Nouvelles de l'environnement

Pronostic océanique: extinction massive

Un nouveau rapport constate que les océans connaissent une extinction massive. Il se pourrait qu’un jour de nombreuses espèces marines mondiales ne puissent plus être trouvées ailleurs que dans des aquariums, telle cette anémone de mer verte se trouvant à l’aquarium de la baie de Monterey,  voire ne plus être trouvées du tout. Photo de Rhett A. Butler.
Un nouveau rapport constate que les océans connaissent une extinction massive. Il se pourrait qu’un jour de nombreuses espèces marines mondiales ne puissent plus être trouvées ailleurs que dans des aquariums, telle cette anémone de mer verte se trouvant à l’aquarium de la baie de Monterey, voire ne plus être trouvées du tout. Photo de Rhett A. Butler.


Les impacts multiples et convergents des hommes sur les océans mondiaux menacent les espèces marines d’une extinction massive comme on n’en a pas connu depuis des millions d’années, selon un panel de spécialistes des océans. Selon cette sombre estimation, les océans mondiaux se trouvent en un état sensiblement pire que cela avait été largement reconnu, bien que par le passé les rapports de cette nature aient à peine été évoqués. Ce panel, coordonné par le Programme international sur l’état de l’Océan (IPSO), a constaté que la surpêche, la pollution et les changements climatiques affectent conjointement les écosystèmes océaniques et ce, comme jamais dans l’histoire humaine. Néanmoins, les scientifiques croient qu’on peut encore renverser le processus à condition que la société reconnaisse cette nécessité de changement.


“Les conclusions sont consternantes ” a déclaré dans un communiqué de presse Alex Rogers, directeur scientifique de l’IPSO et professeur en biologie de la conservation à l’université d’Oxford. “Alors que nous considérions les effets cumulés des actions humaines sur les océans, il nous est apparu que leurs implications étaient bien pires que ce que nous avions individuellement réalisé. Nous en avons débattu, nous avons partagé nos constatations et nous avons fini par un tableau montrant que, presque partout, nous assistons à des changements plus rapides que nous ne le pensions ou du moins sous des aspects que nous ne nous attendions pas à voir avant des centaines d’années.”



La Terre a connu cinq extinctions massives et certains scientifiques laissent entendre que nous sommes en train d’observer les signes précurseurs d’une sixième extinction. Bien qu’habituellement ils en donnent pour preuve non pas la dégradation des océans mais la destruction des forêts tropicales mondiales, le panel a cependant constaté que les extinctions massives de la vie marine par le passé comportaient trois signes: une hypoxie accrue ou de faibles niveaux d’oxygène, un accroissement des «zones mortes» et une acidification de l’océan. Ces trois même phénomènes sont en train de se produire et ce, en raison des impacts humains qui viennent s’ajouter à la surpêche et à d’autres problèmes.


Marée basse sur l’île indonésienne de Sulawesi. Photo de Rhett A. Butler.
Marée basse sur l’île indonésienne de Sulawesi. Photo de Rhett A. Butler.

L’océan connaît un taux en dioxyde de carbone comme on n’en avait pas vu depuis la dernière extinction massive marine il y a environ 55 millions d’années, ce dioxyde de carbone étant émis par les activités humaines. Cette augmentation en carbone, lequel est capturé par les océans, entraîne une acidification (soit de plus bas niveaux de pH) qui met en danger les récifs de coraux mondiaux, menace des espèces d’algues et pourrait bien condamner des animaux emblématiques tel que le poisson clown. Tous les impacts de cette acidification ne sont pas encore connus mais il y a 55 millions d’années, la moitié des espèces marines avait disparu.


De plus, les changements climatiques font fondre les banquises de l’Arctique et du Groënland plus rapidement que prévu, ce qui risque non seulement d’augmenter les niveaux de la mer mais d’entraîner des émissions de méthane des gisements sous-marins.


Les zones marines mortes sont aussi en augmentation. En 2008, plus de 400 zones mortes étaient mondialement identifiées mais de récentes recherches ont constaté que de telles zones – où l’oxygène dissous est tombé à des niveaux tellement bas que la plupart des espèces marines ne peuvent plus survivre – doublent chaque décennie. Les zones mortes sont dûs aux déversements d’origine agricole, en particulier les engrais riches en azoet, tout autant qu’à la combustion des carburants fossiles.


La surpêche a déjà privé les océans de nombreuses espèces marines capitales. Certains poissons cibles et certaines espèces prises accessoirement (c’est-à-dire celles qui sont tuées par accident) ont chuté de 90% rapportent les chercheurs. Suite à l’effondrement des populations des poissons cibles, les pêcheries industrielles passent simplement à d’autres espèces jusqu’à ce qu’elles aussi soient décimées. A présent, les pêcheries industrielles ont en ligne de mire l’Arctique comme l’Antarctique. L’Arctique, qui est de plus en plus vulnérable en raison de la fonte des glaces provoquée par les changements climatiques est récemment aussi devenue la cible des compagnies pétrolières et gazières.


Une nouvelle étude montre par ailleurs que les déchets humains dans les écosystèmes marins sont plus néfastes qu’escompté. Les minuscules particules de plastique absorbent les produits chimiques tels que les produits ignifuges et le musc synthétique, qui sont ensuite consommés par la faune et la flore marine. Ces produits chimiques ont été trouvés jusqu’aux mers polaires. Une autre étude a constaté que la décomposition plastique dans les océans est beaucoup plus rapide que prévu, libérant de potentielles substances toxiques.



Tous ces impacts entre autres ne laissent pas aux écosystèmes marins le temps de se rétablir mais créent plutôt des effets interactifs qui les mettent en grave danger.


Une scientifique (à droite) travaille avec un bénévole à collecter des données sur une tortue luth nichant au Suriname. La tortue luth est répertoriée comme étant en danger critique d’extinction sur la liste rouge de l’ Union internationale pour la Conservation de la Nature, et ce en raison de noyade par prise accessoire. Photo de Jeremy Hance.
Une scientifique (à droite) travaille avec un bénévole à collecter des données sur une tortue luth nichant au Suriname. La tortue luth est répertoriée comme étant en danger critique d’extinction sur la liste rouge de l’ Union internationale pour la Conservation de la Nature, et ce en raison de noyade par prise accessoire. Photo de Jeremy Hance.

“Les principaux spécialistes mondiaux des océans sont surpris par le nombre et l’ampleur des changements observés. Les défis quant à l’avenir des océans sont immenses mais contrairement aux précédentes générations, nous savons ce que nous avons besoin maintenant de changer. Il est dès à présent temps de protéger le coeur bleu de notre planète et ceci est urgent,” comme l’ont déclaré Dan Laffoley, Président de la Commission marine mondiale des aires protégées de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature ainsi que le co-auteur du rapport dans un communiqué de presse.



Comment donc empêcher une extinction marine massive? D’abord, selon les chercheurs, en réduisant immédiatement les émissions de gaz à effets de serre. Ensuite, ils recommandent de restructurer les pêcheries industrielles pour une durabilité à long terme ce qui inclut de fermer les pêcheries qui ne sont pas durables; de créer plus d’aires marines protégées; de s’occuper de la pollution et des déversements d’éléments nutritifs et de réduire l’exploitation pétrolière, gazière et minière dans les océans. Les scientifiques affirment que le ‘principe de précaution’ doit être utilisé relativement aux impacts sur les océans. En d’autres termes, ils affirment que la société ne devrait pas poursuivre d’activités à moins qu’il soit prouvé que celles-ci sont vraiment sans danger pour les écosystèmes marins. Enfin, les chercheurs disent que l’Assemblée générale des Nations Unies doit gérer et réguler de manière beaucoup plus efficace les activités en haute mer, lesquelles ne sont pas du ressort des juridictions nationales.



Selon le rapport, des changements à une aussi grande échelle sont tout-à-fait possibles mais «les valeurs sociétales actuelles empêchent l’humanité de s’en occuper efficacement.»


Toutes les conclusions de ce rapport seront communiquées aux Nations Unies à New-York plus tard dans la semaine.







Créés par satellite, les cercles rouges sur cette carte localisent et indiquent la taille de nombreuses zones mortes de notre planète. Les points noirs indiquent où ont été observées les zones mortes. Ceux qui sont en bleu foncé donnent à voir les concentrations plus élevées de particules de matière organique, ce qui indique des eaux trop fertiles, lesquelles peuvent culminer dans les zones mortes. Photo publiée avec l’aimable autorisation de la NASA. Cliquez sur la photo pour l’agrandir.






Quitter la version mobile