Nouvelles de l'environnement

Nouveau rapport de World Growth contenant des informations « fausses et trompeuses »

Palm oil mill in Sumatra
Moulin à huile de palme à Sumatra.



Selon un groupe environnementaliste indonésien, un nouveau rapport de World Growth International, groupe lobbyiste en faveur des intérêts industriels forestiers, contient des informations « fausses et trompeuses » sur l’impacte économique de la baisse du taux de déforestation en Indonésie.



Le rapport, paru 31 Mars 2011, affirme qu’une réduction de la déforestation en Indonésie coûtera 3,5 millions d’emplois par année en ralentissant la croissance du secteur forestier.



« Ceci coûterait jusqu’à 3,5 millions d’emplois annuellement à l’économie et diminuerait les revenus de l’Etat indonésien, entravant sa capacité à gérer les régions forestières d’Indonésie de manière durable et à continuer ses efforts de réduction de la pauvreté » a annoncé Alan Oxley, un lobbyiste à la tête de World Growth International.







Forêt saine et plantation de palmiers à huile. La différence est bien plus grande qu’elle n’en a l’air : les plantations de palmiers à huile n’accumulent que peu de carbone, abritent moins de biodiversité et ont plus de risques d’érosion que les forêts naturelles.

Mais Elfian Effendi, directeur de Greenomics-Indonesia a rapidement contré les dires d’Oxley.



« Le rapport de World Growth est trompeur » a dit Effendi dans un e-mail à Mongabay.com. « Ces calculs de l’emploi sont faux et totalement sans fondement » selon Greenomics.




Effendi a déclaré que les données du gouvernement indonésien montrent que chaque point de croissance économique a créé 305 000 emplois au cours des 10 dernières années. Le taux a augmenté jusqu’à 400 000 emplois par point pendant les trois dernières années. Les 6,1 % de croissance en 2010 devraient donc avoir généré quelque 2,4 millions d’emplois, tous secteurs confondus, y compris les secteurs liés à l’industrie forestière.



« Greenomics est certain que les affirmations de World Growth montrant que l’arrêt de l’expansion de l’industrie forestière coûtant 3,5 millions d’emplois à l’économie indonésienne sont des chiffres trompeurs » a-t-il affirmé, notant que les industries forestières ne comptent que pour 5% de l’économie indonésienne, selon les données de l’Etat.



« Le secteur indonésien forestier (0,75%), la papéterie et l’industrie d’autres produits d’impression (1,02%), les produits à base de bois et autres produits forestiers (1,25%) et les plantations (2,11%) comptent pour 5,13% du PIB en 2010 » a expliqué Effendi. « Si l’on compte également le secteur minier, à l’exclusion du pétrole et du gaz, la contribution totale des industries forestières s’élève à 11,79%. »



« Selon les chiffres mentionnés ci-dessus, les industries forestières, y compris les mines, ont créé 288 000 emplois. »




Palmiers à huile et exploitation de la forêt tropicale à Sabah, en Malaisie. Photo de Rhett A. Butler, 2008.



Le rapport de World Growth International minimise aussi l’importance de l’expansion dans les régions non-forestières. Le gouvernement indonésien a dit que des dizaines de millions d’hectares de terres dégradées pourraient être utilisés pour la production si le pays devait ralentir la conversion de forêts naturelles selon l’accord d’un milliard de dollars pour la conservation des forêts proposé à la Norvège. World Growth International part du principe selon lequel les efforts pour limiter la déforestation et la dégradation des forêts arrêteraient toute croissance du secteur forestier. Cependant, une semaine avant le rapport, le ministre adjoint de l’agriculture a fait remarquer que l’amélioration de la production et d’autres gains de productivité pourraient augmenter la production d’huile de palme de 2 millions de tonnes par année en Indonésie sans avoir besoin d’utiliser plus de terres.



Le rapport de World Growth International arrivé seulement quelques jours après la déclaration du plus grand producteur d’huile de palme en Indonésie, Golden Agri Resources (GAR), qui annonce que sa nouvelle politique forestière, interdisant la conversion de forêts à haute valeur de conservation, de forêts à haute teneur en carbone et de tourbières, n’aura aucun impacte sur la croissance économique.





Expansion du domaine des palmiers à huile et perte de forêt naturelle en Indonésie et en Malaisie.

Dans un bulletin daté du 10 mars, World Growth International maintient que l’accord de GAR « pourrait sévèrement entraver la croissance de l’entreprise » en limitant les endroits d’établissement de nouvelles plantations et laisser entendre que GAR pourrait revenir sur ses engagements de développement durable. Cependant, la réponse de GAR qui a suivi a directement contredit les affirmations de World Growth.



« Le coût supplémentaire de cette politique ne sera pas matériel » a annoncé Peter Heng, directeur général de la communication et de la stratégie de développement durable chez GAR, en réponse au bulletin de Growth International. « Sur la base de notre travail initial sur le terrain, nous pensons que les terres désignées comme réserves hautes en carbone ne sont pas significatives étant donné que les concessions de GAR se trouvent sur des terres dégradées. »



Le reproche de GAR était à souligner car Oxley a été engagé l’année dernière par le groupe Sinar Mas qui contrôle GAR afin de jeter un doute sur les plaintes déposées par Greenpeace concernant l’environnement et sa lutte contre la filiale PT Sinar Mas Agro Resources & Technology (PT SMART). Heng a fait remarquer à mongabay.com que GAR n’incite pas Oxley.




L’huile de palme est répandue dans l’industrie agro-alimentaire, les cosmétiques et les savons. Elle est également de plus en plus utilisée comme biocarburant. Mais l’apparition de l’huile de palme, qui a été un poids lourd de la croissance économique, a coûté cher à l’Indonésie et à la Malaisie. Selon certaines estimations, plus de la moitié de l’expansion des palmiers à huile s’est produite depuis 1990 aux dépens des forêts, incitant les critiques des environnementalistes soucieux des émissions de gaz à effet de serre et de la disparition de l’habitat d’espèces menacées, comme les orang-outans, les éléphants pygmées ainsi que les rhinocéros et les tigres de Sumatra. Le développement des plantations de palmiers à huile a aussi aggravé les conflits territoriaux.

La réponse de GAR et les critiques de Greenomics ne sont pas les premiers reproches contre les affirmations douteuses faites par Oxley et World Growth International. Le groupe qui se présente comme une organisation humanitaire, qui pourtant pousse constamment une politique en faveur des intérêts de l’industrie forestière au détriment des communautés, a faussement prétendu que les plantations de palmiers à huile emmagasinent plus de carbone que les forêts tropicales et que la cause principale de la déforestation en Asie est l’agriculture de subsistance plutôt que les activités menées par les entreprises. Dans deux de ses rapports, World Growth International s’est accaparé les points de vue de Frances Seymour, directrice générale de CIFOR, une institution de recherche sur la politique forestière. World Growth International a prétendu que Seymour avait blâmé les fermiers de subsistance pour la plupart de la déforestation lors d’une réunion de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture en 2009. Cependant, une critique de la transcription de son discours ne soutient pas cette interprétation. Parlant avec mongabay.com, Seymour a catégoriquement démenti la notion que les pauvres étaient les premiers à être blâmés pour la déforestation d’aujourd’hui. World Growth International n’a pas répondu à la demande de Mongabay.com de faire part de ses commentaires.



Les rapports de World Growth International ont également rejeté d’autres inquiétudes sur l’environnement, entre autre les émissions de la conversion de tourbières en plantations et la perte d’habitat pour des espèces menacées, comme les orang-outangs et les tigres de Sumatra. Ses missives ont affirmé que le palmier à huile n’est généralement pas approprié dans les tourbières et que les groupes de droit n’appliquent ordinairement pas le concept de consentement préalable libre et éclairé aux communautés locales.




On peut maintenant trouver de l’huile de palme dans près de la moitié des produits agro-alimentaires, comme les biscuits que vendent les guides aux Etats-Unis. En raison de son rendement élevé, l’huile de palme est un produit de remplacement meilleur marché que les autres huiles végétales. Afin de réduire leurs coûts, certains fabricants utilisent de l’huile de palme pour remplacer le beurre de cacao dans leurs produits à base de chocolat au lait. Photo de Rhett A. Butler

Sa position et son comportement ont généré maintes critiques. En décembre 2010, Agus Purnomo, assistant spécial du président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono sur les changements climatiques a dit qu’Oxley ne représentait pas les objectifs de l’Indonésie concernant le moratoire proposé sur les nouvelles concessions dans les régions de forêts primaires et les tourbières. En novembre dernier, le groupe dirigé par Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix en 2004 pour sa campagne de plantation d’arbres en Afrique, a attaqué Oxley pour avoir utilisé son nom afin d’insinuer qu’elle soutenait la conversion à grande échelle de forêts tropicales en plantations industrielles. Et en octobre, un group de scientifiques éminents a violemment critiqué Oxley. Dans une lettre ouverte, ces scientifiques accusent World Growth International et ITS Global d’être des groupes de pression en faveur de l’huile de palme, du bois et des industries de pâte de bois.



« Un certain nombre des arguments clés de World Growth International, ITS Global et Alan Oxley présentent des déformations et des dénaturations, et donnent une mauvaise interprétation des faits » écrivent les scientifiques, menés par William F. Laurance, un chercheur de l’Université James Cook.



« Dans d’autres cas, nous pensons que les arguments sont présentés de manière très vague afin de défendre la crédibilité des entreprises qui les soutiennent financièrement de manière directe ou indirecte. En tant que tel, World Growth International et ITS Global devraient être considérés comme des groupes de lobby ou de soutien, et non comme des groupes de réflexion, dont les arguments devraient être interprétés en conséquence. »




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