnemental négatif sur une zone très riche en biodiversité persiste : les défenseurs de la biodiversité estiment qu’il est difficile d’imaginer comment la transformation d’une forêt – même dégradée – qui compte 600 espèces d’arbres différentes, en une plantation constituée d’une espèce unique d’arbres, ne réduirait pas la biodiversité de façon générale, et tout particulièrement sa capacité de dispersion.
En fait, un écologiste qui a travaillé dans la zone et qui a des connaissances détaillées de la situation de l’huile de palme, mais qui n’était pas disposé à être cité, a déclaré à mongabay.com, qu’étant donné l’attrait du travail et du développement, de nombreuses personnes migreraient vers cette zone, et qu’il ne s’écoulera pas longtemps avant que la faune ne souffre des effets liés à l’accroissement de la population.
« Les animaux seront rayés de la carte et la structure actuelle de conservation n’a pas les moyens de faire quoi que ce soit. Donc, à moins qu’Herakles ne prévoie d’embaucher et de former (et de financer au-delà du bail de 99 ans) des centaines d’éco-gardes dans chaque zone protégée, de protéger les forêts de haute valeur pour la conservation (FHVC) en dehors des zones protégées, de financer des programmes de sensibilisation à la protection de l’environnement dans la région de la plantation, de restreindre l’immigration vers la zone concernée, et de fournir des protéines alternatives à la viande de la brousse à ses employés et aux résidents des environs – le parc de Korup est en grand danger » nous a affirmé notre source.
La vulnérabilité de la région pose une autre question : pourquoi ici ? Pourquoi ne pas choisir une zone où la forêt a disparu ? Après s’être entretenu brièvement avec le groupe Herakles, le Dr. Nigel Sizer, directeur de l’Observatoire Mondial des Forêts créé à l’initiative de l’Institut des ressources mondiales (IRM), a déclaré qu’un des problèmes majeurs soulevés par l’entreprise était qu’il y a plus de deux milliards d’hectares de terres qui sont « d’une certaine façon dégradés, peuvent être utilisés de façon intensive [et] dont la productivité peut être accrue, selon notre dernière analyse. »
« Etant donné la versatilité de l’huile de palme et l’état de dégradation et de déforestation de la terre au niveau des tropiques, il y a sûrement de meilleurs endroits pour réaliser ce genre d’investissement » a déclaré M. Sizer.
La plantation de palmiers à huile au Cameroun. Image fournie par un écologiste qui a demandé de ne pas être cité. |
Mais le groupe Herakles montre tous les signes qu’il est déterminé à construire cette plantation.
L’entreprise dit qu’elle a la permission du gouvernement camerounais pour créer la plantation, à condition qu’elle obtienne l’autorisation environnementale. L’entreprise a déjà signé un bail l’autorisant à exploiter le terrain pour un montant de 0,5 à1$ par hectare par an, le tarif augmentant de deux pourcents par an.
« L’avancée du projet n’est pas remise en cause, mais il s’agit plutôt de savoir exactement l’étendue exacte de la surface [totale]» a déclaré le groupe Herakles à mongabay.com.
M. Sizer n’est pas d’accord : « Le défi auquel le groupe Herakles est désormais confronté est de trouver la façon de rassembler 300 millions de dollars ou plus pour mettre le projet en place. De nombreux investisseurs potentiels vont fuir un projet qui implique des risques pouvant nuire à leur réputation, à cause de la perte de la forêt et des négociations compliquées avec les communautés locales,qui revendiquent leurs droits sur la terre. » M. Sizer ajoute que « ce projet n’est peut-être pas conforme aux principes Equateur, qu’ont signé la plupart des initiateurs de projets dans les marchés émergents. »
Néanmoins, le groupe Herakles avance. L’entreprise a annoncé qu’elle avait la permission d’abattre 100 hectares de forêts afin de créer trois pépinières, avant même de mettre en place une étude d’impact environnemental et social (EIES). Effectivement, la loi camerounaise autorise l’exploitation de 100 hectares sans étude d’impact.
Nevertheless, Herakles is moving forward. The firm says it has permission to clear 100 hectares of forest for three palm oil nurseries, prior even to producing a Social and Environmental Impact Assessment (SEIA). Indeed Cameroonian law development of 100 hectares without an SEIA.
Les écologistes ne sont pas satisfaits des activités initiales.
« Le groupe Herakles Farms affirme respecter les plus hautes exigences environnementales. Pourquoi ont-ils commencé à abattre la forêt avant de présenter l’étude d’impact et d’attendre le nombre requis de jours pour la consultation publique s’interroge notre source anonyme ?
Une pépinière de palmiers à huile au Cameroun. Image fournie par la fondation SAVE. |
Les militants disent que cet abattage précoce a entrainé de la frustration et de la colère pas seulement en eux, mais aussi au sein des populations locales. Pour appuyer leur lettre de protestation, ils ont joint des documents qui montrent selon eux, l’opposition locale aux activités du groupe Herakles. Save assure que les jeunes gens du village de Fabe ont empêché les d’abattre la forêt pour les pépinières. Mongabay n’a pas pu confirmer ces dires auprès la population locale.
Les préoccupations des ONG ne s’arrêtent pas aux menaces à l’égard de la faune et des écosystèmes, mais prennent également en compte les conséquences directes sur les populations locales.
« De nombreuses personnes dans ces villages sont contre le développement de ce projet, puisque cela signifie la perte de leurs forêts, et soit être entourés de plantations de palmiers à huile, soit être obligés de déménager. La plupart de ces villageois comptent beaucoup sur l’élevage pour nourrir leur famille et gagner des revenus. Ils comptent également beaucoup sur les produits forestiers non ligneux des environs du village » indique une déclaration de SAVE.
Le groupe Herakles Farms, en revanche, affirme que personne ne sera relocalisé et que la plantation de palmiers à huile créera 9 000 emplois pour la population locale, ainsi que des retombées positives pour une population qui reste pauvre.
« Les plantations apporteront une série d’avantages à la population locale, au niveau des emplois, du logement, des centres médicaux, de l’approvisionnement en eau potable et des écoles, tout en sauvegardant l’incroyable biodiversité qui existe sur cette partie du globe » a indiqué M. Wrobel lors d’une conférence de presse.
Le groupe indique également qu’il dispose d’un soutien important de la population locale pour la mise en place de cette initiative.
« Contrairement à ce qui a été écrit dans la presse, nous avons en fait reçu une vague impressionnante de soutien de la part des communautés. Nous avions initialement prévu seulement deux pépinières, mais une des conditions requises par la communauté pour nous apporter son soutien était l’ouverture d’une pépinière supplémentaire. Ils voulaient les emplois associés aux pépinières » a déclaré M. Wrobel, en ajoutant qu’il y a « une absence presque totale d’emplois rémunérés de façon monétaire dans cette région ».
« SGSOC emploie déjà environ 400 travailleurs à temps complet et saisonniers dans les pépinières. Pour des communautés de seulement quelques centaines d’habitants au total, c’est particulièrement significatif » a-t-il ajouté.
Le groupe Herakles affirme que l’importance du soutien dans la région est telle que les communautés ont demandé une troisième pépinière afin d’obtenir des revenus supplémentaires. Initialement, l’entreprise avait prévu d’en créer deux.
SAVE indique que cette photo illustre la déforestation nécessaire à la création des pépinières du groupe Herakles. |
Néanmoins, des lettres des communautés concernées expriment des inquiétudes, et dans plusieurs cas, une opposition marquée aux plantations. Ces lettres ont été signées par plusieurs chefs et autorités locales, et une lettre a également été écrite par l’association Fabe pour la jeunesse. Certaines des lettres accusent l’entreprise de pratiques « illégales » d’abattage de la forêt et de plantation de pépinières. Mais ces lettres ne soutiennent pas nécessairement les organisations de conservation non plus. Dans une d’entre-elles, les populations locales déplorent le fait qu’elles ont déjà perdu un demi-million d’hectares de terres protégées et se demandent : « quelle quantité de terres va-t-on nous laisser pour notre propre prospérité ? » en vertu de l’accord passé avec Herakles. En outre, ces deux dernières années, plusieurs incidents ont eu lieu entre les patrouilles anti-braconnage de Korup et les villageois, et un poste de garde forestier a même été brûlé.
Etant données les dernières tendances des gouvernements africains de louer et vendre de vastes étendues de terre à des entreprises et pays étrangers, on observe une prise de conscience grandissante de « l’accaparement » des terres du continent. Le bail de 99 ans d’Herakles signifie que la décision du gouvernement actuel d’autoriser cette plantation aura des conséquences sur plusieurs générations à venir.
Bien qu’Herakles Farms croie avoir le soutien de la population locale, l’entreprise est accusée de ne pas tenir ses engagements auprès de la population locale.
Début août, une association locale, l’Union culturelle Bima pour le développement (BICUD) a tenu une réunion avec les acteurs locaux pour débattre de la plantation. Les habitants locaux sont venus nombreux à cette réunion, la BICUD avait invité 150 personnes, et 314 se sont présentées. Cependant, aucun employé d’Herakles ne s’est présenté. La communauté a rédigé une liste de demandes, incluant la réduction du bail à une durée de 30 ans, renouvelable une fois, une réduction de la superficie de la plantation de 30 000 à 10 000 hectares, et plus de concertations avec les chefs locaux. La BICUD a indiqué que ses membres ne veulent plus céder de terres à « des zones protégées, des forêts régionales, d’autres villages ou à une entreprise américaine ».
Pourtant, le groupe Herakles Farms insiste sur le fait qu’il veut améliorer la vie des camerounais, pas la rendre plus difficile.
« Nous croyons que le développement d’une industrie durable et responsable de l’huile de palme en Afrique est la clé de la sécurité alimentaire du continent. Nous prévoyons que lorsque la plantation sera en place, nous aurons contribué à ce que la moitié des familles locales aient un niveau de vie de classe moyenne » a déclaré M. Wrobel, ajoutant « Nous avons de hautes ambitions sociales pour cette région ».
Tout pour l’Afrique, mais qu’en est-il du Cameroun ?
Jusqu’à maintenant, la lutte entre la forêt et le développement semble similaire à ce qui se produit dans divers endroits du monde. Cependant, les évènements prennent une tournure particulière au Cameroun. Le groupe Herakles Farms n’est pas le seul acteur dans la plantation d’huile de palme : 7 000 hectares appartiendront à All for Africa, une association caritative qui soutient les programmes de développement dans l’ensemble du continent. Et il y un autre lien : M. Wrobel, le PDG d’Herakles Farms est également le président de All for Africa, bien que l’entreprise ait fournit des garanties attestant que l’association caritative est une entité complètement distincte.
Le groupe SAVE indique que cette photo a été prise dans la pépinière d’Herakles. |
All for Africa utilisera les fruits de sa part de la plantation pour soutenir un certain nombre d’ONG africaines, de celles qui sont consacrées à l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement à celles en faveur de l’éducation et la santé de la communauté. Chaque programme reçoit un « don » de 10 hectares de plantation, pour lesquels il est possible d’obtenir des subventions de façon durable. Au total, l’association caritative espère planter un million de palmiers à huile et récolter 750 millions de dollars pour cette initiative. Ces programmes sont probablement assez louables mais pour les écologistes familiers avec les problèmes liés aux plantations de palmiers à huile en Asie du Sud-Est, les projets de All for Africa semblent au mieux malvenus, au pire, malhonnêtes.
« L’ONG All for Africa présente ses plantations de palmiers à huile comme un projet social et récolte des dons pour cela. Je suis horrifiée parce que la plantation va sûrement entrainer de nombreux effets négatifs sur le plan social pour la population locale au Cameroun » indique notamment une lettre de SAVE.
Un clip astucieux de All for Africa montre les étendues très vertes des plantations de palmiers à huile, tandis qu’un crooner chante « All for Africa ! » Les plantations de palmiers à huile ressemblent peut-être à la forêt naturelle à première vue, mais des plantations de monoculture ne sont en rien comparables à des forêts naturelles. Des études réalisées dans le Sud-Est asiatique ont démontré que systématiquement la biodiversité chute de façon drastique dès que la forêt est remplacée par des plantations de palmiers à huile. Des espèces telles que le tigre, l’orang-outan les éléphants et les rhinocéros sont en voie d’extinction un peu partout dans le Sud-Est asiatique en raison de leur incapacité à survivre dans les plantations de palmiers à huile et d’autres cultures.
« All for Africa affirme que ces plantations aideront à combattre le réchauffement climatique puisque… leur plantation absorbera « plus de 28 millions de tonnes de dioxyde de carbone par hectare ». Si ce n’est pas un mensonge pur et simple, c’est clairement de la désinformation…. S’ils plantaient les palmiers à huile sur des parkings bétonnés, alors là oui, leur affirmation serait exacte. Mais ce n’est pas ce qu’ils font – ils abattent des forêts ancestrales et les remplacent par des monocultures » indique une source qui a souhaité rester anonyme.
“All for Africa is claiming that these plantations will help thwart climate change because… their plantation will absorb ‘more than 28 million tons of carbon dioxide’. While this is not an outright lie, it is clearly misinformation… If they were planting their oil palms over concrete parking lots, then yes, their claim would be valid. But they are not–they are removing native forests and replacing them with a monoculture,” said the source, who requested anonymity.
Quand on les a informés de cette différence notable, les responsables All for Africa ont déclaré qu’ils « prenaient en compte » cette remarque et ont promis de retirer cet élément du site lors de la prochaine mise à jour.
L’association caritative a une liste impressionnante de soutiens. L’association a reçu des éloges de l’ancien président des Etats-Unis Bill Clinton, et son comité de direction/bureau comprend des acteurs très connus tels que Gbenga Akinnagbe de Sur écoute (The Wire) et Jeffrey Wright d’Angels in America. L’association reçoit de l’argent de donateurs à travers une série d’évènements tels que des marathons, des dîners caritatifs à la suite de …. A Brooklyn et les journées « Golf for Africa » (quatre joueurs doivent faire un don d’au moins 15 000$ pour y participer, l’association caritative dit que cela permettre de récolter plus de 500 000$ de revenus pour mettre ne place des projets africains pendant plus de 35 ans). En plus, l’association caritative autorise les donateurs à acheter un « arbre du mois » en faveur des ses projets, cependant il semble que chaque « arbre du mois » est en fait un palmier à huile. A ce jour, l’association indique sur son site que le public a « fait don » de 32 350 arbres.
« Les donateurs ne savent pas ce qui se passe au Cameroun » a déclaré une source anonyme. « Ils ne savent rien des bouleversement et des conflits que cette entreprise est en train de créer. »
« All for Africa a peut-être les meilleures intentions au monde mais comment est-ce que les donateurs réagiraient s’ils savaient qu’une forêt est coupée pour planter leur arbre ? interroge William Laurance, un scientifique qui a travaillé dans la région en partenariat avec l’université James Cook.
« Nous nous considérons comme des écologistes »
Même si elles sont complètement indépendantes – bien qu’elles partagent le même président – la présence d’All for Africa ne fait que compliquer les projets d’Herakles Farms. L’initiative n’est plus l’introduction du capitalisme corporatif dans un pays pauvre, mais les donateurs ont contribué financièrement à un programme qu’ils croient positif pour l’Afrique, et non pas potentiellement dommageable pour certains Africains – si on accepte les arguments des groupes de protection de l’environnement – pour en aider d’autres.
Panneau présentant les exploitations Herakles au Cameroun. Image fournie par Save. |
En fin de compte, la dernière chose que souhaite Herakles Farms est de la mauvaise publicité et le groupe a travaillé dur pour apaiser l’opposition et gagner des partisans.
« Etant donné les sommes énormes d’argent en jeu au Cameroun pour ce projet (les recettes annuelles potentielles pour ces entreprises représentent des centaines de millions de dollars) et les promesses qu’Herakles Farms a faites au gouvernement camerounais et aux communautés locales, il est compréhensible que le développement de l’huile de palme reçoive de nombreux soutiens et que ces partisans soient contrariés par l’opposition locale et mondiale » a déclaré notre source.
Herakles Farms soutient que cela va apporter une multitude d’avantages aux communautés locales, que les initiatives de conservation, de façon plus ou moins défendable, ont jusque là déçues. L’entreprise indique que personne ne sera expulsé de sa terre, et que les plus hautes exigences environnementales seront respectées, la biodiversité préservée, le dioxyde de carbone stocké et que les conditions de vie de la population locale seront améliorées.
« Nous nous considérons vraiment comme des écologistes » a déclaré Wrobel. « Cela peut être fait de façon convenable.»