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L’exploitation forestière et le braconnage de lémuriens se poursuivent à grande échelle dans un parc national de Madagascar, malgré le moratoire

Un inventaire biologique au nord-est de Madagascar a dévoilé une intense exploitation illégale de bois dans le Parc National de Masoala, un site du patrimoine mondial de l’UNESCO reconnu pour la richesse biologique de sa forêt pluviale. Les résultats indiquent que l’exploitation des essences précieuses dont les bois de rose, les palissandres et les ébènes se poursuivent malgré l’interdiction officielle de procéder à l’exploitation et l’exportation de rondins.



Une équipe de chercheurs du Missouri Botanical Garden a trouvé des dizaines de souches de bois de rose, des dépôts de grumes et des campements de bûcherons au cours d’un inventaire botanique d’une région forestière située entre les rivières Ankavia et Ratsianarana dans la partie orientale du Parc National Masoala. Les chercheurs estiment que 10 000 personnes travaillent dans le parc, abattent des arbres et chassent la faune dont des lémuriens menacés. Les botanistes ont découvert plusieurs pièges destinés à braconner les lémuriens qui sont de plus en plus vendus sur les marchés urbains comme viande de brousse.




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Ces découvertes interviennent juste après la publication d’une vidéo montrant l’implication du président du gouvernement de transition de Madagascar, Andry Rajoelina, dans le trafic illégal de bois précieux vers la Chine. La vidéo, filmée par des agents infiltrés de l’Environmental Investigative Agency, montre des commerçants chinois de bois de rose qui se targuent de traiter directement avec Rajoelina, l’auteur du coup d’état de l’année dernière. L’implication des associés de Rajoelina dans le trafic illicite de bois était connue mais cette vidéo constitue actuellement le meilleur document illustrant l’implication présumée du président lui-même.



L’exploitation forestière a explosé l’année dernière suite au coup d’état de mars qui a évincé Marc Ravalomanana, président élu démocratiquement, mais qui devenait de plus en plus autocratique et, selon certains, corrompus. Dans le chaos qui s’en suivit, des bandes armées ont investi les forêts pluviales des parcs de Madagascar pour en exploiter les bois. Des grumes d’une valeur de centaines de millions de dollars ont été expédiées en Chine où elles ont été transformées dans l’ébénisterie de luxe.



Alors que le tollé international provoqué par la destruction des forêts de Madagascar s’intensifiait, un semblant de gouvernance se mettait en place à Madagascar avec un gouvernement de transition dirigé par Andry Rajoelina qui annonçait une interdiction du commerce de bois de rose. Mais si les compagnies maritimes européennes, piquées au vif par la critique pour avoir facilité le trafic de bois, semblent vouloir respecter le moratoire, les stocks de bois continuent de grossir dans les ports orientaux, en particulier à Vohemar et Tamatave, et certains bois précieux sont sortis clandestinement du pays. En septembre, deux représentants de Maersk à Toamasina (Tamatave) ont été arrêtés pour avoir laissé embarquer des conteneurs de bois de rose à bord d’un de leurs navires. La semaine dernière, un négociant de bois de rose, prétendant agir au titre d’une dispense accordée par Rajoelina, a essayé d’expédier près de 20 millions de dollars de bois de rose à bord du Kiara, un navire appartenant à la compagnie maritime CMA-CGM, mais en a été empêché par les agents du Ministère des Eaux et Forêts.




Campement de bûcherons dans le Masoala. Courtoisie du Missouri Botanical Garden




Si l’exploitation des bois a explosé au cours des derniers dix-huit mois, le trafic de bois de rose se poursuit à Madagascar depuis des décennies. Des recherches publiées dans le numéro de juin de la revue Madagascar Conservation & Development a montré que l’exploitation de bois de rose a suivi un cycle depuis les années 1990 au moins. Le bois est exploité de manière régulière et stocké jusqu’à ce qu’une catastrophe naturelle, comme un cyclone ou des troubles politiques, créent une situation favorable à une exportation. Le cercle des exportateurs de bois fait une fortune jusqu’à ce que les groupes de protection de la nature et les agences d’aide internationales réussissent à mettre un terme au trafic, au moins jusqu’à l’étape suivante du cycle.




Dépôts de rondins de bois de rose dans le Masoala. Courtoisie du Missouri Botanical Garden




« L’exploitation illégale de bois précieux se poursuit sur l’ensemble du cycle car le gouvernement ne contrôle vraiment que les exportations (c.-à-d. depuis le chargement des conteneurs à bord d’un bateau à quai dans un port jusqu’à son départ). Les opérateurs de la filière accumulent des stocks en attendant la phase favorable du cycle » écrivaient Randriamalala et Liu, auteurs de l’article de Madagascar Conservation & Development.




Campement de bûcherons dans le Masoala. Courtoisie du Missouri Botanical Garden




La plupart des gains provenant de l’exploitation forestière illégale revient à un groupe restreint de gens riches alors que les pertes sont partagées entre les autres membres de la société malgache qui dépendent de plus en plus des touristes qui viennent admirer les trésors naturelles de l’île dont la faune endémique avec ses lémuriens ou encore d’impressionnants paysages au rang desquels viennent les forêts pluviales ou les récifs coralliens. Le déboisement peut aussi réduire la disponibilité en eau claire et avoir un impact sur les ressources alimentaires.



« Le tourisme de Madagascar est une activité qui rapporte près d’un demi milliard de dollars chaque année à des dizaines de milliers de personnes (hôteliers, restaurateurs, guides, chauffeurs de taxi, piroguiers, artisans et d’autres). » écrivent Randriamalala et Liu. « En revanche, l’exploitation illégale des bois précieux rapporte 220 millions de dollars une seule fois à vingt-trois personnes. »












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