Nouvelles de l'environnement

Un groupe en faveur de la déforestation critique un géant de l’huile de palme relativement au pacte de durabilité

World Growth International, un groupe qui plaide en faveur des intérêts de l’exploitation forestière industrielle, a critiqué Golden Agri Resources (GAR), le plus gros producteur d’huile de palme d’Indonésie, pour avoir signé une politique forestière, laquelle non seulement vise à protéger les forêts à haute valeur de conservation et capables d’emmagasiner de manière importante le carbone mais requiert aussi un consentement libre, préalable et informé (CLPI) dans la collaboration avec des communautés potentiellement affectées par le développement de l’huile de palme.



Dans un bulletin d’information publié le 10 mars, World Growth International a affirmé que l’accord de GAR “pouvait gravement handicaper la croissance de la compagnie ” en limitant les lieux d’établissement de nouvelles plantations et déclare que négocier avec de multiples partenaires «retardera et compliquera tout investissement de la compagnie.” World Growth International conclue en laissant entendre que GAR peut revenir sur son engagement.





Composition d’une tourbière dans les basses terres de la Malaisie péninsulaire, à Bornéo et à Sumatra, d’après une étude publiée au début de cette année dans le journal
PNAS. Les largeurs de colonnes représentent les zones respectives de tourbières au sein des sous-régions (Malaisie péninsulaire; SW, Sarawak; SB, Sabah; WK, Kalimantan occidental; CK, Kalimantan central; SK, Kalimantan du Sud ; EK, Kalimantan oriental; AC, Aceh; NS, Sumatra du Nord ; RI, Riau; WS, Sumatra occidental; JB, Jambi; BK, Bengkulu; SS, Sumatra du Sud; LP, Lampung). World Growth International a vivement critiqué l’étude.

Mais Peter Heng, Directeur général de la Communication et de la Durabilité chez GAR, n’est pas d’accord avec l’évaluation de World Growth International.



“A ce stade, le coût additionnel de cette politique ne sera pas important,” a-t-il dit à mongabay.com en réponse au courrier de World Growth International. “En nous basant sur un travail de terrain initial, nous pensons que la terre devant être définie comme capable d’emmagasiner de manière importante du carbone n’est pas significative car les concessions de GAR se trouvent sur des terres dégradées.”



“Ce qui est important c’est l’impact positif que la Politique de Conservation des Forêts aura sur la protection des forêts, sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la perte de biodiversité ainsi que sur l’amélioration des moyens de subsistance des gens.”



Les critiques émises par GAR sont remarquables car Alan Oxley, qui dirige World Growth International tout autant que l’entreprise de marketing, basée en Australie, ITS Global, a été payé l’année dernière par le groupe Sinar Mas, lequel contrôle GAR, pour émettre des doutes sur les plaintes environnementales déposées par Greenpeace qui avait fait campagne contre la filiale de GAR, à savoir PT Sinar Mas Agro Resources & Technology (PT SMART). Heng a déclaré à mongabay.com que GAR n’emploie pas Oxley.



Le bulletin d’information de World Growth International formule aussi d’autres affirmations discutables. Il y est dit que “les plantations de palme ne sont généralement pas adaptées aux tourbières”, alors qu’en fait plus d’un million d’hectares de plantations d’huile de palme a été implanté dans des tourbières en Indonésie et en Malaisie. En fait, les tourbières sont souvent la cible des compagnies car acheter ces terres ne coûtent pas cher, étant donné le peu de concurrence de la part des communautés locales. De plus, les productions d’huile de palme sur des sols tourbeux peuvent concurrencer les sols minéraux pourvu que les plantations soient soigneusement développées et les niveaux d’eaux bien gérés.



World Growth a aussi affirmé que “dans le monde des ONG, le CLPI se réfère en général seulement aux peuples autochtones et non aux communautés locales.” Cependant, de récentes plaintes concernant le CLPI auprès de la Table Ronde sur l’huile de palme durable se sont rapportées à des communautés locales à Bornéo en Indonésie, non à des groupes autochtones. Une plainte résolue la semaine dernière avait été, par exemple, déposée par une communauté— non une tribu de la forêt— dans le Kalimantan occidental. Dans le cadre de l’accord, PT Agro Wiratama, une filiale du groupe Musim Mas, devra rendre à cette communauté 1000 hectares sur les 9000 dont elle a la concession.



expansion of the oil palm estate across indonesia and malaysia, 1990-2008

L’industrie de l’huile de palme est en pleine expansion. Les prix sont à des niveaux presque record en raison de la hausse de la demande relativement à l’alimentation et aux combustibles. L’huile de palme est largement utilisée dans la fabrication d’aliments, de cosmétiques et de savons. Elle est aussi de plus en plus utilisée comme biocarburant.



Mais l’émergence de l’huile de palme comme poids lourd économique en Indonésie et en Malaisie a un coût. D’après certaines estimations, plus de la moitié de l’expansion de l’huile de palme s’est opérée depuis 1990 aux dépens des forêts, incitant les écologistes, inquiets des émissions de gaz à effet de serre et de la perte d’habitat de la faune en danger – parmi lesquels les orangs-outans, les éléphants pygmées, les rhinocéros et les tigres de Sumatra- à émettre de violentes critiques. Le développement des plantations d’huile de palme a aussi exacerbé les conflits sociaux dans certaines régions.



Certains industriels à présent répondent à ces problèmes. Une Table Ronde sur l’huile de palme durable (TRHPD) s’est constituée pour établir des critères afin de réduire les impacts sociaux et environnementaux de la production d’huile de palme.

Mais les affirmations contestables de World Growth International ne sont en rien nouvelles. Le groupe, qui se définit comme une organisation humanitaire mais fait cependant pression de manière systématique sur les politiques afin qu’elles favorisent les intérêts de l’exploitation forestière industrielle plutôt que ceux des communautés, a faussement déclaré que les plantations d’huile de palme capturent plus de carbone que les forêts tropicales et que la cause majeure de la déforestation en Asie est l’agriculture de subsistance plutôt que les activités menées par les entreprises. Dans deux de ses rapports, World Growth International a faussement imputé des points de vues à Frances Seymour, directrice générale du CIFOR, un institut de recherche en politique forestière. World Growth International a déclaré que Seymour avait reproché aux fermiers de subsistance l’augmentation de la déforestation lors d’une allocution à l’un des évènements du FAO en 2009, mais un examen de la retranscription de sa conversation n’étaye pas cette interprétation. Dans un entretien avec mongabay.com, Seymour a catégoriquement démenti l’idée que les pauvres soient essentiellement à blâmer pour l’actuelle déforestation.



Les rapports de World Growth International ont aussi raté d’importantes questions environnementales, dont les émissions provenant de la transformation des tourbières en plantations et la perte d’habitat pour des espèces menacées parmi lesquelles les orangs-outans et les tigres de Sumatra.



Ses positions— et sa conduite— ont engendré de nombreuses critiques. En décembre 2010, Agus Purnomo, le conseiller spécial en changements climatiques du Président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, a déclaré qu’Oxley dénaturait les objectifs du moratoire proposé par l’Indonésie sur les nouvelles concessions dans les zones de forêts primaires et les tourbières. En novembre dernier, le groupe dirigé par Wangari Maathai, la lauréate du Prix Nobel de la Paix 2004 pour sa campagne de plantation d’arbres en Afrique, a violemment critiqué Oxley de World Growth International pour avoir utilisé son nom et laissé sous-entendre qu’elle soutient la transformation à grande échelle des forêts tropicales en plantations industrielles. Et en octobre, un groupe d’éminents scientifiques a fustigé Oxley. Dans une lettre ouverte, les scientifiques assimilent World Growth International et ITS Global à des groupes porte-paroles pour les industries de l’huile de palme, du bois de construction et de la pâte à papier.



“Un nombre d’arguments clés de World Growth International, d’ITS Global et d’Alan Oxley, montrent d’importantes distorsions, représentations erronées ou mauvaises interprétations des faits,” ont écrit les scientifiques sous l’égide de William F. Laurance, un chercheur à l’Université James Cook.



“Dans d’autres cas, les arguments qu’ils ont présentés équivalent à un «brouillage des pistes» conçu, nous le soutenons, pour défendre la crédibilité de sociétés qui selon nous les soutiennent financièrement, de manière directe ou indirecte. Ainsi donc, World Growth International et ITS Global devraient être traitées comme des groupes de lobbies ou des groupes partisans, non comme des groupes de réflexion indépendants, et leurs arguments devraient avoir un poids conséquent.”



Toutefois, les plaintes n’ont pas arrêté World Growth International de continuer à envoyer par mail ses bulletins d’information et de publier des rapports critiquant les groupes environnementaux, et fait nouveau à présent, les compagnies d’huile de palme qui oeuvrent à la réduction de leurs impacts sur les forêts.



World Growth International n’a pas répondu à plusieurs demandes de commentaires de mongabay.com.



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