Nouvelles de l'environnement

Une nation de tragédies : les guerres inaperçues des éléphants du Tchad

Les quelques éléphants restants du Tchad sont les « survivants d’un « holocauste » ».



[Attention : photographies d’éléphants tués]




Stephanie Vergniault, responsable de l’association SOS Elephants au Tchad, dit avoir vu, au cours de sa vie, plus de corps décapités d’éléphants que d’animaux vivants.



Dans cette nation centre-africaine, sur fond d’une vaste tragédie humaine – pauvreté, famine, violence et des centaines de milliers de réfugiés – les éléphants disparaissent discrètement à une vitesse étonnante. L’un après l’autre, ils tombent sous la main de milices de braconniers bien organisées, bien financées, et lourdement armées. Stephanie Vergniault pense que bientôt il pourrait ne plus rester aucun éléphant.


Avocate, scénariste et défenseuse de l’environnement, Vergniault est une vraie femme de la Renaissance. Elle était d’abord venue au Tchad pour travailler avec le gouvernement pour de l’assistance électorale, mais, en 2009, après avoir découvert l’affreuse situation des éléphants de cette nation, elle créa SOS Elephants, une organisation déterminée à sauver ces animaux de l’extinction locale. Comme écrivain, Vergniault travaille également sur un scénario racontant le trafic de l’ivoire au Tchad, ainsi que dans le reste de l’Afrique.



Éléphants braconnés : les braconniers leur coupent la trompe et parfois la tête pour atteindre leurs défenses en ivoire. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.

« La population tchadienne d’éléphants était d’environ 20’000 individus dans les années 1980, mais dû au braconnage intensif, elle a été réduite à un peu plus de 3’000 aujourd’hui, » a déclaré récemment Vergniault à mongabay.com, illustrant un déclin total de 85 pourcents en moins de trois décades. Et ce nombre ne cesse de décroître : 105 éléphants ont été tués par les braconniers dans la région du Logon oriental pendant le seul mois d’avril dernier. D’après Vergniault, si le braconnage continue à ce rythme, il ne restera pas un éléphant vivant au Tchad d’ici trois ans.


SOS Elephants travaille désespérément à établir des moyens de stopper le braconnage au Tchad, se faisant elle affronte des braconniers qui sont des soldats de fortune hautement entraînés, bien dédommagés et ayant accès à une technologie sophistiquée, et non de simples locaux conduits à tuer les éléphants par leur grave pauvreté.


« Je doute que [les braconniers] vivent au Tchad, » dit Vergniault. « Ils ont un style nomadique de type arabe : voyageant à cheval divisés en petits groupes de cinq, parfois accompagnés de chameaux pour transporter l’ivoire. Ils sont apparemment d’anciens soldats, car ils sont bien entraînés à tirer. »


Vergniault dit croire que les braconniers ont leur principale base en République centrafricaine et opéreraient vraisemblablement à la fois au Tchad et au Cameroun. Ces braconniers sont également équipés des dernières avancées technologies, incluant le GPS et les téléphones satellites. Ils pourraient même employer l’imagerie satellite pour localiser et suivre les troupeaux d’éléphants.




Vergniault travaillant avec les locaux. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.

« Dû à certaines sources que je ne peux pour l’instant pas révéler, nous nous demandons réellement s’ils n’utilisent pas les images satellite pour localiser les groupes d’éléphants, » explique Vergniault. « Il est très important pour nous de comprendre comment le trafic est organisé à l’étranger et si les « types » derrière ce trafique ont des moyens très sophistiqués d’opérer et sont capables de guider les braconniers à l’aide d’une très haute qualité d’images satellite, peut-être même de qualité militaire. »


Personne ne sait qui organise et paye en fin de compte ses milices de braconniers. Toutefois, l’ivoire ne reste pas en Afrique, mais il finit le plus vraisemblablement dans la très éloignée Chine, un pays connu pour son riche marché de produits illégaux issus d’animaux sauvages.


La seule façon pour SOS Elephants de ne serait-ce que commencer à combattre un braconnage si déterminé est de travailler étroitement avec les locaux et le gouvernement tchadien.



« Nous établissons peu à peu un très bon réseau d’informateurs locaux à qui nous avons appris à nous transmettre la position des braconniers et des éléphants. Grâce à nos très bonnes relations avec les autorités tchadiennes, nous alertons les Forces mobiles de Protection de l’environnement et, parfois même, le chef d’Etat lui-même pour lui demander d’envoyer des troupes lorsque cela est nécessaire, » nous dit Vergniault, ajoutant que le Président tchadien, Idriss Deby Itno, est devenu un allié héroïque dans la guerre pour sauver les éléphants du pays.




Des officiels saisissant de l’ivoire avec un éléphant tué en arrière-plan. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.

Vergniault souligne que le gouvernement a été d’une aide incroyable. En fait, ce ne sont pas seulement les éléphants qui perdent la vie sous les balles des braconniers, mais également les soldats tchadiens. Le mois dernier, les braconniers ont tué deux de ces soldats en un seul week-end. Les guerres des éléphants sont autant une tragédie humaine qu’environnementale.



SOS Elephants ne se satisfait pas de travailler uniquement sur le thème du braconnage, mais elle aide également les locaux à protéger leurs champs des éléphants, avides de nourriture.



« Parce que nous avons besoin d’améliorer la qualité des relations entre les éléphants et les fermiers, notre second type d’activités est d’apprendre aux gens à mieux protéger leurs cultures, » dit Vergniault, qui a travaillé avec des fermiers pour employer le piment rouge comme répulsif à éléphants, ceci incluant la plantation de piment rouge autour de leurs champs.



Historiquement, les éléphants du Tchad ont migré à la fois vers le Cameroun et la République centrafricaine en utilisant les mêmes corridors pendant des siècles, mais récemment les fermiers se sont installés à l’intérieur de beaucoup de ces corridors pour y planter leurs cultures, ce qui a amené les sensibles éléphants et les humains à être plus proches les uns des autres. SOS Elephants travaille également avec les autorités sur des plans de déplacements des personnes en dehors des corridors des éléphants.




Vergniault examine une carcasse avec les soldats pour faire avancer la protection des éléphants. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.

« Un grand effort de formation devrait être fait envers les locaux pour leur expliquer que les éléphants peuvent également produire un bénéfice et que c’est [leur] devoir d’alerter les autorités lorsque des braconniers sont aux alentours, » nous dit Vergniault, mais elle ajoute que le sauvetage des éléphants n’est pas seulement la responsabilité des Tchadiens.




« A un plus haut niveau, la communauté internationale devrait faire pression sur les pays consommateurs [d’ivoire] pour condamner cette pratique. »



En tant qu’animaux très intelligents, Vergniault dit que les éléphants du Tchad n’ont pas été laissés psychologiquement indemnes par le braconnage mené contre eux. En fait, la poursuite constante par des tueurs armés – et les dizaines de milliers de leurs congénères qui en sont morts – ont rendu les éléphants du Tchad de plus en plus agressifs, voire même meurtriers.



« Les éléphants ont une très bonne mémoire et, selon mon opinion, beaucoup d’entre eux sont maintenant les survivants d’un « holocauste ». Ils ont vu d’autres éléphants de leurs groupes se faire tués par les humains et, de plus en plus, ils prennent leur revanche et deviennent des tueurs en série, » explique Vergniault. « C’est vraiment dommage ! Les éléphants qui restent au Tchad sont des survivants et leur seule manière de continuer à survivre est de se montrer très agressifs. Par exemple, chaque fois que les éléphants tchadiens voient un cavalier, ils chargent ! Pourquoi ? Parce que les braconniers sont des cavaliers ! »



Le braconnage des éléphants est globalement en augmentation, mais, dans tous les médias couvrant ce thème, les éléphants massacrés du Tchad ont été largement ignorés : Vergniault espère faire changer cette situation.


Dans une nation toujours considérée comme instable – où approximativement 80 pourcents de la population vit en dessous du niveau de pauvreté et des centaines de milliers de réfugiés sont arrivés pour échapper à la violence du Darfour – sauver les éléphants peut paraître peu important à côté de l’ampleur de cette tragédie humaine. Mais si l’on veut croire à l’avenir du Tchad, et de l’Afrique centrale en général, il faut aussi pouvoir croire qu’une espèce comme l’éléphant peut survivre à l’attaque actuelle – tout comme on peut espérer que la population arrivera à essuyer cette longue tempête – et continuer à habiter une région qu’ils ont parcourue depuis des millions d’années.






Pour se tenir informé du travail de SOS Elephants, vous pouvez consulter sa page Facebook qui publie des mises à jour régulières: SOS Elephants Facebook Group.



Vous voulez poser des questions ou proposer votre aide à Stephanie Vergniault? Vous pouvez la contacter sans autre à cette adresse: svergniaul@aol.com












Un troupeau d’éléphants errant librement au Tchad. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.






Vergniault inspecte une scène de braconnage typique. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.







Vergniault partant à moto avec un soldat afin de travailler à la protection des éléphants. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.







Éléphant braconné avec la trompe coupée. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.







SOS Elephants travaille étroitement avec les communautés locales. Ici elle a sponsorisé une équipe de football locale. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.







Éléphant braconné avec la tête coupée. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.








Vergniault en train de travailler avec les locaux. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.








Des officiels tendant de l’ivoire confisqué. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.








Vergniault examinant un éléphant braconné. Photographie fournie par Stephanie Vergniault.





Quitter la version mobile