Nouvelles de l'environnement

5 millions d’hectares de forêts de la Papouasie-Nouvelle-Guinée confiés à des compagnies étrangères

 Papua New Guinea, as viewed from Google Earth, covers the eastern half of the island of New Guinea, as well as other Pacific Islands.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée telle qu’elle est vue par Google Earth couvre la moitié est de la Nouvelle Guinée ainsi que d’autres îles du Pacifique.


36 experts – des biologistes en passant par des scientifiques sociaux et des membres d’ONG- ont élaboré lors d’une réunion en mars 2011 une déclaration réclamant au gouvernement de Papouasie- Nouvelle-Guinée d’arrêter d’accorder des baux agricoles et commerciaux (SABL). Selon le groupe, ces baux, lesquels sont connus sous le nom de SABL, contournent les lois bien établies de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatives aux droits qu’ont les communautés sur les terres et mettent en péril certaines des plus intactes forêts tropicales du monde. A ce jour, 5,6 millions d’hectares de forêts (soit 13,8 millions d’acres) ont été loués dans le cadre des SABL, ce qui représente une zone plus grande que le Costa Rica tout entier.


«La Papouasie-Nouvelle-Guinée fait partie des nations de la terre les plus riches biologiquement et culturellement parlant. Cette remarquable diversité des groupes culturels reposent fortement sur les terres et les forêts qui sont les leurs par tradition. Celles-ci leur permettent de satisfaire leurs besoins en terres agricoles, en ressources forestières, en gibier et leur procurent non seulement des lieux pour leurs rites traditionnels et religieux mais beaucoup d’autres biens et services,» dit la déclaration intitulée Déclaration Cairns.


Cependant, selon la déclaration, tout ceci est menacé par le gouvernement de Papouasie-Nouvelle- Guinée qui utilise les SABL pour accorder de grandes parcelles de terres sans passer par la voie normale. 2 millions d’hectares (près de 5 millions d’acres) de terres louées ont déjà été mis sur la liste pour abattage par celles qui ont été judicieusement nommées par le gouvernement les Autorités d’Abattage des Forêts.


Daniel Ase, directeur exécutif de l’ONG «Centre pour une législation environnementale et les droits des Communautés» (CELCOR) en Papouasie-Nouvelle-Guinée, lequel a participé à la réunion, a dit à mongabay.com qu’il s’agissait d’une saisie massive de terres […] essentiellement pour un abattage forestier industriel à grande échelle, ajoutant que «la plupart de ces zones sont situées dans des zones du pays ayant une importante biodiversité.»


 Chart by mongabay.com
Graphique de mongabay.com.


En cédant des terres pour des baux de 99 ans à de grandes multinationales, étrangères pour la plus grande part, les SABL affaiblissent les communautés autochtones et les coupent de leurs terres pendant des générations. Rien que l’année dernière, 26 millions d’hectares (soit 6,4 millions d’acres) ont été accordés dans le cadre des SABL. Les communautés locales n’ont souvent pas consenti à ces opérations et en certains cas n’en ont même pas été informées.


«Presque toute la Papouasie-Nouvelle-Guinée appartient à un groupe communautaire ou à un autre et ces groupes doivent, du moins en théorie, approuver tout changement relatif à leurs terres. Voici l’une des raisons clés des SABL – c’est un moyen pour le gouvernement de dépecer de grands pans de terre à des fins d’importants abattages et autres réalisations et de diminuer grandement le rôle des communautés locales,» explique à mongabay.com William Laurance, un important biologiste spécialiste de la protection de l’environnement de l’Université James Cook.


Selon Laurance, les revenus tirés de ces opérations ne contribuent pas à soulager la pauvreté en Papouasie-Nouvelle-Guinée car «les profits finissent plutôt pour la plupart dans les mains des compagnies étrangères et des élites politiques du pays.»



Homme d’une tribu de la Nouvelle-Guinée occidentale. Photo de Rhett A. Butler

«Par exemple, les communautés locales de Papouasie-Nouvelle-Guinée ne perçoivent environ que 10$ par mètre cube sur le kwila qui est un de leurs arbres les plus précieux, tandis que le même arbre brut atteint autour de 250$ par mètre cube lorsqu’il est fourni à la Chine,» explique Laurans, lequel ajoute que, «beaucoup des grands indicateurs socioéconomiques de la Papouasie-Nouvelle- Guinée ont chuté cette dernière décennie, indiquant un déclin des niveaux de vie alors même que le pays connaît une énorme croissance en raison de ses ressources.»


Alors que ceci peut sembler contraire aux attentes, c’est un modèle qui s’est répété dans beaucoup de pays pauvres par ailleurs très riches en ressources naturelles. Situation connue des économistes comme la «malédiction des ressources», ces pays voient leurs ressources naturelles exploitées alors qu’ils n’en tirent que peu ou pas de profits économiques et que les fonds promis disparaissent dans de mauvaises opérations commerciales, vont à des politiciens corrompus ou à des entreprises étrangères décrites comme «prédatrices».


La Déclaration Cairns fait une semblable remarque: «Les SABL cherchent manifestement à faire échec aux efforts actuels pour réformer l’industrie forestière en Papouasie-Nouvelle-Guinée, laquelle a longtemps été en proie aux allégations de mauvaise gestion et de corruption.»


Contrairement à l’Asie du Sud-Est, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a longtemps pensé avoir évité une déforestation massive, conservant ainsi l’une des plus grandes forêts tropicales en dehors du Congo et de l’Amazonie. Cependant, une étude de 2009 a constaté qu’entre 1972 et 2002, près d’un quart des forêts du pays a disparu ou a été dégradé par l’abattage forestier.


«Les forêts de Papouasie-Nouvelle-Guinée sont abattues de manière régulière et inutilement sans que l’on se préoccupe des conséquences environnementales et ce, avec la complicité au moins passive des autorités gouvernementales,» a alors déclaré le Dr Phil Shearman, directeur du Centre de télédétection de Papouasie-Nouvelle-Guinée et auteur principal de l’étude.


Tandis que l’abattage du bois est la première cause de la perte forestière en Papouasie-Nouvelle- Guinée, l’industrie de l’huile de palme est en augmentation. L’huile de palme est devenue la cible des écologistes car elle est, pour une part du moins, responsable des crises environnementales auxquelles font face la Malaisie et l’Indonésie.



Etendue des plantations d’huile de palme en Papouasie-Nouvelle-Guinée de 1980 à 2007. Données gracieusement fournies par le FAO. Cliquez pour l’agrandir.

Cela ne doit pas continuer ainsi, dit Laurance. La Papouasie-Nouvelle-Guinée pourrait réduire la pauvreté tout en gérant de manière durable ses forêts.


«D’abord, le pays a besoin de développer de manière beaucoup plus importante l’ industrie nationale du bois. Ainsi, il pourrait obtenir de l’exploitation de ses forêts beaucoup plus de bénéfices et d’emplois. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a en ce moment l’un des plus bas taux de transformation du bois au monde. Ensuite, les forêts de Papouasie-Nouvelle-Guinée sont gravement surexploitées. Il épuisera bientôt ses réserves en bois si les choses continuent comme à l’heure actuelle. Il a donc besoin de réduire plus fortement l’exploitation et de se focaliser sur le développement d’une industrie du bois orientée vers plus de valeur ajoutée plutôt que de laisser quelqu’un d’autre faire des bénéfices.»


La Déclaration Cairn presse le gouvernement de mettre en place un moratoire relativement à l’attribution de nouveaux SABL et à l’octroi d’agréments pour abattre les forêts. Un analyse indépendante devrait ensuite être conduite sur la légalité des baux.



Laurence indique que les gens peuvent «écrire au Conseil national exécutif de la Papouasie- Nouvelle-Guinée (nec_secretary@pmnec.gov.pg), ce qui inclut le Premier Ministre et son Cabinet, et exprimer leurs vives inquiétudes quant à l’augmentation rampante des SABL ainsi que des coûts sociaux et environnementaux. Vous pouvez aussi envoyer une brève lettre au rédacteur en chef du journal Post-Courier (postcourier@ssp.com.pg), » ajoutant que «ces actions sont incontestablement utiles.»









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