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Le lent retour en France de la très menacée loutre d’Europe

En France, à la fin des années 1970, le destin de la loutre d’Europe (Lutra lutra) était très sombre. En regardant seulement sa carte de distribution, on pouvait voir que la plus grande partie du pays était alors dépourvue d’une espèce qui était auparavant trouvée dans toutes ses régions. Les estimations atteignaient à peine le nombre de 1’500 loutres en liberté dans le pays entier. Aujourd’hui, on soupsonne 2’000 à 3’000 individus d’habiter dans des criques et des rivières, essentiellement dans le Massif central, sur la côte atlantique (Bretagne) et dans la partie ouest du pays, en particulier dans les zones humides de Poitevin. Cette tendance vers le haut de la taille de la population est une bonne nouvelle et un pas en avant vers la reconstitution de populations durables, toutefois la population globale est toujours critiquement basse. Par contraste, au début des années 1900, les loutres étaient franchement abondantes en France avec plus de 50’000 individus sauvages.



La loutre d’Europe (Lutra lutra) à Southwold, Angleterre. Photographie par Catherine Trigg.

La loutre d’Europe a une large distribution, incluant des régions tempérées, méditerranéennes et tropicales et couvrant en partie trois continents (l’Afrique, l’Asie et l’Europe). Les populations les plus abondantes se trouvent en Russie. Toutefois, on croit cette espèce éteinte au Japon et En Danger (selon le Statut IUCN)

en Corée du Sud. Elle occupe les ruisseaux, rivières, lacs, marais, et parfois les zones côtières. La loutre est à l’aise à la fois dans les milieux aquatiques et terrestres, toutefois elle préfère les habitats avec de la nourriture en abondance, de l’eau douce, ainsi que des rives naturelles avec de la végétation, des racines d’arbres, des tas de pierres, des morceaux de bois et autres débris avec lesquels construire sa tannière. Principalement nocturne, les biologistes ont bien du mal à l’étudier, faisant de la loutre un animal cryptique et farouche. La plupart des estimations de population sont conduites en recherchant les signes de sa présence, comme des traces ou des fèces sur les rives des rivières. Si vous voyez une loutre dans la nature en France, alors vous pouvez vous considérer comme très chanceux!



Jusqu’au début des années 1980, les loutres étaient lourdement chassées pour leur fourrure, comme nourriture et comme espèce nuisible dans le domaine de l’aquaculture. Leur fort déclin fut accéléré par une pollution significative de l’eau (entre autres, par les DDT/DDE, les polychlorobiphényles (PCB) et le mercure), ainsi que par la destruction et la fragmentation de leur habitat, qui restent toutes deux les menaces actuelles dominantes pour la survie de cette espèce. La lente augmentation en distribution et en nombre des loutres en France est clairement attribuable à trois causes principales. La première est la protection légale de cette espèce en 1972 et 1981, incluant l’interdiction d’utiliser des pièges à mâchoires en 1994. La seconde est l’amélioration significative de la qualité de l’eau obtenue dans de nombreuses étendues d’eau au cours des dernières décennies. Finalement, la construction de tunnels à loutres sous les routes et de passages à divers barrages hydroélectriques a sauvé la vie de nombreuses loutres. Entre 1980 et 1990, 4 (dénombrement direct d’individus morts) à 20 loutres (estimation) ont été tuées chaque année par des véhicules dans la région de la Bretagne, représentant 5 pourcents de la population estimée. Des centaines de tunnels et de passages ont été construits depuis les années 1980. Par exemple, rien que le long de l’autoroute A89, 45 tunnels ont été construits, incluant l’installation de caméras à distance pour en évaluer l’efficacité. Le coût associé à ce type d’infrastructures (par exemple, rebords, passages souterrains, grillages) est généralement bas, variant entre 75 et plusieurs centaines d’euros par mètre linéaire de construction, le coût total ne dépassant généralement pas 20’000 euros. Ces mêmes passages souterrains sont souvent bénéfiques à d’autres espèces de la faune, comme les amphibiens. Il est également important de noter que durant les années 1980, la loutre d’Europe devint une importante espèce porte-drapeau pour les groupes français de conservation de la nature, incluant la Société nationale de protection de la nature (SNPN) et le WWF France qui promouvaient la sensibilisation à la conservation et des activités en faveur des loutres.



Fèces de loutre d’Europe. Photographie par Pierre Fidenci.

La réintroduction des loutres d’Europe a été sujette à d’intenses débats du fait que la plus grande partie de son aire de distribution historique en est maintenant dépourvue. Une seule région, l’Alsace, au nord de la France, a fait une tentative, sans succès, de réintroduction de cette espèce. L’opposition à la réintroduction de la loutre est forte et les lobbies de pêcheurs et les activités d’aquaculture s’y opposent car les loutres se nourrissent essentiellement de poisson.



Très lentement mais sûrement, la loutre d’Europe revient en France, mais à ce rythme, cela pourrait lui prendre un autre siècle pour reconquérir la plus grande partie de son aire de distribution historique.







Habitat occupied by the Euarsian otter. Photo by: Pierre Fidenci.



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