Tout le monde connait le tigre, le panda, la baleine bleue, mais qui connait les cinq à trente millions d’espèces animales vivant sur notre planète ? La plupart de ces merveilleuses et rares espèces reçoivent peu d’attention des médias, des organismes de conservation et donc du grand public. Nos articles ont pour but de rendre aux « espèces oubliées » l’attention qu’elles méritent.
Beaucoup d’adjectifs peuvent décrire le Tenrec aquatique aussi connu sous le nom de Limnogale, il s’agit d’une espèce rare, mystérieuse, insaisissable, unique, adorable… Mais il ne faut pas en oublier toutes les formes de vie que compte le règne animal.
Cet adorable petit insectivore vit dans la partie Est de l’ile de Madagascar. Il passe la majorité de la nuit à nager et plonger dans les courants rapides à la recherche d’insectes et de têtards.
Le Limnogale est tellement rare que le Link Olson, professeur au Muséum de l’Université d’Alaska et un des rares chercheurs travaillant sur cette espèce aquatique, n’en a trouvé que récemment à l’état sauvage.
« Bien que j’avais déjà pu observer leurs excréments » dit-il, « Les Limnogales font partis des petits mammifères les plus difficiles a attrapé au monde, c’est une paraphrase de ce que m’a dis le Dr. Edwin Gould, anciens membre de U.S. National Zoo. »
Un Limnogale aquatique capturé dans un ruisseau de Tomaro à la périphérie du parc national Ranomafana, Est de Madagascar, en mai 1998. Photo de Kevin H. Barnes. |
Le professeur Olson nous explique que le Limnogale est une espèce remarquable car « il est le seul mammifère terrestre de l’ile de Madagascar à être semi-aquatique, il possède de nombreuses adaptations pour la locomotion en milieu aquatique. Ces caractéristiques sont aussi observables chez d’autres mammifères comme la Loutre ou encore la Musaraigne aquatique… Olson cite le Limnogale comme « un exemple fascinant d’évolution convergente », c’est-à-dire que ces espèces ont des traits évolutifs similaires alors qu’elles ne sont pas apparentées.
Le Limnogale, et tous les Tenrecs en général, appartiennent au groupe des Afrothériens. Ce groupe comprend des espèces comme les Eléphants et les Lamantins ainsi que les Oryctéropes et les Damans. Pour les chercheurs les données génétiques prouvent que l’on peut réunir ces espèces dans un même sous-ordre : les Afrothériens.
Les trente espèces connues de la famille des Tenrecs sont plus apparentées aux Macroscélidés et Taupes dorées qu’a n’importe quelles autres espèces du sous-ordre des Afrothériens. Mais le Limnogale est le seul Tenrec qui soit entièrement adapté à la vie dans l’eau.
« Tous ce que nous savons c’est que cette espèce de mammifère est exceptionnelle sur le plan écologique et évolutif » nous rapporte le professeur Olson, « ce qui en dit beaucoup ». Malheureusement le programme de conservation EDGE (Evolutionary Distinct and Globally Endangered) classe le Limnogale comme la 117ème espèce de mammifère la plus menacée au monde.
Olson et d’autres chercheurs ont étudié les populations de Limnogale et collecté leurs excréments. La présence de l’espèce a été relevée sur cinq sites seulement, le long des rivières de l’Est de Madagascar. Le Limnogale est classé comme Vulnérable (VU) sur la Liste rouge de l’UICN, son risque d’extinction étant du à sa rareté, il n’existe pourtant pas de groupe de conservation travaillant actuellement sur cette espèce.
Le Limnogale se trouve souvent dans les rivières du parc national de Ranomafana, sur l’Est de l’ile de Madagascar. Photo : Rhett A. Butler. |
« Personne ne sais exactement ce qui menace le Limnogale » nous confesse le professeur Olson. « C’est très dur de l’étudier dans son milieu naturel, de plus peu d’études ont été publiées sur son écologie et son habitat ce qui rend difficile la mise en place d’un programme de conservation de l’espèce ainsi que de son milieu. » Olson ajoute que la prochaine étape pour la conservation de cette espèce est simplement la mise en place de plus de recherche.
« Cela parait peut être répétitif mais il s’agit pourtant de la vérité. Simplement nous n’en savons pas assez à l’heure actuelle sur cette espèce pour comprendre ce qui représente une menace pour elle », nous avoue Olson.
Le Limnogale n’est qu’un exemple – parmi plusieurs milliers– d’espèces peu connu que les conservationnistes ne savent pas comment protéger.
CITATION: Jonathan P. Benstead, Kevin H. Barnes and Catherine M. Pringle. Diet, activity patterns, foraging movement and responses to deforestation of the aquatic tenrec Limnogale mergulus (Lipotyphla: Tenrecidae) in eastern Madagascar. The Journal of the Zoological Society of London. Volume 254. 2001.
Tenrec aquatique, Limnogale mergulus, capture à la rivière Tomaro à la périphérie de parc national Ranomafana, Est de Madagascar, mai 1998. Photo : Kevin H. Barnes.