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L’exploitation forestière illégale est en déclin dans le monde entier, mais reste « un problème majeur »

La production mondiale de bois récolté illégalement est en baisse de 22% depuis 2002.


Un nouveau rapport de l’institut Chatham House indique que l’exploitation forestière illégale dans les pays de la forêt tropicale est en déclin, ce qui prouve que les nouvelles lois et les efforts internationaux mis en place pour résoudre le problème, ont un impact positif. Selon le rapport, la production mondiale de bois récolté illégalement a chuté de 22% depuis 2002. Il montre cependant que les nations – à la fois productrices et consommatrices – ont encore du chemin à faire pour que ce problème appartienne au passé.



Pour illustrer l’importance même du problème, Larry MacFaul, co-auteur du rapport, explique que« si les troncs d’arbres abattus illégalement étaient alignés les uns après les autres, ils pourraient faire le tour de la planète plus de dix fois ».



Déboisement pour une nouvelle plantation d’éléis aux abords du Parc National de Gunung Leuser sur l’île de Sumatra, en Indonésie. La vente du bois issu des coupes à blanc est souvent utilisée pour financer la plantation de palmier à huile. Photo prise par Rhett A. Butler.

L’exploitation forestière mondiale illégale génère un ensemble de problèmes écologiques et sociaux. La destruction de la forêt tropicale humide libère une quantité importante d’émissions de gaz à effet de serre, menace la biodiversité et met en péril d’autres « services de l’écosystème » tels que l’eau propre. Etant donné sa nature non règlementée, l’exploitation forestière illégale menace souvent les peuples indigènes qui vivent dans la forêt, réduit les communautés et les économies locales, et empêche les gouvernements de générer des revenus sous forme d’exploitation forestière légale, ou peut-être de droits d’émission de gaz carbonique. Des études montrent que d’autres problèmes écologiques découlent directement de l’exploitation forestière illégale, tels que le braconnage et le trafic de viande de gibier.


« Environ un milliard des personnes les plus pauvres au monde dépendent des forêts, et la réduction de l’exploitation forestière illégale aide à protéger leurs moyens d’existence », explique Sam Lawson, Associate Fellow à l’institut Chatham House et auteur principal du rapport, lors d’un communiqué de presse. Chatham House est une ONG basée à Londres qui réalise des analyses indépendantes sur des problèmes internationaux.



Pays producteurs: Brésil, Indonésie, Cameroun, Malaisie et Ghana



Portant sur les cinq plus grands producteurs de bois tropical au monde, l’étude prouve que la majeure partie d’entre eux ont connu une chute significative dans l’exploitation forestière illégale au cours de la dernière décennie.



En Amazonie brésilienne, l’exploitation forestière illégale a chuté de 50 à 75%. Selon ce rapport, l’amélioration des lois et de la règlementation, ainsi qu’une mise en application plus sévère de celles-ci, ont eu un fort impact au Brésil. Le nombre d’agents en charge de l’application des lois et gérant les problèmes d’exploitation forestière illégale dans le pays, est passé de 400 en 2003 à 3000 en 2007. Cependant, malgré ce déclin massif, 34% du bois vendu au Brésil est encore récolté de manière illégale.



L’Indonésie a connu une chute de 75% de l’exploitation forestière illégale. Selon le rapport, l’amélioration du gouvernement, l’augmentation de la production de bois originaire de plantations et la pression des ONG, ont toutes aidées à réduire le problème national d’exploitation forestière illégale, même si 40% de la production de bois indonésienne semble encore être d’origine illégale. L’Indonésie se heurte encore à des barrières majeures telles que le suivi des politiques et lois, et le manque de mise en application de ces dernières.



Bois de rose débité dans le Parc National de Masoala, site classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Alors que le rapport montre qu’un certain nombre de pays ont connu un déclin dans l’exploitation forestière illégale, celle-ci est en plein boom à Madagascar. Photo prise par:Rhett A. Butler.

Le Cameroun a réduit de moitié l’exploitation illégale depuis 1999. Selon le rapport, le projet “Forest Law Enforcement and Governance” – qui contrôle le commerce – a eu un très gros impact sur la réduction de l’exploitation illégale au Cameroun. La pression des consommateurs européens a également porté effet. Mais comme pour les autres nations, la mise en application des lois et des règlementations reste un problème. De plus, le rapport recommande au Cameroun un renforcement de ses lois.


Selon le rapport, le déclin de l’exploitation forestière illégale au Brésil, en Indonésie et au Cameroun, a permis de sauver plus de 17 millions d’hectares de forêt du déboisement (soit deux fois la taille de l’Autriche) et a empêché l’émission de 1.2 milliards de tonnes de gaz carbonique dans l’atmosphère. Mais, par ailleurs, si ces régions avaient exploité le bois dans un cadre légal, elles auraient pu générer plus de 6 milliards de dollars de recettes.



L’arrêt complet de l’exploitation illégale dans ces trois nations aurait pour autre avantage d’empêcher l’émission de 14.6 milliards de tonnes de gaz carboniques, ce qui équivaut à la quantité émise en six mois par l’activité humaine.



Les résultats du rapport étaient plus mitigés pour la Malaisie et le Ghana. Bien que l’importance de l’exploitation illégale soit plus réduite en Malaisie par rapport aux autres pays évalués, elle n’a pas connu d’amélioration concluante face au problème au cours de la dernière décennie. Le manque de transparence constitue l’un des problèmes majeurs de la Malaisie.



Tout comme la Malaisie, le Ghana ne semble pas avoir connu d’amélioration dans l’interruption de l’exploitation forestière illégale au cours de la dernière décennie. Celle-ci continue de sévir: l’exploitation illégale est estimée à deux tiers de la production totale, qui provient en majorité de l’exploitation artisanale.



Alors que l’exploitation forestière illégale est en déclin ou reste stable dans de nombreux pays, d’autres connaissent un boom. Par exemple, suite à un coup d’état, Madagascar a connu une crise d’exploitation illégale. Les bûcherons sont même entrés dans les parcs nationaux, à la recherche de bois de rose rares et précieux, menaçant ainsi la biodiversité unique de l’île.



Le rapport souligne que l’exploitation illégale n’est pas un problème du passé. Avec des systèmes de contrôle plus nombreux, une amélioration des lois, et dans certains cas, une meilleure mise en application de celles-ci, l’exploitation illégale est en train de passer d’une pratique au grand jour à de nouvelles techniques plus difficiles à détecter : par exemple, les entreprises coupent du bois à l’extérieur de la zone autorisée ou se procurent des permis illégaux pour la coupe-blanche dans le cadre de l’agriculture.



Les pays consommateurs: Les Etats-Unis, l’Europe et le Japon



Malgré son coût social et écologique, le commerce de bois tropical illégal est en plein boom. Si la demande en bois illégal n’existait plus, on assisterait à l’assèchement de ce commerce. Et pourtant, selon le rapport, la demande reste particulièrement élevée dans les nations les plus riches au monde : les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas, et la Chine qui est de loin la plus grande consommatrice.



Ampleur du déboisement à Bornéo de 1950-2005, projection en 2020. L’Ile de Bornéo est divisée entre la Malaisie, l’Indonésie et le Brunei. Bien que l’exploitation illégale soit en déclin en Indonésie, la situation reste inchangée en Malaisie.

En 2008, les cinq pays consommateurs étudiés par l’institut de Chatham House – à l’exclusion de la Chine – ont acheté 17 millions de mètres cubes de bois récolté de manière illégale et de produits à base de bois issus de sources illégales. Ce bois importé a été évalué à 8.4 milliards de dollars pour une année seulement. La plus grande partie du bois récolté illégalement entre sous forme de mobilier ou de contreplaqué : après avoir été coupé, il est généralement envoyé en Chine, où il est transformé et ensuite exporté vers ces gros consommateurs.



Cependant, les nations consommatrices ont récemment lancé un grand mouvement contre l’exploitation forestière illégale. En 2008, les Etats-Unis ont passé un amendement à la loi Lacey Act déclarant l’achat, la vente et la détention de bois récolté de manière illégale comme étant interdits. Ce fut la première loi de ce genre. L’Union Européenne a ensuite suivi : la semaine dernière seulement, le Parlement Européen a voté une loi interdisant le bois récolté illégalement sur ses marchés, bien que celle-ci ne passe en application qu’en 2012 et en 2017 pour les produits papier. Il va falloir du temps avant de voir réellement si ces nouvelles lois, établies dans quelques uns des plus grands marchés mondiaux de bois illégal, résolvent effectivement le problème. Les premiers rapports concernant la loi américaine sont généralement positifs.


« L’effort lancé pour lutter contre l’exploitation illégale et améliorer la règlementation forestière a permis de réunir les pays développés et en voie de développement pour combattre ensemble le même problème » explique Lawson. « Notre étude montre que l’intérêt et la pression des consommateurs, associée à l’action des pays producteurs, peuvent générer des résultats très positifs. »



Illegal wood made up between 2 to 4 percent of the total wood consumed in the US, UK, France, and the Netherlands. However, that percentage jumps in Japan. Approximately 9 percent of wood products sold in Japan are sourced illegally. In terms of laws and regulations to deal with the trade, Japan has fallen behind both the US and Europe. The report recommends that Japan adopt legislation that bans illegally-sourced timber from its markets.



Hors-jeu : le rôle de la Chine dans l’exploitation forestière illégale



La Chine est au centre des discussions concernant le problème de l’exploitation forestière illégale depuis cette dernière décennie. Cette surpuissance mondiale en pleine ascension est devenue, de fait, la plateforme tournante de l’exploitation illégale : le bois récolté illégalement entre dans le pays, et en ressort sous forme de planches, mobilier et tout autre type de produits faits à partir du bois, pour ensuite être exporté dans le monde entier et souvent revendu à moindre prix.



Selon le rapport, un cinquième du bois importé en Chine est d’origine illégale, ce qui fait du pays le plus grand importateur et exportateur de bois illégal au monde: 20 millions de mètres cubes de bois récolté illégalement entrent en Chine chaque année – soit plus que le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Japon, les Pays-Bas et la France réunis.



Bien que la Chine se soit lancée dans des discussions avec les Etats-Unis et l’Union Européenne concernant l’exploitation forestière illégale, les dirigeants chinois sont jusqu’à présent incapables d’empêcher l’entrée de bois illégal sur leur territoire en raison d’un manque de lois contre cette pratique. Selon Chatham House, les entreprises chinoises ne voient pas grand intérêt à rechercher des troncs d’arbres certifiés légaux et sont plus soucieuses du prix que de la légalité. Le rapport recommande à la Chine d’adopter de nouvelles lois interdisant le bois illégal sur son marché.



“Bien que l’exploitation forestière illégale soit en déclin, elle continue de représenter un problème majeur et les gains supplémentaires dans les pays ayant connu une progression dans le domaine seront semble-t-il de plus en plus difficiles à atteindre », affirme des notes figurant sur le rapport de Chatham House. « Pour réussir à mettre entièrement fin à l’exploitation illégale et au commerce qui y est associé, il est important que les dirigeants politiques et les autres parties prenantes prennent note des leçons tirées du passé et de la mutation du problème ».


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